Ayant fait l’impasse (en tout cas pour le moment) sur le split que les Lillois ont partagé avec les Québécois d’Outre-Tombe afin d’accompagner leur tournée européenne d’une quinzaine de jours fin 2022, cela faisait un petit moment que nous n’avions plus abordé (en tout cas en chronique) les aventures de Skelethal. Depuis la sortie de son deuxième en fait, le très bon
Unveiling The Threshold paru il y a bientôt quatre ans déjà... Si depuis tout ce temps rien ne semble avoir changé, le groupe a tout de même dû faire face au départ de son batteur Lorenzo Vissol qui avec ses autres projets (notamment Schizopheria) n’avait probablement plus assez de temps à accorder à Skelethal. Si les Français n’ont toujours pas trouvé de remplaçant, cela ne les a pas empêchés d’avancer. La preuve, ces derniers viennent de sortir leur troisième album, toujours sur Hells Headbangers Records.
Pour celui qu’ils ont choisi d'intituler
Within Corrosive Continuums, le groupe a donc dû faire appel à un batteur de session. Si ce n’est probablement pas ça qui manque, Skelethal a sollicité les talents d’un garçon pour le moins expérimenté puisque c’est Ilmar Marti Uibo (ex-Bloody Sign, ex-Chaos Echoes, ex-Necrowretch...) qui a effectivement été embauché pour l’occasion. L’enregistrement de ces sept nouveaux morceaux s’est quant à lui déroulé au Heldscalla Studio (Dionysiaque, Merciless, Venefixion, Ritualization, Sépulcre, Fall Of Seraphs, Sacrifizer...) sous la directive de Raphaël Henry. Reste cette illustration que l’on doit au Danois Alexander Gjerdevik Skjøtt qui, si son nom ne vous dit rien, a pourtant déjà collaboré avec ses compatriotes de Chaotian à l’occasion de la compilation
Festering Excarnation et de cet excellent premier album intitulé
Effigies Of Obsolescence, deux sorties que je dois chroniquer depuis déjà belle lurette...
Après deux albums et une tripotée d’à-côtés (EPs, splits et autres démos) placés sous le signe d’une relecture contemporaine de ce que la Suède a fait de mieux en matière de Death Metal (Dismember, Carnage, Entombed, Nihilist, Grave et compagnie), je ne m’attendais pas à ce que Skelethal dévie sa course ne serait-ce que d’un iota. C’est pourtant bel et bien le constat que l’on peut faire à l’écoute de
Within Corrosive Continuums qui, s’il conserve évidemment de cet ADN en lui, voit pourtant le groupe s’en aller désormais lorgner du coté de la scène américaine du début des années 90 tout en s’octroyant au passage une plus grande liberté de mouvement. Sortir de cadres trop restrictifs qu’il s’évertuait à respecter depuis trop longtemps était effectivement nécessaire pour Skelethal s’il souhaitait franchir un cap et ne pas se contenter de stagner. C’est désormais chose faite et le moins que l’on puisse dire c’est que les Lillois l’ont fait avec classe et panache.
Ne soyez donc absolument pas surpris si au détour d’une séquence certaines sonorités vous rappellent le Morbid Angel de la grande époque. En effet, il semblerait à l’écoute de ces nouveaux morceaux que le groupe ait choisit de complexifier et densifier certaines de ses tournures. C’est en tout cas le constat que l’on peut faire sur les premières secondes de "Spectrum Of Morbidity" puis plus loin à 2:32, sur le début une fois de plus de "Upon The Immemorial Ziggurat" ainsi qu’à 0:58, 2:56 et 3:46 (un titre sur lequel on croirait entendre un peu de "Where The Slime Live") ou bien encore sur "Within Corrosive Continuums" à 9:19. De petites réminiscences qui se font surtout entendre lorsque Skelethal choisit de lever le pied et de calmer le jeu.
Comme évoqué plus haut, ce n’est cependant pas la seule nouveauté qui se cache derrière ce nouvel album. En effet, tout au long de ces quarante minutes bien chargées on va rapidement constater qu’il y a encore bien plus à découvrir et à appréhender. De cette introduction instrumentale qui n’a absolument rien d’anecdotique puisqu’elle va nous permettre de nous plonger dans le bain de manière subtile à ces nombreuses séquences à la fois plus mélodiques et progressives ("Spectrum Of Morbidity" de 1:52 à 2:52, la première minute de "Mesmerizing Flies At The Doors Of Death" tout comme celle de "Eyes Sewn Mouth Full", "Upon The Immemorial Ziggurat" de 1:55 à 2:56, « Fatal Abstraction » de 2:50 à 4:02, la transition de "Within Corrosive Continuums" entre 6:10 et 8:18) sans oublier évidemment cette pièce-maitresse de plus de douze minutes qui clôture ce troisième. Un titre instrumental particulièrement bien troussé qui jamais n’ennuie ni ne tourne en rond grâce à un jeu de nuances parfaitement exécuté. Non, franchement, cela peut paraître cliché à dire mais
Within Corrosive Continuums s’impose sans mal comme l’album de la maturité pour Skelethal qui en a probablement eu assez d’être relégué au rang de second-couteau certes efficace et sympathique mais à l’envergure tout de même limitée et donc choisi de sortir de sa zone de confort dans l’idée d’expérimenter des choses nouvelles et rafraichissantes s’avérant extrêmement payantes.
Ceci étant dit, que les plus réfractaires aux changements ne prennent pas peur, ce troisième album demeure quoi que l’on en dise un disque toujours très inspiré par la scène suédoise des années 80 et 90. Même avec le départ de Lorenzo Vissol qui avait apporté aux Lillois cette touche de brutalité supplémentaire, le groupe ne s’est pas assagi. Derrière les fûts, Ilmar Marti Uibo prouve qu’il n’a rien perdu de son talent grâce à un jeu dynamique et varié qui sied évidemment très bien au Death Metal de Skelethal et à ses nouvelles ambitions. Ainsi
Within Corrosive Continuums est rempli d’accélérations et autres séquences bourre-pif, que ce soit à coups de blasts punitifs ou bien plus modestement à coup de toupa-toupa hérités de cette scène Punk / Thrash sur laquelle repose une bonne partie des formations suédoises évoquées plus haut. Bref, n’ayez crainte, malgré certains élans plus mélodiques et progressifs et des envies d’autre choses, ça continue quand même à ramoner comme il faut.
J’aurais pu m’attarder sur les quelques points positifs non-évoqués jusque-là et qui participent eux aussi à la qualité de ce troisième album (comme par exemple ces excellents solos disséminés à travers tout l’album, cette production impeccable de lisibilité et de caractère, ce growl aux variations subtiles...) mais il est temps de conclure sans quoi je risque de me répéter et perdre des lecteurs en cours de route. Aussi à ce stade de votre lecture, vous devriez avoir déjà compris que
Within Corrosive Continuums est assurément ce que Skelethal a composé de mieux et surtout de plus intéressant et personnel. Un disque à n’en point douter très important pour les Lillois qui devrait normalement si tous partagent cet avis leur permettre de monter en grade dans la mesure où celui-ci est l’expression d’un groupe ayant réussi à s’émanciper de carcans trop restrictifs qui, sans lui avoir porté préjudice d’une quelconque manière, l’ont jusque-là toujours empêcher de de viser plus haut. Bref, chapeau bas messieurs, c’est ce que l’on appelle une franche réussite.
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