Time Lurker - Emprise
Chronique
Time Lurker Emprise
Actif depuis déjà une décennie le projet solo du mystérieux Mick était pourtant totalement silencieux depuis maintenant cinq ans (et un sympathique split en compagnie de CEPHEIDE), après avoir pourtant enchaîné les sorties à un rythme soutenu... et surtout publié un album éponyme particulièrement prenant qui demandait de la patience et de la mise en condition optimale pour être totalement assimilé. Si le seul défaut qu’on pouvait après coup lui reprocher était d’étirer un peu inutilement certains plans pour le reste son créateur avait vu les choses en grand, et nul doute qu’il a voulu prendre le temps pour donner vie à son successeur et surtout qu’il ait la même qualité générale. Désormais épaulé par Sotte pour toute la partie vocale et les paroles le multi-instrumentiste livre ici un disque plus compact que son prédécesseur, vu qu’il dure à peine trente-quatre minutes et est constitué d’à peine trois morceaux à la fois violents et épiques (complétés par une introduction et un instrumental en guise de conclusion), où le froid côtoie la lumière comme les ténèbres sur fond de chaos général mais aussi d’harmonies et de moments de calme propices à la rêverie comme à la méditation.
Si musicalement rien de nouveau n’est donc à signaler ça va être également toujours aussi réussi du côté du contenu, et ce malgré le fait qu’on aurait bien repris quelques titres supplémentaires. Car il faut bien avouer que toute cette attente pour une durée si courte a de quoi créer une certaine déception voire même de la frustration, vu qu’une fois arrivé au bout de l’écoute on a cette sensation de trop-peu et qu’il manque un chouia supplémentaire pour être totalement rassasié. Néanmoins si on fait abstraction de cela force est de reconnaître que l’Alsacien a une nouvelle fois mis la concurrence à distance, car après l’inquiétant et horrifique « Emprise » qui met parfaitement la pression place à « Cavalière de Feu » hypnotique et impressionnant de maîtrise. En effet une fois les arpèges froids joués dans le néant la tête-pensante va nous balancer une ambiance brumeuse dont il a le secret à grand coups du chant criard et désespéré de sa nouvelle acolyte, le tout balancé sur une rythmique où tous les tempos sont de sortie et qui créent ainsi une densité globale imposante où accents glaciaux et cosmiques se mêlent au milieu de cette tempête débridée où nul espoir ne transparait. Tout cela étant complété par un dynamisme incroyable et un côté épique venteux, où le souffle guerrier ne nous sort jamais de la tête pour notre plus grand plaisir. Voyant l’ajout de parties tribales de bon aloi ce démarrage remuant et violent reprend parfaitement les choses où en étaient restées les précédentes sorties de son auteur, qui va ensuite appuyer fortement sur la pédale de frein via le très long « Poussière Mortifère » qui va miser allègrement sur un rythme plus lourd et posé. Car voyant la température générale baisser encore plus fortement cette plage voit la neige se renforcer encore plus nettement, donnant la sensation d’errer sans fin ni but dans un désert glacé... tant le rendu est oppressant de par cette couleur blanche plus marquée à l’instar du noir d’ailleurs. En effet après un break l’heure est à l’explosion et c’est la nuit qui fait son apparition, mettant ainsi en avant deux visions totalement antagonistes mais néanmoins en totale symbiose, surtout avec ce riffing joué en boucle comme pour mieux marteler le message voulu dans la tête de l’auditoire.
Confirmant que même en jouant sur le bridage il n’y perd ni en attractivité ni en puissance le désormais duo va pousser son schéma plus loin dans ses retranchements avec « Disparais, Soleil », au nom prédestiné et en totale adéquation avec le contenu proposé. Monolithique dans son exécution il voit surtout la virulence et le débridage être mis sur la touche sans que l’ensemble n’y perde en violence comme du côté du rendu toujours aussi furibard, et où l’on ressent une certaine nostalgie poindre le bout de son nez aussi bien dans les notes de guitare que dans les parties vocales qui se font plus posées et mystérieuses. Tout cela créé ainsi de la mélancolie et de l’espoir au milieu de ces ténèbres opaques, où la météo semble enfin être à l’accalmie quoi que toujours brumeuse et difficilement solaire. Cependant il ne faut pas croire que le binôme a tout misé là-dessus vu qu’il ajoute aussi des relents tribaux conjugués à des accents encore plus gelés, afin de tétaniser toute tentative de rébellion... tout ça avant l’interminable conclusion (« Fils Sacré »), où une ultime rasade de variété rythmique se fait entendre afin de clôturer dignement ce long-format absolument impeccable en tous points.
Même si évidemment tout cela se terminera beaucoup trop rapidement pour qu’on soit totalement rassasié, force est de reconnaître qu’il vaut mieux se satisfaire de cela que d’avoir un opus trop long où l’on risque de finir par décrocher en cours de route. Au lieu de ça ici l’attention reste constante et c’est bien là l’essentiel, tant le résultat y est absolument solide sans jamais faiblir un seul instant grâce aussi bien à sa qualité d’écriture impressionnante que par sa grande variété générale, qui permettent ainsi de faire un long périple intérieur aussi bien dans les confins de l’âme humaine qu’à travers le ciel et les éléments du vide. En espérant maintenant avoir une suite express et du même acabit à ce bijou qui va se dévoiler progressivement à chacune des écoutes, et qui va embarquer très loin l’auditeur qui prendra la peine de se plonger vers l’inconnu pour explorer les tréfonds cosmiques comme mystiques. Solide et sans aucune faiblesse cette galette va avoir en tout cas une vraie emprise morale et hantera les esprits pendant longtemps, preuve donc que TIME LURKER sans être dans la lumière distille à chaque fois quelque chose de qualitatif où l’émotion et la peur sont toujours là, et il n’y a pas de raison que ça change vu que l’on n’a jamais été déçu par les sorties de ce nom désormais bien installé au sein de la scène hexagonale... pourvu que ça dure car on en redemande déjà.
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