Time Lurker - Time Lurker
Chronique
Time Lurker Time Lurker
Depuis déjà quelques temps la scène Black de l’Hexagone ne cesse de grandir aussi bien qualitativement que quantitativement, il n’est donc pas étonnant que de manière régulière de nouvelles formations déboulent de nulle part et nous en mettent plein les oreilles. Quand en plus elles sont signées chez Les Acteurs de l’Ombre (et sur sa branche Emanations) on sait qu’on ne sera pas déçu, tant leur catalogue s’est étoffé ces dernières années avec les excellents REGARDE LES HOMMES TOMBER, PENITENCE ONIRIQUE, MOONREICH et tant d’autres, auquel vient de se rajouter TIME LURKER encore peu connu mais qui ne le restera probablement plus pour longtemps. Sous cette entité se cache le multi-instrumentiste Strasbourgeois Mick, qui depuis 2014 entouré par quelques amis venus pousser la chansonnette, officie dans un registre noir à la fois atmosphérique et légèrement dépressif. Après avoir sorti deux EP par le passé l’heure est enfin venue de passer le cap du premier album, cependant celui-ci ne propose rien de nouveau car il réunit en un seul bloc ces précédentes réalisations, mais qui cependant s’accordent parfaitement et vont bénéficier désormais d’un vrai rayonnement et d’une mise en lumière via la distribution importante du label du Maine-et-Loire. Du coup on peut raisonnablement dire qu’il s’agit d’un vrai disque de longue durée, qui durant presque cinquante minutes va nous emmener vers quelquechose d’introspectif, philosophique et conceptuel, où les doutes et certitudes de l’être humain vont être confrontés à ses peurs et à sa vision de l’au-delà, sur fond de noirceur et de brume épaisse.
Bien qu’étant relativement simples techniquement, l’ensemble des morceaux et des interludes se révèle particulièrement accrocheurs, d’une énorme cohérence et d’une écriture à la fois fine et limpide, au milieu de ce désespoir obscur dont on ne voit pas la lumière, et qui va demander un sacré paquet d’écoutes pour assimiler chaque détail et en découvrir de nouveaux régulièrement. « Rupture » qui ouvre la galette est le parfait exemple de ce qui vient d’être cité et met directement la barre très haut, car les onze minutes qui vont suivre passeront à une vitesse incroyable vu que son créateur place directement toutes ses influences et sa palette artistique. Que ce soit pendant la longue introduction pleine de brouillard et légèrement humide où seuls résonnent au départ les notes glaciales de la guitare, ou pendant la suite qui offre son lot de ralentissements, d’accélérations, de breaks d’une froideur sans noms, et de passages plus rapides où la double se met en avant afin d’obtenir un titre à tiroir remarquable et d’une fluidité intense. Ce que l’on remarque ensuite avec « Judgement » c’est l’homogénéité des voix, car malgré la multitude de personnel au micro et le ton et tessitures propres à chacun, elles arrivent à rester cohérentes tout en ayant leur propre identité, allant de la haine pour l’un jusqu’au désespoir et le plaintif pour d’autres. Là-encore l’ensemble débute par quelquechose de neigeux et hivernal qui s’énerve pendant un petit moment, avant de s’alourdir et d’offrir une alternance entre ces deux tempos, pour finir de manière très dynamique et possédée, afin de mieux envoûter l’auditeur, notamment par un jeu de batterie qui va à l’essentiel mais qui a suffisamment de feeling et de finesse pour être en total raccord avec le thème général et les autres instruments. On peut dire le même sentiment sur « Ethereal Hands » dont le rendu est encore plus hypnotique que son prédécesseur, notamment grâce à une prestation énorme du nouvel invité au chant, dont le cri est incroyablement prenant et dégage un sentiment de folie et de possession indéniable, le tout porté par une musique toujours aussi diversifiée et réussie, qui prouve encore s’il le fallait le talent d’écriture manifeste de son créateur.
Après ce triptyque une pause est bienvenue, et l’interlude « Reborn » (dont le nom colle parfaitement au concept) va se charger de maintenir l’intérêt de l’auditeur, tout en le préparant pour une suite qui va être tout aussi intense et magnétique. Notamment via des notes synthétiques qui donnent un peu d’onirisme à ce moment de calme, avant que l’on enchaîne sur « No Way Out From Mankind » plus atmosphérique et spatial, qui emmène très loin et arrive à se montrer apaisant malgré qu’on se trouve dans un endroit inconnu et mystérieux à cheval entre le purgatoire et l’enfer. Ici plusieurs parties décomposent le morceau et cela renforce cette sensation étrange et agréable qui sert de rampe de lancement à « Passage ». Se plaçant juste avant le bouquet final, ce second interlude très court sert de relais pour l’ultime départ vers l’infini qui s’intitule « Whispering From Space » et clôturera en beauté ce bijou. Après un roulement de toms suivi de blasts furibards le tout va se faire plus doux et plus mid-tempo, car bien qu’il y’ait des explosions de vitesses son créateur souhaite surtout mettre l’accent sur le mystère et l’inconnu grâce à des cassures nombreuses, des bases plus lentes et surtout des notes coupantes qui ne sont pas sans rappeler SHINING ou SILENCER, pour en finir avec le sentiment du devoir accompli.
La force de cette galette est son incroyable pouvoir addictif, car il est très difficile de décrocher une fois qu’on est parti où Mick veut nous emmener, et on en redemande vu qu’on découvre de nouvelles sensations et détails à chaque fois. Les amateurs de brutalité exacerbée pourront sans doute lui reprocher un certain manque de rage, pourtant il serait malvenu de le critiquer pour cela vu que celle-ci est disséminée un peu partout et avec parcimonie, afin d’aérer au maximum son propos qui laisse beaucoup d’espace aux ambiances et évite ainsi la lassitude et la répétition. Avec en prime une production naturelle et équilibrée, une vraie personnalité musicale (où l’on trouve l’ombre de LEVIATHAN, SOMBRES FORETS ou encore WOODS OF DESOLATION), ainsi que des influences spirituelles et littéraires majeures comme Howard Phillips Lovecraft, Alan Kardec et Léon Denis, ce disque éponyme montre l’immense talent de son créateur dont on a déjà hâte d’écouter la suite tant son potentiel semble sans limites.
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