Largement encensé par une grande majorité de la scène Hardcore après la sortie en 2018 de son premier album (l’excellent
Only Self), Jesus Piece aura pris tout son temps (un tout petit peu moins de cinq ans) pour accoucher de son successeur. Un disque forcément paru en avril dernier sur le label Century Media Records et forcément très attendu par une partie du public. Eh oui, changement de crèmerie pour le groupe originaire de Philadelphie qui entre temps n’a pas manqué d’attiser les convoitises et qui entend bien profiter de cette nouvelle collaboration pour accroitre sa visibilité.
Intitulé
...So Unknown, ce nouvel album interpelle en premier lieu par son illustration pour le moins discutable. Alors évidemment, l’art a toujours été quelque chose de très subjectif et l’idée n’a jamais été de faire consensus mais en ce qui me concerne je fais partie de ceux qui ne lui trouvent pas beaucoup de charmes. Signée de l’artiste parisien LAZYGAWD adepte de l’aérographe, celle-ci a ce côté désuet des oeuvres de street art amateurs que l’on retrouve à l’arrachée sous n’importe quels ponts et de ces artistes qui, souvenez-vous (enfin pour ceux de mon âge...), faisaient fureur en bords de plages durant les mois d’été. Quoi qu’il en soit, même si je ne suis pas hyper convaincu par cette oeuvre, vous et moi savons pertinemment que là n’a jamais résidé l’essentiel. Et heureusement…
Après la production en béton armée dont jouissait son prédécesseur, difficile pour Jesus Piece de faire machine arrière sur un tel sujet. Pourtant, cela n’a pas empêché les Américains de faire appel à un autre producteur en la personne de Randy LeBoeuf (Dying Wish, I Am, Miss May I, For Today, Lorna Shore, The Acacia Strain, Thy Art Is Murder...). Ce dernier, dont le curriculum vitae brièvement évoqué ci-dessus parle de lui-même (sans pour autant susciter chez moi un semblant d’excitation), signe à cette occasion une production particulièrement massive mettant l’emphase sur ces basses redoutables ainsi que ces accents froids, mécaniques et industriels qui font la particularité du Hardcore du groupe de Philadelphie.
De fait, et ce ne sera une surprise pour personne, Jesus Piece n’a bien évidement pas changé son fusil d’épaule puisqu’avec
...So Unknown celui-ci reprend le chemin de ce Hardcore bas du front particulièrement lourd et cadencé qui a fait sa renommée. En effet, outre cette production hyper-protéinée qui en impose par sa seule présence on va retrouver tout ce qui faisait déjà le charme des Américains depuis au moins leur premier album. Préférant une fois encore faire preuve de concision, Jesus Piece va choisir de ne pas s’éterniser outre mesure (l’album est ainsi bouclé en un petit peu plus de vingt-huit minutes) puisque seul "Silver Lining" fricote ici avec les quatre minutes. Un format idéal puisqu’il permet à cette formule plutôt linéaire et répétitive de conserver toute sa pertinence et sa force de persuasion sans jamais montrer de quelconques signes de faiblesse.
Ainsi, Jesus Piece continue ici d’user (et d’abuser) de ce riffing particulièrement plombé qu’il semble avoir hérité de la scène Beatdown. Un riffing métallique à la fois chaloupé et saccadé qui entretient cette impression d’extrême lourdeur qui pèse sur l’auditeur dès les premières secondes d’"In Constraints" et cela jusqu’aux derniers instants de ce disque particulièrement redoutable. Alors c’est vrai, il y a toujours eu chez les Américains ce côté bête et méchant dénué de toute finesse mais pourtant le groupe réussit à instiller à sa musique un semblant de nuances grâce à de nombreuses petites variations dispensées autant à travers les riffs de David Updike et John Distefano (des changements qui demeurent relativement subtils puisque cela ne se fait pas vraiment d’un point de vue rythmique mais plutôt mélodique) qu’à travers d’imperceptibles accélérations et ralentissements. Certes,
...So Unknown n’en reste pas moins un album dense et homogène mais ces quelques pointes de relief n’en restent pas moins essentielles.
Successeur particulièrement physique à un premier album déjà sacrément viril et costaud,
...So Unknown ne devrait pas décevoir tous ceux déjà séduits par les atouts du groupe de Philadelphie qui d’ailleurs n’ont probablement pas attendu cette chronique pour se faire un avis. Quoi qu’il en soit, Jesus Piece n’a pas volé sa réputation et encore moins entaché sa carrière avec la sortie de ce deuxième album qui répond à toutes les attentes laissées après la découverte de
Only Self. Disque de Hardcore métallique particulièrement bas du front,
…So Unknown n’est néanmoins pas aussi bourrin qu’il le laisse entendre grâce à des paroles plus profondes et intelligentes que ne le suppose cette musique d’hommes des cavernes. En attendant, c’est un retour gagnant pour les Américains qui dans un genre souvent très limité s’imposent ici avec beaucoup de talent et même un semblant d’élégance (toutes proportions gardées).
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