Il y a des gens qui aiment relever des défis dangereux (gravir l'Everest), des défis idiots (gravir l'Everest quand on a la mucoviscidose), et des défis que l'on sait irréalisables (faire apprécier Cynic à Keyser). Personnellement, je ne suis pas de ces gens là, et comme je sais que Keyser est définitivement perdu pour ce qui est des goûts musicaux, je préfère me lancer des défis simples juste pour le plaisir de les réaliser. Pourtant, chroniquer du Spastic Ink est probablement le défi le plus insensé, dangereux, idiot, voire irréalisable que je me suis lancé depuis que je chronique sur Thrashocore. Car voyez-vous, les mots me manquent pour décrire la musique des fous furieux du Texas, ou plutôt devrais-je dire des virtuoses de San Antonio. Né au milieu des années 90, Spastic Ink est un projet regroupant les frères Jarzombek – Ron, le guitariste à 27 cases tout droit sorti des ultra-techniques Watchtower, et Bobby, le batteur fantasque qui jouait alors avec Riot, puis officiera chez Iced Earth et Demons & Wizards – ainsi que Pete Perez, également de chez Riot. Point de chant donc, et seulement trois musiciens pour le groupe probablement le plus barré qu'il m'ait été donné d'entendre, non pas sur le plan du rendu musical, mais bien sur l'aspect de la composition, égalé seulement par le projet solo de Ron Jarzombek qui porte son nom.
Spastic Ink n'est en effet pas un groupe comme les autres, car là où le commun des musiciens peine déjà à faire un bon morceau à l'oreille sans prendre des largesses avec un solfège trop restrictif, les texans se lancent des défis à travers chaque morceau : « Suspended An All Four » est par exemple basé sur le principe du dodécaphonisme : 4 accords de 3 notes – les 12 notes de la gamme chromatique, d'où le nom de dodécaphonisme, forment l'intégralité du morceau. Mais ce ne serait pas drôle sans une autre figure imposée : les deux premiers accords sont joués sur une mesure en 7/8 et les deux derniers en 9/8, ce qui donne un groove très particulier à au morceau, similaire à celui de
The Sound Of Perseverance, dont la plupart des morceaux comportent cet enchaînement 7/8 9/8. Tout cela peut paraître obscur à ceux qui n'ont pas lu
Le Solfège Pour Les Nuls, mais une petite explication de Ron Jarzombek lui même vous rendra tout cela extrêmement clair, car le dodécaphonisme est une technique qu'il utilise beaucoup pour Blotted Science, dont je vous ai déjà parlé, comme sur
Oscillation Cycles, vidéo tirée du futur DVD pédagogique du sieur Ron, dont je vous reparlerai probablement quand il sera sorti car il semble exploser tout exemple de pédagogie guitaristique que j'ai pu voir à ce jour.
Machinations Of Dementia est d'ailleurs un des rares exemples d'albums que je pourrais rapprocher de
Ink Complete, car le style Jarzombek est totalement inimitable : il n'y a guère que Canvas Solaris et Desert Of Träun qui créent des passages pouvant s'en apparenter, quand ils sont au summum de leur technique, et en dehors des moments purement fusion. Pourtant, même en se lançant des défis absurdes et très contraignants, Spastic Ink arrive à composer de véritables morceaux, très riches sur le plan mélodique, aux rythmiques ultra changeantes, et dont le groove n'a d'égale que la subtilité. Soit, ce n'est clairement pas du metal sur lequel on peut taper du pied, pas même aux moments les plus calmes, je n'ai d'ailleurs jamais réussi à mémoriser ces morceaux, et je reste même subjugué par la capacité de leurs géniteurs à avoir pu le faire ! Mais ce n'est pas non plus totalement imperméable, et l'on prend même plus de plaisir encore à se laisser piéger par les structures complexes de
Ink Complete que par des groupes ayant une approche plus efficace comme Watchtower ou Mekong Delta.
