Whispering Tears - Sous la Poussière

Vendredi, 1h12 du matin, dans un petit commissariat de quartier du XXe arrondissement …
Lumière blafarde, cliquetis de vieille machine à écrire …

Agent Aymar Al'Hafin: " ... Bon, écoutez, je crois qu'on va reprendre la déposition de zéro, parce que là ça devient trop décousu.
John Lappe-Hun: ça c'est la faute de l'interne qui m'a fait les points de suture: du travail de sagouin! Dès que je bouge un peu, les fils se détendent m'sieur l'agent.
Agent AA'H: hum, oui bon, alors: le nombre des agresseurs?
John L-H: 5, ils étaient 5 m'sieur l'agent ...
Agent AA'H: pourriez-vous me les décrire?
John L-H: difficilement, vu qu'il faisait noir. En plus, je vous rappelle le mode opératoire m'sieur l'agent: après m'avoir rapidement plaqué au sol, les agresseurs m'ont déversé de pleins sacs d'aspirateur utilisés sur tout le corps, tête comprise, avant d'abuser de moi à l'aide dudit aspirateur. Autant vous dire qu'il était difficile d'y voir quelque chose sous toute cette poussière asphyxiante ... Tout juste pourrais-je vous dire qu'au moins l'un d'entre eux n'avait de cesse d'éructer des propos assez peu cohérents, bien qu'assez clairement énoncés en français. Un autre, dont j'ai cru comprendre qu'il s'appelait Drixxé, n'arrêtait pas de taper comme un forcené - vous avez vu les ecchymoses!? Quant aux trois derniers, ils ont passé leur temps à s'astiquer le manche ...
Agent AA'H: tout cela me rappelle étrangement les méfaits d'une bande qui sévit depuis bientôt 14 ans en région parisienne, et qui se fait appeler Whispering Tears. Ils ont notamment fait parler d'eux en 2001 et 2007, années où ils avaient exhibé pour la première fois leur matos à la vue du public. Mais votre histoire d'ensevelissement sous de la poussière là, ça me semble être une nouvelle lubie ...
John L-H: depuis 14 ans dites-vous? Ça pourrait correspondre: on sentait bien en effet la bande rodée, sûre de son fait. Clairement pas des débutants ces gars là!
Agent AA'H: vous me disiez tout à l'heure, je cite: "ils m'ont sacrément fait saigner les conduits, sans relâche, usant de sauvagerie mais aussi, de façon mesurée, de lubrifiant mélodique". J'aurais besoin de plus de détails afin de pouvoir dresser un profil psychologique de ces lascars. Je vais donc vous demander - bien que je sois conscient que cela soit encore très douloureux, voire carrément tuméfié - de bien vouloir me décrire à nouveau dans le détail les voies de fait auxquelles se sont livrés sur vous les agresseurs.
John L-H: Eh bien, une fois que j'ai été attaché et recouvert de toute cette poussière, la bande a commencé par des préliminaires très théâtraux pour essayer, je pense, de m'impressionner. Mais ces « Prémices » avaient quelque chose d'un peu too much, une grandiloquence un peu cliché dans la grande tradition du black metal sympho ...
Agent AA'H: ??? Il y avait aussi une grande black nympho?
John L-H: Ah non, si cela avait été le cas, je ne serais sans doute pas venu porter plainte m'sieur l'agent. Non non, je voulais dire que ce premier acte de barbarie fut une « mise en bouche » finalement très classique, bien que plus coutumière du mouvement black …
Agent AA'H: bon, passons. Veuillez continuer…
John L-H: Après cette première introduction, j'eus le droit à 8 assauts successifs, ni plus ni moins. Et il faut savoir que cela durait à chaque fois entre 4 à 6 minutes: ces saligauds aiment prendre leur temps pour faire passer le morceau! Et d'ailleurs je dois dire que les bougres savent y faire pour varier les plaisirs. Alternant sauvagerie frontale à la mode américano-polonaises et passages plus calmes, séances de AssToMouth (pointes de noirceur flirtant avec le black tout au bout) et démonstrations de force reprises quasiment point pour point du manuel de l'agression réussie par les ricains de Cannibal Corpse (cf. le début de "Aux portes de l'aliénation", ou le très bon mais à la limite du pastiche "Sombre présage" ) les 5 gaillards auront varié le rythme et l'angle d'approche tout du long, réussissant ainsi à maintenir sans cesse l'intérêt. On sentait vraiment la maîtrise des gars, ceux-ci maniant leurs engins avec une grande dextérité ...
Agent AA'H: si vous pouviez vous souvenir de quelques éléments distinctifs, cela m'aiderait grandement ...
John L-H: attendez voir… Ah oui: je me rappelle que par 4 fois, leurs assauts ont démarré sur de sanglotants arpèges acoustiques sensés, j'en suis sûr, m'amadouer. M'enfin si la technique aura marché au début, j'avoue que le systématisme du gimmick m'aura un peu lassé sur la longueur. Néanmoins j'ai apprécié certaines des interludes qui m'auront été offertes, notamment quand ils ont essayé de m'Entailler l'Âme, l'approche susurrante, nue et douce du passage tranchant agréablement avec le reste, tout en réussissant à maintenir une ambiance sombre et froide de circonstance ... Quoi d'autre? Un "Silence" tout en hésitations et en coïtus interruptus retors et sombres, qui ne m'aura pas trop branché.
Agent AA'H: OK, je note. Vous pouvez continuer ...
John L-H: je me rappelle avoir également tilté sur la nature du son émis par leurs manches (!). Rien de très volumineux, non, mais quelque chose de croustillant, d'assez chaleureux ... Ah, et puis "Errance", leur dernière salve, aura finalement conclu ces ébats sur une touche toute de retenue et de douceur - enfin dans les limites de ce qu'une tournante permet de manifester comme délicatesse...
Agent AA'H: sauf votre respect, à vous entendre, on aurait presque tendance à croire que vous y avez pris du plaisir ... ??
John L-H: je vous rappelle m'sieur l'agent, que de part ma profession de pilote d'essai de sex toys - ainsi qu'au vu de mon expérience passée au sein de la rédaction d'un webzine metal dont le nom rimait avec "oh oui oh oui encore encore" - j'ai appris à prendre du recul par rapport à la chose, et à savoir en toute occasion évaluer les performances techniques de ce type d'énergumènes sans me laisser trop aller à mes émotions. J'avoue en effet que le savoir-faire - voire le talent - de ces 5 lascars me semble évident. Après, c'est vrai qu'ils n'ont développé sans doute que trop peu d'éléments personnels, et ayant l'habitude de me prendre régulièrement de gros morceaux là où ces choses se prennent, j'avoue personnellement déplorer l'absence de ce petit quelque chose qui fait qu'on se rappelle de la performance longtemps après que tout soit terminé. Classicisme et efficacité, bonne dynamique mais manque d'originalité, plein de bons moments mais généricité: vous aurez compris l'idée! Et puis je vous rappelle quand même que j'y ai été de 8 points de suture m'sieur l'agent ...
Agent AA'H: tous au niveau du ... ?
John L-H: oui.
Agent AA'H: je suis désolé. Bien, je vais à présent vous laisser vous reposer, et cicatriser en paix. N'hésitez pas à me recontacter si jamais un élément nouveau vous revenait à l'esprit.
John L-H: vous savez, pour le moment, ce n'est pas par là que ça me revient...
Agent AA'H: ..."

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