Aller, un dernier pour la route avant de laisser à d’autres le soin de compléter la discographie des Espagnols. Et tant pis si cela restera inachevé : on parle après tout d’un groupe inabouti, singulier – ce que j’ai essayé d’appuyer dans mes chroniques de
Nihl et
Endinghent – mais jamais égal aux grands noms du death metal non-euclidien auxquels on peut penser, Portal en tête.
Peut-être parce que Altarage est à ce dernier ce que les romans Warhammer 40 sont aux
Dune de Frank Herbert : une version musclée, jouissive – voire plus satisfaisante selon l’humeur – mais ne possédant pas la même qualité d’écriture ni les mêmes visions.
Worst Case Scenario le montre bien, avec ses structures pas tant complexes qu’inexistantes, le trio jouant du chaos avec un certain sens du contrôle mais aucune ligne d’horizon, aucun discours clair autre que « il fait noir là-dedans, vous ne trouvez pas ? », aucune recherche d’en faire une matière propre. Si cela fait du bien d’entendre la bande revenir à un format plus resserré par rapport à l’heure de
Succumb, plus humble dans ses recherches qu’avec le drone / noise de
Sol Corrupto, les défauts de son style restent les mêmes.
On ne peut pas accuser Altarage de faire du surplace pour autant, changeant ici ce qu’il faut la formule pour éviter d’hurler au décalque, tout comme
Endinghent le faisait avec
Nihl (qui reste, pour l’heure, ce que les Espagnols ont fait de mieux).
Worst Case Scenario est sans doute l’essai le plus physique du trio, une phrase présente sur le bandcamp – « The future is so bleak it is almost physical » – résumant sa démarche. Le chaos susmentionné est entièrement brisures et flots ; il est aussi viscéral, délaissant les notions de musicalité classiques pour faire éprouver un death metal le plus sensible possible (une optique qui me rappelle
Chaos Echoes et sa similaire envie de Mouvement).
Cela fonctionne pour peu que l’on accepte certaines choses, qu’on entre en résonance avec son feeling particulier – ce qui veut dire « pas à chaque fois », l’œuvre ayant de sacrés murs à franchir (les riffs stop and go bien trop présents ; l’influence mathcore qui pourra sonner clichée pour qui en goûte dans sa forme pure ; la rareté de moments marquants en eux-mêmes).
Worst Case Scenario possède des qualités bien à lui, de même que propre à Altarage, comme cette base rythmique toujours aussi ébouriffante, mécanique autant qu’imprévisible, ou cette voix crue et humaine ; l’ensemble sonne tout de même comme un exercice de style au fond qui s’échappe la plupart du temps.
Loin de moi l’idée de clouer un cercueil à Altarage avec cet album, ni même de rire au nez de ceux trouvant que
Worst Case Scenario est une évolution salutaire : les Espagnols innovent ici, rendent moins alien et fictionnelle leur musique, plus proche d’une réalité tangible malgré l’absence de mélodies discernables (exceptions faites de « Enigma Signals » et « Gift of Awakening », plus rampantes et mémorables que le reste des compositions) ou d’images palpables. La tristesse qu’il exsude, la production moins opaque qu’autrefois, l’énergie brute qui ressort par instants (« ØWork », meilleur exemple) laissent voir une intention d’aller au plus près de l’auditeur, après l’avoir longtemps laissé de côté.
Cela ne fait pas de
Worst Case Scenario un excellent album. Il est trop fuyant et sans éclat pour laisser durablement une empreinte. Il intrigue, emmène lors de certaines écoutes où l’on est bien disposé, ouvre des portes intéressantes à défaut de catapulter vers des espaces inconnus ou époustouflants. Un disque finalement à la mesure de ses créateurs, jamais tout à fait convaincants, toujours énigmatiques et parfois captivants.
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