Blotted Science - The Machinations Of Dementia
Chronique
Blotted Science The Machinations Of Dementia
Ron Jarzombek. Ce nom devrait vous dire quelque chose. Normalement, comme tout thrashocorien qui se respecte, vous avez écouté et apprécié le dernier Odious Mortem, où Ron place un magnifique solo plein de techniques dont vous ne soupçonnez même pas l'existence. Si vous avez la chance d'être vieux, vous vous souvenez sûrement de l'excellent groupe de techno-thrash nommé Watchtower, par lequel ce guitariste fou s'est fait connaître. Si vous êtes fans de machins techniques avec des contretemps partout et du quintolet de doubles croches pointées sur une mesure en 21/16, vous devriez connaître Spastic Ink, où officiait Ron aux côtés de son frère batteur (le talent, ça a l'air d'être une affaire de famille chez les Jarzombek).
Et hop, après avoir mis Spastic Ink en stand-by et avoir pris des vacances en Picardie bien méritées, voilà qu'il lui vient une idée à ce bon Ron : et s'il faisait un nouveau groupe de metal technique instrumental ? Oui, mais tant qu'à faire, autant pousser le concept plus loin, et pourquoi ne pas s'adjoindre les services d'Alex Webster (Cannibal Corpse, Hate Eternal) et de Derek Roddy (ex-tous les groupes de Floride) ? Malheureusement, Derek ayant décidé de se reconvertir en dealer de coke pour gagner de la thune et pouvoir se payer des filles, Ron a du faire appel à un autre batteur, bien moins connu pour sa part, nommé Charlie Zeleny. Voilà, Blotted Science était né.
Si vous connaissez Spastic Ink, ne vous attendez pas à une révolution, l'optique des deux groupes étant globalement la même : un metal ultra technique instrumental basé sur une succession de riffs shreddés séparés par des contretemps à s'en retourner l'estomac comme si l'on venait de voir Christine Bravo à poil.
C'est compliqué, ça fait mal à la tête, mais c'est très mélodique et les riffs sont vraiment accrocheurs. Et c'est là que l'on remarque la démarcation de Blotted Science et de Spastic Ink. Là où Spastic développait des thèmes différents et se faisait souvent très aérien, Blotted Science a une approche beaucoup plus terre-à-terre. Ici, les lignes de basses d'Alex Webster ne partent jamais seules créer une mélodie, et restent toujours extrêmement graves. Le jeu batterie est lui relativement massif pour le style, bien que l'on sente tout de suite que Charlie vient d'un milieu plutôt jazz/fusion. Enfin Ron Jarzombek se chargeant de toutes lignes de guitare, laisse clairement transparaître dans son jeu la volonté d'une efficacité accrue, par l'utilisation moins intensive de contretemps et le développement plus fréquent de riffs rappelant du death metal. Certains morceaux comme « Laser Lobotomy » laissent même une plus grosse part aux accords qu'à la débauche de notes à laquelle Ron nous avait habitué par le passé.
Si cet album est franchement très bon (évidemment, on parle de Ron Jarzombek là), il souffre quand même de quelques défauts inhérents à cette volonté d'efficacité. Quelques refrains rapides et relativement brutaux viennent ponctuer cet album et me font vraiment penser à du Cannibal Corpse. Si ils sont indiscutablement efficaces, de tels passages se révèlent plutôt inutiles et en inadéquation avec l'esprit du style, et tranchent de toute façon singulièrement avec le reste des compositions qui est singulièrement raffiné et compliqué. De plus, une pareille durée pour un album aussi complexe peut se révéler trop dure à encaisser pour les quelques personnes non habituées au style qui auraient la chance de poser une oreille sur ce Machinations Of Dementia. S'il avait été plus varié, à la manière de Spastic Ink, la durée de ce premier Blotted Science n'aurait pas été un problème.
En parcourant le livret, on se rend compte qu'il y a plus de choses à y lire que pour la plupart des autres groupes. Un comble pour un groupe instrumental ! En effet, le concept de ce Machinations Of Dementia est très drôle : une plongée dans un monde médical dégénéré, véritable laboratoire à expérimentations diverses sur sujets non consentants, et chaque morceau est sujet à une nouvelle expérience. C'est délicieusement original, et nous ferait presque oublier les quelques défauts de ce Blotted Science. Personnellement, je préfère dans un style similaire quoique plus proche de Cynic le dernier Canvas Solaris, qui rafle à ce Machinations Of Dementia le prix de meilleur album de metal instrumental de l'année. Enfin bref, si vous aimez Ron Jarzombek, vous ne regretterez pas votre achat, mais si Spastic Ink n'avait pas existé, j'aurais volontiers mis 8,5 à cet album.
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