« Ceci n'est pas une défaillance de votre écran d'ordinateur. N'essayez donc PAS de régler l'image ». Et oui lecteur, tu as bien en face de toi (redresse toi feignasse !) la pochette d'un album de Finntroll. Et oui, elle n'est pas en couleur. Je sais : ça choque.
Ou sont passés les couleurs chatoyantes ? Ou est le troll des bois du EP
« Trollhammaren » ? Le gentil roi troll de
« Nattfödd » qui donne des bonbons d'une main et te bouffe la jambe de l'autre ? Ils ne sont en tout cas certainement pas dans la barque que tu peux voir ici en monochrome sur cette intrigante pochette.
Pour comprendre cet artwork résolument plus adulte et sombre, il faut revenir sur la situation du groupe de l'époque : après une tournée triomphale dans les stades du monde entier pour promouvoir leur album
« Nattfödd », le groupe, gavé de putes et de cocaïne, décida un soir d'aller faire la fête sur un pont (une grande thématique chez eux). Et là manque de bol, pris d'ivresse ou de poussées suicidaires (dixit Mika d'Impaled Nazarene), leur guitariste et principal compositeur est tombé à l'eau. Et c'était pas un petit ruisseau guilleret une fin de mois de mai, plutôt le genre fleuve à fort courant à moitié gelé, avec une température qui te fait te lever de bon pied le matin quand tu t'aperçois un matin de Janvier que ton chauffe-eau a rendu l'âme (testé et non approuvé). Et il y est malheureusement resté. Passons sur le départ du chanteur suite à une tumeur des cordes vocales contracté après la tournée, et tu auras compris que putes et cocaïne ou pas, l'ambiance n'était plus trop à la fête, un comble pour ce groupe parmi les fondateurs du « Humpa Metal », ce genre festif et rigolo dont plus personne ne parle aujourd'hui.
Ne perdant pas espoir, et le temps de retrouver un chanteur non-fumeur et un guitariste ayant la phobie des ponts (ou de bonnes chaussures crantés, on n'a jamais su), les Finntroll s'aperçurent qu'on était déjà en 2007 ! Déjà 3 ans depuis
« Nattfödd », il était bien temps de refaire un album. Cependant, n'ayant plus aucun membre fondateur au sein du line-up, et probablement l'age aidant, les Finntroll se sont émancipés (un peu) de leur coté « festif / rigolo / Andrew WK meet Tankard » et proposent désormais une musique plus sérieuse, plus carré…mais qui sait déconner quand même.
L'album s'ouvre sur une longue intro que n'aurait pas renié le compositeur de la bande son d'Harry Potter (oui, la référence de merde je sais) : 3 mn de grands thèmes épiques et de bruitages forestiers, on a déjà vu mieux pour démarrer un album. Mais heureusement, passé ce supplice interminable arrive un pattern de batterie, animé par une ligne de basse résolument métal, qui vient remettre les pendules à l'heure : « Sång » est sans fioritures, direct et efficace, un mid-tempo écrasant et sans la moindre allusion au passé « festif » du groupe. On y retrouve les composantes du groupes, un clavier qui ajoute de (parfois pas bien) subtiles nappes sur les passages dits « épiques », une section rythmique à toute épreuve, et un chanteur black avec nettement moins de personnalité vocale que son prédécesseur, mais l'on fera avec. Etonnant démarrage, où l'absence complète de mélodies « hippies » ne fait absolument pas tâche. Loin d'être un cas isolé, on retrouve ensuite sur des morceaux comme « Sång » (superbe envolée à 2mn04, ensuite reprise en chœur : on dirait du Thyrfing dans leurs meilleurs jours !), « Ur Djupet» ou l'épique « Slagbröder » ce même désir de proposer un métal qui se veut plus riche en ambiances et en nuances que par le passé. Sans aller jusqu'à forcer la comparaison, je trouve quand même que le passage de 2mn37 à la fin du blast (3mn26) de « Slagbröder » n'aurait pas démérité sur n'importe album / EP d'un Moonsorrow. On est quand même loin du Finntroll dont on avait l'habitude là non ?
Cependant, que les fans de festivités se rassurent : leur groupe préféré n'a pas complètement viré sa cutie : dès « Korpens Saga » on retrouve l'habituel démarrage à base de guitare acoustique genre chanson autour du feu de camp, qui embraye rapidement sur un pattern de batterie aussi sautillant que le thème au clavier qui l'accompagne. Même chose avec « En Mäktig Här» et « Maktens Spira», les titres rappelant le plus « l'ancien » Finntroll. Mais même pris dans ce tourbillon de joyeusetés, on ressent un travail plus affirmé sur les structures des morceaux, les titres sont mieux construits, plus riches en arrangements et au final avec une possibilité de réécoute plus importante qu'un vieux titre comme
« Trollhammaren », certes ultra catchy mais qui saoule au bout de 5 écoutes (au bout d'une pour les grincheux). Ecoutez moi par exemple ce break acoustique à 1m42 sur « Maktens Spira» : ultra entraînant, surprenant et bien amené, c'est irrésistible !
On se croit alors pris entre deux feux : festif ou sérieux, quel parti le groupe a-t-il pris ? Cette interrogation ne trouvera pas de réponse, car « Ur Jordens Djup » se situe vraiment à la frontière des deux univers, et c'est ce qui en fait une réussite : fini les titres festifs à n'en plus finir qui avaient une durée de vie aussi courte que la virginité d'un anus face à un délinquant sexuel en cavale, Finntroll mixe désormais ces mélodies avec une réelle atmosphère (« Nedgång », qui n'avait jamais montré un Finntroll aussi soucieux de bien faire) et des riffs moins passe-partout : l'alliance guitares / clavier est plus fluide, et les riffs ne sont pas qu'une base rythmique faite pour soutenir une guillerette mélodie au clavier, mais participent vraiment à la construction des titres. Et histoire d'achever de vous convaincre que « Ur… » est un album vraiment digne d'attention, je me dois d'évoquer la sublime fin de l'album, que ce soit l'excellente « Under Två Runor» (l'un des tous meilleurs titres « sérieux » du groupe), propice aux images intérieures tant elle sonne la fin d'un voyage ; ou l'instrumental « Kvällning » qui conclut en douceur un album plein de contrastes, guitares acoustiques et quelques timides percussions.. Reposant et un must pour les amateurs de
« Visor Om Slutet », dont ce titre aurait pu être issu.
Au final, « Ur … » est l'album de la maturité pour Finntroll.
« Nattfödd » laissait entrevoir un possible changement dans la philosophie du groupe, avec des titres devenant déjà un peu plus mélancoliques, mais je pense que le profond changement de line up a eu raison de la précédente période du groupe. Finntroll a réussi le pari de garder son coté facile d'accès et convivial (je fais ce que je peux pour éviter de répéter « festif », ok ?), tout en mûrissant son style et en durcissant le ton. Ce n'est pas encore du Dark Funeral certes, mais je vous promets que vous pourrez désormais avoir moins de honte à convaincre votre pote blackeux que Finntroll, c'est bien. En plus la pochette est déjà en N&B, manque plus qu'un support K7 limité à 57 exemplaires, une tête de bouc et un masque à gaz sur la pochette pour achever de le convaincre. A écouter en tout cas, quelque soit son univers musical, car une vraie réussite de bout en bout.
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