Argile - Monumental Monolith
Chronique
Argile Monumental Monolith
Je sais bien que le fait que je chronique du doom/death soit une chose inédite pour vous comme pour moi, et j'entends bien, d'ailleurs, qu'elle le reste. Après tout, ma culture en matière de doom s'arrêtant à Pyogenesis et My Dying Bride, ce serait un peu comme si cglaume se mettait à chroniquer du black metal, Chris du heavy metal ou Keyser du death metal, il y aurait un problème de background. Pourtant, il n'y a pas eu à tergiverser pour que le second opus d'Argile échoie dans ma besace, vu que c'est bien entendu moi le spécialiste sur Thrasho de tout ce que le duo De l'Argilière/Moréac a pu composer. Mais, heureusement pour ma crédibilité, prétendre que Argile fait du doom ce serait comme prétendre que Misanthrope fait du death metal : pas foncièrement faux et même assurément vrai par moment, mais bien trop réducteur pour être précis. Pas plus que pour Misanthrope je ne m'essayerai à de vaines comparaisons entre Argile et d'autres groupes, car au-delà des influences avouées que sont Celtic Frost, Paradise Lost et My Dying Bride, il n'y a pas matière à essayer de faire des liens qui s'avèreraient aussi tendus qu'un enfant de chœur pendant son premier examen oral. Qu'attendre d'autre de toute façon de la part de ces musiciens qu'une œuvre intimiste qu'originale ?
Depuis The Monotonus Moment Of A Monologue sorti en 2002, bien des choses se sont passées : trois albums de Misanthrope ayant pour la première fois un line-up stable ont vu le jour, et il n'est pas étonnant de constater que cette fidèle camaraderie a déteint sur Argile. C'est le « marteleur des fûts de l'enfer » Gaël Féret qui est venu remplacer Jean-Jacques Moréac à la batterie (lui qui s'occupait jusqu'à présent de tout hormis le chant et les solos de guitare), ce qui ne surprendra personne vu qu'il est depuis longtemps déjà le batteur attitré de Misanthrope. Plus surprenante est l'apparition de Pascal Vigné de Triple Fx, venu en tant que guest exécuter la totalité des solos de Monumental Monolith. La tâche est ardue, d'autant plus qu'il remplace dans cet exercice S.A.S. lui même, dont la personnalité des solos a marqué le premier album, mais on ne peut qu'admettre qu'il s'en sort haut la main, tant son jeu est magnifique.
Globalement, le style d'Argile n'a pas trop bougé, il est resté ancré dans un doom teinté de death qui alterne le lent avec quelques sporadiques accélérations mâtinées de groove dans un jeu basse/batterie simple et épuré. Le groupe ne verse clairement pas dans le côté ostensiblement mélodico-technique de son aîné Misanthrope, et c'est donc sans surprise mais avec quelques regrets que l'on se contentera presque d'un minimum syndical à la basse, malgré la présence de quelques très belles mais trop rares envolées du sieur Moréac, notamment sur « Ill Venomous Anorexia ». Côté chant par contre, la variété des voix a rarement été aussi grande pour S.A.S., alternant le très grave franchement death metal, son chant habituel, son chant plaintif, et s'essayant même à de superbes chœurs qu'à titre personnel j'aurais aimé entendre plus souvent, sur « Requiem Aeternitas ». Monumental Monolith comporte des morceaux assez variés, d'un « Fallen Angel » énergique qui pourrait sans peine figurer sur un vieux Misanthrope à un « Lucifer's Scepter » très lent et volontairement très simple, cette diversité évitant tout sentiment de monotonie qui guette pourtant la majorité des albums du style.
J'avais laissé Misanthrope sur la mauvaise impression d'un « l'Oracle de la Déchéance » vraiment beaucoup trop monotone, simple, et épuré de mélodies : un hommage à Celtic Frost à contre-courant du reste de l'album, que j'aurais bien mieux vu comme un morceau (pas terrible) d'Argile. Et bien cette fois-ci S.A.S. a franchi le pas et a osé la reprise des cultissimes Suisses avec le célèbre « Mesmerized », planté au milieu de Monumental Monolith sans y faire tâche une seule seconde (je mets au défi quiconque ne connaît pas l'original de s'en douter) comme pour signifier au reste du monde qu'Argile est le véritable fils spirituel des marmottes dépressives. J'avais un peu peur de la tournure qu'auraient pu prendre les choses mais je suis clairement rassuré par ce second essai d'Argile, au final un très bon album, varié, avec de très bons moments (« Fallen Angel » ou « Christ B.J.D. » et son excellent final), et surtout d'une grande originalité – ce qui ne surprendra personne de la part de pareils musiciens.
Pourtant Monumental Monolith n'est pas sans défauts, et je déplore personnellement une tendance à la simplification de certains riffs, dont l'exemple le plus flagrant reste le break central de « Lucifer's Scepter », un riff d'une note répétée un peu trop souvent pour que je ne m'en lasse pas avant qu'il finisse. Mais le vrai problème c'est que pour moi The Monotonus Moment Of A Monologue est meilleur que Monumental Monolith, plus mélodique, plus entraînant et plus empreint des sublimes atmosphères caractéristiques du Misanthrope du début des années 2000, notamment grâce à un clavier discret mais très justement utilisé comme sur « Pyramide Paradise », qui a totalement disparu sur ce nouvel opus. Dommage qu'Argile rende sa musique plus simple, plus accessible : je trouve que des morceaux comme « Lucifer's Scepter » ou dans une moindre mesure « Ill Venomous Anorexia » ne tiennent pas la comparaison avec les lourdeurs subtiles de « In The Shadows Of The Horns » ou les envolées épiques d'un « Heart Of The Celestial Empire ». D'une manière plus générale, les morceaux manquent aussi un peu de variété en leur sein, là où ceux du premier album alternaient le très lourd, le mélodique soft et parfois même le rapide en quelques minutes seulement.
Que penser de Monumental Monolith finalement ? C'est clairement un très bon album, posé mais qui n'oublie pas d'être sporadiquement puissant, aux sonorités personnelles malgré quelques hommages évidents (je vous laisse la surprise de « Nostalgia Tragoedia Serenita »), et prenant d'un bout à l'autre bien qu'il y ait une petite baisse de régime sur sa seconde moitié. Même si je lui préfère son prédécesseur, je ne peux pas dire qu'il soit une déception, vu qu'Argile ne tombe pas le travers de « l'Oracle de la Déchéance » qu'est la simplification à outrance voire l'annihilation pure et simple de l'aspect mélodique. Sans m'enthousiasmer à outrance pour ce nouvel opus, je me dois de reconnaître que c'est un très bon album, et que sa seule (gigantesque) originalité suffit à ce que je lui accorde une très bonne note. Reste à savoir si vous, cher lecteur, serez réceptif aux élucubrations du duo De l'Argilière/Moréac, qui comme d'habitude, en laissera plus d'un sur le carreau, notamment grâce ou à cause – c'est selon – du chant de S.A.S. très prompt à rebuter les moins persévérants/tolérants. Si en tout cas vous avez aimé les précédentes productions de Misanthrope et surtout le premier Argile, vous ne devez pas passer à côté de Monumental Monolith.
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