Il y a des périodes comme ça où un genre musical donné voit pleuvoir soudainement des brouettées de pépites venues de nulle part, sans qu'on les ait franchement vu venir … Qu'est-ce qui peut bien provoquer un tel phénomène ? Les soubresauts tardifs de retombées radioactives de Tchernobyl peut-être, ou une comète passant un poil plus près que d'habitude de notre petit ballon bleu ? … Toujours utile que c'est bel et bien ce qui s'est passé en 2004 dans le domaine du death mélodique: en effet, se sont succédés à un rythme d'enfer le
« Back to Times of Splendor » de
Disillusion, le
« Mabool » de
Orphaned Land et « Buried in Oblivion » de Into Eternity (et, un poil plus tard, en 2005, le
« Decrowning » de
Amoral). Il ne m'en a pas fallu plus à l'époque pour revenir à mes premières amours, revêtir ma tenue d'adorateur de
Edge of Sanity, et commander en bloc ces albums auprès de ma VPC préférée du moment …
Bon alors, quand je dis « venu de nulle part », j'abuse un peu. Into Eternity débarque du Canada, qui – alignant, en plus de ses groupes anglophones, tous les jeunes talents québécois - est un peu au continent américain ce que la Suède est à notre vieille Europe: un puit intarissable de groupes extrêmes talentueux. Autre approximation qu'on ne me laissera sans doute pas passer facilement: l'étiquette « death mélo ». Into Eternity ne se laisse pas ranger aussi facilement dans un tiroir donné, jugez plutôt: côté vocaux, on a le droit à un chant à 60% heavy/prog, les deux 20% restant étant alloués à ma gauche à des éructations death et à ma droite à des vocaux black. Côté ‘zique, si le groupe maîtrise les Göteborgueries comme aucun autre Nord-américain, il les agrémente de quelques bûcheronnages en règle, de passages black/death bien véloces et de structures alambiquées et autres plans retors qui méritent sans mal le qualificatif de « progressifs ». Le groupe revendique d'ailleurs haut et fort ce côté progressif, celui-ci ne traduisant pas une quelconque filiation avec
Dream Theater ou Symphony X, mais plutôt une maîtrise technique sans faille, une grande variété dans le propos, et une volonté de proposer une musique riche et non linéaire. En fait, cette appellation « progressif » est surtout là pour interpeller les fans de
Nevermore ou de
Opeth, plutôt que ceux de Genesis.
Mais cessons là les froides considérations « fiche cuisine », et recentrons-nous sur le principal: le ressenti, les émotions. Et là, Into Eternity n'a pas son pareil pour nous faire décoller de notre canapé tout moisi, nous mettre le cortex en ébullition et nous faire vivre un véritable audiorgasme. Par où commencer ? Par les soli par exemple: chaque titre contient son (ses !) solo léché, souvent en surimpression sur une trame guitaristique déjà bien juteuse (à 2:54 sur « Embraced by Desolation », à 2:44 sur « Beginning of the End »), parfois en tricotage avec une 2e gratte lead toute aussi fine bretteuse (à 2:13 sur « Spiraling into Depression », sur le début de « Splintered Visions » ). Loin d'être de la bête branlette, ces soli s'intègrent parfaitement au sein des morceaux, les transcendant parfois carrément. Ce sont aussi les alternances [refrains heavy imparables] / [plans death et black destructeurs] qui cassent vraiment la baraque. Il faut vraiment s'être empalé sur un stalagmite (ou l'avoir dans l'oreille) pour ne pas faire du « air guitar » / pogoter contre les murs de sa piaule / hurler à tue-tête (rayez les mentions inutiles) en écoutant «3 dimensional Aperture » - où un début bien agressif et rentre-dedans aboutit sur un refrain de tueur (« Destinyyyyy … ») -, le refrain heavy de «Point of Uncertainty » - qui s'épanouit sur fond de rythmiques thrash/death qui saucissonnent et qui blastent (si si, vers 2:46) - , ou le refrain de « Embraced by Desolation » (« Can't taaaaake no moooooooore, deee-so-la-tion ») - qui brille au milieu de passages où les grattes alignent des plans chtarb's un peu
Meshuggesques. Et la batterie: nom de dieu le nombre de fois qu'elle nous place des plans bien croustillants (de 3:36 jusqu'au blasts de la fin de « Beginning of the End », sur le début de « Point of Uncertainty » …) !
OK, la fin de l'album ménage peut-être un peu trop de place à des morceaux plus softs (« Buried in Oblivion » et « Morose Seclusion »), clairement réussis dans leur genre, mais laissant un arrière-goût de « ‘tain ça manque un peu de coup de boule là », ce qui est dommage comme dernière impression ! Il n'empêche qu'avec ce seul album, Into Eternity a fait de moi un fan transi (état qui s'est depuis confirmé avec
« The Scaterring of Ashes » , le petit dernier). Combinant un style très personnel, la capacité d'écrire des titres raffinés et complexes mais néanmoins très accrocheurs, et une puissance de feu comparable aux plus couillus des groupes extrêmes, Into Eternity a débarqué avec cet album sur le haut du podium des groupes de metal mélodico-extrêmes sans même passer par la case départ … Chapeau !
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