Grip Inc. - Nemesis

« Ce second album de Grip Inc. devrait confirmer et ne pas être vraiment rempli de surprises ». Voilà ce qu'un chroniqueur pas futé de Thrashocore aurait pu penser, si Thrashocore avait existé en 1997, et si les chroniqueurs pas futés étaient admis dans l'équipe (pourtant j'y suis, mais c'est moi le chef donc y'a prescription). Après un « Power Of Inner Strength » qui empruntait beaucoup à l'ex-groupe de son batteur, l'illustre Dave Lombardo, « Nemesis » aurait pu être dans la continuité : thrashisant, furieux et inspiré. C'est du moins ce que l'écoute des deux titres « Pathetic Liar » et « Portrait Of Henry » (encore un serial killer) pouvaient laisser supposer : un premier titre mid-tempo basé sur un seul riff à la « Ostracized », pour bien se mettre en bouche ; puis un titre plus rapide, très court, et complètement Slayeresque (bien que « War Between One » le soit encore davantage). On se dit que Grip Inc., comme en foot, confirme les acquis et joue la régularité sur cette saison. Mais manque de chance, c'est alors que « Empress Of Rancor » brise toutes nos certitudes : du clavier chez Grip Inc. ? Waldemar (Sorytcha, principal compositeur, producteur et tête pensante du groupe avec Lombardo et Chambers) a pété un câble ? Pas vraiment, il a juste décidé de laisser libre court à son imagination, et d'ajouter à l'éventail de talents de Grip le fait de jouer des titres thrash « à ambiance ». Et c'est là qu'on se rend compte de l'excellence de cet album, qui brise complètement le moule de « clone de Slayer » dans lequel on aurait pu enfermer Grip Inc….

En effet, bien que court (37 minutes bien tassées), « Nemesis » en fait voir de toutes les couleurs à son auditeur : du thrash rapide bien sur (« Portrait Of Henry » et « War Between One » principalement), mais également et c'est là la surprise des titres qui sortent réellement de l'ordinaire, souvent mid-tempos, et qui possèdent une intensité et une ambiance qui laisse pantois ; alors qu'en définitive ce ne sont que des guitares, des toms et quelques vocalises qui en sont la base. Oui mais on parle ici de toms menés de main de maître par Dave Lombardo, lequel assure ici peut être bien l'une de ses toutes meilleures prestations musicales ; il donne une lourdeur impressionnante aux riffs de Sorychta, lorsque le rythme se veut martial sur « Descending Darkness » ou « Scream At The Sky ». Et les « vocalises » sont assurés par Gus Chambers, soit l'un des chanteurs les plus doués que je connaisse dans le registre thrash, avec une conviction et une emphase qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Issu du milieu punk, Chambers est l'homme de la situation pour Grip, et sera en progrès constant au fil des albums. Difficile de ne pas frissonner lorsqu'il hurle « Scream At The Sky » sur le titre du même nom ; ou de sentir la pression monter d'un cran sur l'immense refrain de « Rusty Nail »…

Et que dire, mais que dire, du titre de conclusion « Code Of Silence »… loin de l'intensité des précédents morceaux, le démarrage est épuré au possible : une guitare en son clair qui égrène mélancoliquement 6 notes d'affilée… et brusquement la machine se met lourdement en marche, au son des toms de Lombardo qui mènent le bal mortuaire : Chambers entame alors l'éloge funèbre, et Sorytcha l'accompagne à l'org… à la guitare. Le tout explose ensuite dans une expression de frustration intense sur les coups des 3 minutes, avant de retomber sur une ligne de basse qui reprend le thème d'intro, accompagné de larsens agonisants… et la machine redémarre pesamment, pour nous achever et nous traîner dans l'abîme sans espoir de retour… Ce titre est un monument, et il donne à « Nemesis » une conclusion savoureuse et appropriée.

Toutes ces éloges pour vous dire que « Nemesis » reste dans le cœur de ceux qui l'ont écoutés un album vraiment à part, de part son originalité et l'ambiance qui s'en dégage. On parle d'un « simple » album de thrash métal, d'un groupe méconnu et à l'heure actuelle sans doute mort et enterré… et pourtant.

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