Vous êtes vous déjà fait surprendre par une tempête de sable aveuglante, brinqueballer dans tous les sens comme un fétu de paille puis aplatir au sol comme un vieux chewing-gum sous une Doc Martens, les narines copieusement obstruées par le sable, suffocant, la boussole mentale aux abonnés absents? Non? Peut-être alors avez-vous déjà été abandonné un soir d'orage, sous une pluie battante, bâillonné pieds et poings liés dans la tourbe d'un marais sordide, de l'eau fangeuse au niveau des molaires, les pieds engloutis dans le fond putride d'une vase qui aspire avec gourmandise et force glouglous vos orteils, chevilles puis mollets? Non plus? Merde alors, dans ces conditions comment réussir à vous faire ressentir le chaos dévastateur et suffocant des attaques grindisantes et déstructurées administrées par Crowpath sur leur 3e album « One With Filth »? Comment évoquer l'aspect épais, poisseux, asphyxiant de certaines de leurs coulées de décibels les plus visqueuses? Bon, on va faire classique alors …
A dire vrai, avant cet album, je ne connaissais le groupe que de réputation. Le mot d'ordre semblait clair: vous allez morfler, ça va pas être une partie de plaisir. Mais au lire des chroniques que Chris a réalisées des deux albums précédents, il semble clair que – sans pour autant changer son fusil d'épaule – le groupe semblait enfin enclin à aider l'auditeur à rentrer dans sa musique. Pas d'hôtesse court-vêtue venant vous prendre par la main, vous asseoir et vous offrir une orangeade dès l'appui sur le bouton « Play », ça non. Mais enfin des points de repères, du rythme plus lourd, plus lent, des parenthèses plus lisibles, tout ça permettant non pas de rendre l'album aisément digeste, mais tout au moins d'empêcher le rejet brutal avec vomissements à la clef.
Sur « One with Filth », le mot d'ordre reste donc la pratique d'un b(
r)ouillon métallique hyper épais, confectionné à grand renfort d'une production intentionnellement sourde et bourdonnante, qui installe d'entrée chez l'auditeur un véritable sentiment d'étouffement. Les morceaux sont déstructurés et chaotiques au possible, même si l'on sent bien que tout cela est lié par une architecture musicale sous-jacente mûrement réfléchie. Ce chaos furieux, ces structures mouvantes, cassantes, qui ricochent et se contorsionnent le long de spasmes violents, ça n'est pas sans rappeler parfois un
The Dillinger Escape Plan qui piquerait une colère noire, laisserait tomber toute velléité popisante, n'userait plus que de crachats hardcore deathisant et de croassements aux lointains parents black, et qui larguerait ses missiles du fin fond d'une purée de poix sonore, au milieu du foisonnement lourd et assourdissant d'un maelstrom de notes déferlant avec la force et le manque de cohérence apparent d'une bourrasque de vent s'invitant à la maison par une fenêtre mal fermée un soir de tempête (
Ouawh c'te phrase à rallonge! Allez le Proust, c'est ton tour!).
Les suédois ne fournissant pas le décodeur avec l'album, l'écoute s'avère souvent assez pénible. En persévérant, en s'accrochant vraiment dur, il est toutefois possible de s'imprégner de cette ambiance poisseuse et violemment chaotique et de profiter du spectacle de désolation noire qui en émerge. Car s'il est un domaine dans lequel le groupe excelle, c'est bien dans la peinture de cette apocalypse à la fois dévastatrice et suffocante qu'un mélange de doom sludgy et de grind chaotique met magistralement en scène. A ce titre, personnellement, je retiendrai quelques morceaux aux finishs impressionnants: la conclusion à la fois écrasante et ébouriffante de « Fondling The Grotesque » (
le meilleur morceau « classique » de Crowpath sur cet album à mon humble avis) à partir de 2:49, les moulinets de l'enfer à partir de 1:55 sur « Where Dolls Do Sin », ou encore la lourde mise en branle de la bête poisseuse, à 2:39 à la fin de « I Gryningen ». Et puisque l'on en parle, ce titre - longue interlude malsaine tout en répétition hypnotique, en rythmes lancinants, en hurlements black et en larsens oscillants - est une véritable profession de foi affichant clairement les intentions du groupe. Heureusement, Crowpath a la délicatesse de prendre soin de mon fragile petit cœur en plaçant en fin d'album « Septic Monarch », un morceau évoquant un
She Said Destroy stoner et doomy, puis un poil plus loin « Retarded Angel », exercice de style ou un larsen modulé saturant dans les aigus est épaulé par une batterie comateuse, ce couple créant une complainte entraînante, qui libère littéralement l'auditeur et offre à l'album une conclusion pas si noire que ça.
Bref, Crowpath c'est pas pour les mauviettes! « One With Filth » est un condensé de sensations malsaines et fortes qui vous collera un bon petit stress rampant sans que vous y prêtiez vraiment attention si jamais vous avez le malheur de vous le coller en musique de fond. J'avoue ne pas être un gros client, mais je reconnais que c'est bien fait. Cet album saura sans doute séduire les fans du groupe autant qu'il fera hurler les amateurs de metal plus classique et rentre-dedans. Mais quoi qu'on en dise, ça n'entravera pas la marche du groupe. En effet ne dit-on pas que « les chroniqueurs aboient, Crowpath »? (
si si, ça fait du bien de finir sur un peu de légèreté non? Comment ça c'est lourd !?)
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