Il n'est presque jamais trop tard pour découvrir un bon album et/ou un bon groupe. « Presque », parce que – pour prendre totalement au hasard l'exemple de Gire et de son album éponyme – autant vous pourrez en trouver assez facilement la version MP3 (
ici), autant pour dégoter le support physique, il va falloir vous munir de votre machette virtuelle la plus affûtée et aller vous tailler un chemin à la dure dans la jungle de la toile. Il faut dire aussi que le groupe est hongrois. Et qu'il a splitté fin 2007. Et que son unique album (
après 6 démos!) est sorti sur le label Negative Art, structure qui n'a sorti en tout et pour tout que 2 albums. Structure – petite difficulté supplémentaire – dont le site est intégralement en hongrois. Bref, good luck...
Et pourtant cela vaut le coup de partir à la pêche pour tenter de ramener ce superbe digipack dans votre épuisette virtuelle. Enfin, surtout si vous êtes du type à vous émouvoir à l'écoute de ce que, à l'époque des premiers
Septic Flesh (
en deux mots),
Katatonia ou
Orphaned Land, on appelait le death atmosphérique. Un "death" fortement dominé par un clavier tantôt très proche de celui du
Amorphis de
"Tales from the 1000 lakes", tantôt relégué au rôle de matelas sonore ambiant offrant à la musique du groupe une densité et un moelleux que les guitares seules peinent à créer. Un "death" qui doit aussi pas mal à
Orphaned Land pour certaines ambiances, un côté zen et positif appuyé et des lignes de chant clair en hongrois qui peuvent parfois rappeler l'hébreu de Kobi Farhi à l'oreille profane. Un "death" qui n'hésite pas à se faire plus black à l'occasion (
sur « Aranyhajnal »), mais encore plus fréquemment folk, tribal et carrément prog, empruntant alors à
Opeth, et développant des thèmes entêtants longuement déclinés au cours de morceaux à rallonge qui n'hésitent pas à s'imbriquer les uns aux autres pour former des pièces pouvant avoisiner les 25 minutes (
cf. l'enchaînement de « Hét madár » à « Törjön testünk! »).
Comme dans tout groupe ambitieux qui réussit le pari de donner corps à une vision sophistiquée mais belle du metal, les musiciens de Gire assurent, chacun à leur poste respectif. A la basse, Balázs se fait discret, mais il se laisse néanmoins tenter par le 1er plan en de nombreuses occasions au cours desquelles il sait rester mesuré et ne jamais faire dans la démonstration inutile. La guitare – principalement rythmique quand elle est saturée (
« rythmique » en opposition à « lead », pas à « mélodique ») – verse souvent dans l'électro-acoustique ou les chapelets d'arpèges délicats. Elle apporte néanmoins régulièrement une bonne grosse dose de cojones et d'abrasivité via un riffing bien thrash. Côté batterie – programmée, oh sacrilège suprême! –, les parties sont entièrement au service des morceaux, retombant toujours sur la rythmique juste là où on l'attend, sans mise en avant excessive ni sans que (
presque) jamais la musique ne pâtisse d'un grain dont on remarque qu'il est un brin synthétique quand on se focalise dessus. Et en marge des interventions du synthé qui assure quasiment à lui seul les parties lead, le groupe nous abreuve d'orchestrations diverses, de parties d'instruments plutôt inhabituels (
percus, violons, didgeridoo …), de samples et de quelques apparitions de chant féminin. Et pour ne rien gâter, la prod et le mix, sans être flamboyants, sont tout à fait respectables.
Si le créneau de Gire se situe donc – rappel pour ceux qui lisent en diagonale, si si, je vous connais bande de suppôts de la génération du zapping sur Internet – à la croisée de
Amorphis, d'
Opeth et d'
Orphaned Land (
allez hop, je rajoute Nocturnus auquel on se prend à penser au détour de « Zöld zivatar »), le groupe s'octroie tout de même quelques pauses alternatives. Je vous ai déjà parlé de l'écart blackisant de « Aranyhajnal », mais il faut aussi mentionner deux morceaux étonnamment courts selon les standards Giriens: « Nyártáj », un titre qui introduit timidement une touche electro – qui reste cependant à l'état de vernis décoratif –, et surtout « Trans Expressz », reprise de Necropsia qui est à la limite de l'indus festif et entraînant d'un
Punish Yourself, ce qui injecte une bonne dose de peps juste avant d'attaquer l'écoute de la longue et belle mélopée de « Nádak, erek ».
Si Gire aura été pour moi une découverte tardive mais heureuse, à ranger dans le haut du panier des albums de death atmosphérique, l'album ne réussit pourtant pas à pénétrer le carré restreint des skeuds que je me repasse inlassablement. La faute sans doute à un format plus axé sur les longues rêveries de velours plutôt que sur les brûlots catchy. En effet, Gire n'essaie pas d'écrire à tout prix des hits de melodeath poppy qui collent au cervelet, mais plutôt de créer un univers complexe et cohérent qui demande une implication et une complicité réelle de l'auditeur. On est ainsi plus dans un trip
« Crimson » proggy que dans la collection de tubes de
« Purgatory Afterglow », pour ceux à qui la comparaison
Edge-Of-Sanitienne parle. A vous de voir si cela correspond à vos canons de plaisir métallique. Sachez en tout cas, si vous accrochez à la musique du groupe, que la plupart de ses membres ont continué l'aventure au sein de Thy Catafalque, autre combo avant-gardiste, cette fois plus connoté black metal.
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