Balmog - Eve
Chronique
Balmog Eve
Il faut savoir être patient et parfois même s’acharner avant d’apercevoir enfin le chemin de la lumière et de la reconnaissance, car c’est exactement ce qui se passe pour les Galiciens qui auront mis quasiment vingt ans pour obtenir une certaine notoriété et intéresser au-delà de l’underground le plus profond. En effet après deux premiers opus passés quasiment inaperçu c’est avec la sortie de « Vacvvm » en 2018 (conjugué à l’arrivée dans la foulée chez les Allemands de War Anthem) que les choses ont commencé à tourner dans le bon sens pour le trio, celui-ci voyant sa musique s’étoffer et devenir plus ambitieuse qu’à ses débuts. Le combo nous avait effectivement surpris l’an dernier avec l’Ep « Pillars Of Salt » composé d’un seul titre d’une durée de dix-huit minutes, au rendu intéressant et jamais lassant qui voyait l’apparition de discrets claviers bien troussés et jamais lassants joués par Javier Félez (GRAVEYARD), membre de session depuis plusieurs années et qui a officiellement intégré le groupe aujourd’hui. Il est clair en tout cas que l’entité a véritablement franchi un cap tant elle s’éloigne de la musique de ses débuts, pour offrir aujourd’hui un son plus personnel et ambitieux où modernité et synthétisme trouvent facilement leur place, sans que l’ensemble ne soit un gloubi-boulga informe et indigeste. En quarante minutes et six compositions particulièrement bien foutues et troussées (où se mêlent les traditionnelles intro, outro et interlude) l’auditeur va être embarqué dans un voyage à travers l’espace, la science-fiction et les remous personnels via des influences psychédéliques et post-punk assez palpables, afin d’amener une ambiance presque apocalyptique à l’ensemble.
Car une fois les riffs froids et inquiétants terminés de « Horror In Circuitu » c’est « Birth Of Feral » qui va donner le ton de ce disque en mettant en avant des ambiances tribales imposantes émergeant du néant glacé, avant l’apparition de blasts déchaînés au milieu d’un riffing coupant et tempétueux. Ce qui marque en effet ici (ainsi que sur les morceaux suivants) c’est cette météo venteuse et hostile (qui n’est pas sans rappeler les productions récentes venues d’Islande), et qui amène une densité supplémentaire au son des espagnol, qui n’hésitent pas non plus à intégrer nombre de solos de haute tenue à la fois mélodiques et contemplatifs, en parfaits raccord avec l’expérience musicale voulue. Offrant ainsi un rendu opaque et occulte ce premier jet va donner le ton des autres, et en particulier via « Senreira » aux longs blasts affirmés et aux parties rapides propices au headbanging, qui voit l’apparition de longues plages apaisées où les chants religieux se greffent aux frappes du batteur sur les toms, qui semble vouloir amener l’auditoire vers une état de transe communicatif. Jouant autant sur le classicisme que sur l’originalité cette composition est un parfait condensé de ce que les gars savent faire, et plus on va avancer et plus ce sentiment va s’affirmer, tout d’abord avec « Slander » au grand-écart assumé où lourdeur écrasante et passages enlevés se côtoient en alternance sans coup férir (et avec une fluidité de tous les instants). En effet ici si le secouage de tête est présent de façon discrète pour aérer l’ensemble c’est bel et bien la lenteur totale qui est de rigueur et qui créé là-encore un sentiment inquiétant (où la pluie semble être toute proche) et porté par une rythmique lancinante et répétitive, mais qui n’est jamais lassante… un schéma basé sur le bridage qui se retrouve sur l’outro « Lume » qui maintient un certain mystère et des questions en suspens.
Si l’interlude synthétique et électronique (« Agnus Dei ») nous revoie en plein vers les films futuristes et la robotique, « Desacougo » continue sur cette même voie en proposant un excellent condensé de ce que savent faire les musiciens, entre agressivité latente et souplesse technique à cheval entre l’ouragan et le calme de l’œil du cyclone. D’ailleurs la rudesse du climat et l’humidité va continuer ensuite sur le quasi-instrumental « Zohar » qui sert de tremplin à l’ambitieux et envoûtant « Carrion Heart » porté par une basse chaude et ronronnante aux accents cold-wave, d’où une certaine martialité émerge au milieu des cassures et furias sonores en tous genres, sans que jamais ça ne tombe dans le trop-plein. Car comme déjà dit plus haut ça n’est jamais bourratif et cet ultime moment de plaisir le prouve parfaitement, tant on réentend toute la palette de jeu des musiciens où excitation, plaisir et peur s’entremêlent sur fond de chaos maîtrisé mais pas moins cauchemardesque. N’abusant jamais au niveau de la durée générale (ça reste assez court et donc facilement assimilable malgré la technicité de façade), l’entité montre un vrai niveau technique (mention spéciale aux nombreux leads de toute beauté) et une cohérence sans bornes où l’orthodoxie et le classique sont sur un pied d’égalité. Dissonant tout en restant facilement appréhendable ce « Eve » est clairement ce qu’elle a produit de mieux depuis sa création et qui mettra du temps et la patience à rude épreuve avant d’être totalement appréhendé, tant il est élaboré juste comme il faut. Autant dire qu’avec tout ça les petits gars de Soutomaior ont fait ce qu’il faut pour grimper dans la hiérarchie et prouvent qu’ils sont dans le haut du pavé du Metal noir de leur pays, qui retrouve des couleurs et un intérêt depuis quelques temps et l’on ne va pas s’en plaindre même s’il reste malgré tout encore une énigme au sein de la scène extrême internationale.
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