Oui, je dois l'avouer, je prends totalement mon pied à écouter des morceaux basés sur des figures stylistiques insensées comme « See, And It's Sharp ! » qui n'est composé qu'avec deux notes réparties sur 6 octaves. Mais les chefs-d'œuvre de ce premier album de Spastic Ink sont bien « A Morning With Squeakie », « To Counter And Groove In E Minor » et « Eights Is Enough ». Ce premier tube suit directement le morceau d'ouverture « A Mad Data Race » volontairement très mécanique, et change totalement de registre, vu que les musiciens y reproduisent en musique la journée d'un écureuil, de son réveil à sa course effrénée pour échapper à un chien et ensuite le bombarder de noisettes du haut d'un arbre... L'instrumentation est tellement bien faite qu'en lisant la description du morceau dans le livret, on peut aisément trouver à quoi correspondent les riffs de ce morceau. Ce n'est d'ailleurs pas le seul moment où le groupe imite la nature, puisque « A Wild Hare » est la mise en musique des mouvements et dialogues de Panpan, le lapin de Bambi ! Si vous ne me croyez pas, regardez cette
vidéo, et vous verrez que les paroles du lapin sont retranscrites par la guitare à la note près ! « To Counter And Groove In E Minor » est mon morceau favori de cet album : il commence par un contrepoint classique brodé par la guitare et la basse ayant pour rendu une mélodie magnifique, avant qu'un break de basse et batterie ultra groovy que Mc Hammer n'aurait pas renié l'interrompe... et que le tout se mélange pour un résultat impressionnant autant d'originalité que de qualité ! « Eights Is Enough » est quant à lui un exemple que les délires musicaux de Spastic Ink peuvent aussi être très directs et accessibles, tant cette mélodie est sublime (écoutez-moi cette ligne de basse !)... Ce morceau pourrait presque passer à la radio, c'est une volonté du groupe, qui a voulu trancher avec toutes les rythmiques épileptiques que l'on retrouve au long de l'album. « C'est ça le principe de ce morceau ? Bouh, c'est nul ! » me répondrez-vous. Mais non évidemment, la fantaisie de ce qui aurait du être un tube interplanétaire, c'est que ses thèmes sont exclusivement composés de croches... et c'est déjà suffisant !
Et voilà, je suis déjà à la fin de ma chronique et tout ce que j'ai fait c'est décrire les morceaux et dire que c'était génial ! Mais comment résumer en une phrase la musique de Spastic Ink ? C'est totalement impossible, ce
Ink Complete est aussi varié à l'écoute que le sont les défis farfelus que le groupe s'est lancé, car chaque morceau a sa personnalité et son histoire... Tout au plus y a t-il quelques constantes que l'on peut isoler : c'est ultra technique, très mélodique, plus sautillant qu'un concert d'Avril Lavigne, délectable et superbe bien que complètement indigeste pour le commun des mortels. Le plus simple est que vous écoutiez vous-même les morceaux mis à disposition, en gardant à l'esprit que « Mosquito Brain Surgery » est bien plus représentatif de l'album que « Eights Is Enough ». Si vous aimez le travail de Ron Jarzombek sur Watchtower, vous aimerez Spastic Ink, y compris
Ink Compatible sorti en 2004, moins fou que ce
Ink Complete. Pour l'instant, le groupe est en suspens, Bobby est le batteur de Sebastian Bach, et Ron s'occupe de Blotted Science ainsi que de son projet personnel qui porte son nom. D'ailleurs, si vous voulez connaître le devenir de Squeakie, écoutez « Sex With Squeakie » sur
Solitarily Speaking Of Theoretical Confinment, un autre délire de ce fou génial de Ron Jarzombek, un des guitaristes les plus doués du monde sans aucun doute possible. Et si vous pensez y comprendre quelque chose, laissez-vous faire, les grands messieurs en blouse blanche autour de vous ne vous veulent que du bien.
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