Mastabah - Quintessence Of Evil
Chronique
Mastabah Quintessence Of Evil
J'ai envie de Polonais ces derniers temps. Rien de sexuel, sinon j'aurais ajouté un e à la fin de Polonais, je vous vois venir. Au début de l'année dernière, un groupe que je suis depuis son EP de 2007 (Purity) a sorti son premier full-length sur un label aussi obscur que lui, Wyrm Records. Ce groupe, c'est Mastabah. Et si j'ai mis autant de temps pour chroniquer ce Quintessence Of Evil, c'est qu'il m'a longtemps causé des soucis. Avec le recul toutefois, me voilà enfin en mesure de parler de cette formation talentueuse.
Digipack classe aux couleurs volontairement jaunies pour paraître surannées, vieux costumes, Mastabah se démarque déjà visuellement. Pourtant, c'est plutôt une musique moderne que propose le quatuor mortuaire de Gdansk. Et c'est d'ailleurs là que le bât blesse. Un élément du brutal death des Slaves concentre en effet tout ce qui ne va pas dans la scène extrême d'aujourd'hui: la batterie. De votre capacité à passer outre dépendra votre appréciation de l'album tant elle prend une place prépondérante. Les groupes récents ont ainsi tendance à trigger et quantiser, bref, à retoucher à mort les parties de batterie pour un rendu certes carré et puissant mais totalement dénué d'âme. Ici c'est la même chose mais en pire. Pour vous dire, même la batterie chez Brain Drill sonne plus naturelle! Je ne doute pas des qualités de Goro, qu'il faudrait voir en live pour juger du talent, mais il y a des limites. La vitesse de certains blast-beats est carrément inhumaine (on doit parfois se trouver bien au-delà de 300 BPMs) et le son fait penser à un croisement entre une batterie électronique et une boîte à rythme. Je m'y suis fait mais c'est bien sûr le gros défaut d'un opus qui aurait pu s'avérer excellent sans cela.
Car heureusement les Polonais ne passent pas leur temps à blaster et jouer à la vitesse de la lumière. Certains blasts se font même moins rapides, devenant du coup bien plus agréables à l'oreille. Le niveau technique reste supérieur à la moyenne mais Mastabah n'en a pas oublié l'essentiel, l'efficacité. Plus facile d'accès que Purity grâce à un mix intelligent de technicité et de simplicité concentré dans des morceaux courts et directs aux riffs facilement mémorisables, Quintessence Of Evil laisse ainsi une place importante au groove. Quel bonheur d'entendre un ralentissement bien gras au détour d'une séance furieuse de blasts comme sur "Shithole" (1'23), "Human Gut" (1'24), "Revelation" (2'06), "Blind" (0'26, 2'15) ou "Rotting Reality" (1'37). Des riffs simplistes mais ô combien jouissifs. Le paroxysme est atteint sur "Fleshart" à 1'25 avec un riff lent d'une lourdeur abyssale à faire trembler les murs. Surtout que le combo a la bonne idée d'instaurer une véritable ambiance là où trop de formations se contentent de bourrer ou de faire de la démonstration. Une ambiance dark et evil bien sûr. L'album ne se nomme pas Quintessence Of Evil pour rien après tout! Mais un Mal moins "Satan est mon Maître, si on niquait une chèvre en s'essuyant la bite avec une Bible?" que chez Incantation et compagnie. Il se fait ici plus sournois, plus insidieux. Plus mental. Les membres de Mastabah semblent ainsi souffrir d'une pathologie proche de la schizophrénie. Enfin surtout Levan, le chanteur psychopathe, qui, accompagné des backing vocals du batteur, offre une gamme vocale d'une rare diversité. Growls classiques, gutturals, shrieks, murmures, tout ou presque y passe. On notera en particulier le cri du "bébé qui hurle", dernière preuve de l'état mental instable du frontman guitariste. Un côté schizo renforcé par des séquences bien chaotiques telles les introductions de "Blind" et "Rotting Reality" ou des passages d'aliénés samplés ("Human Gut" à 2'47). Les samples ultra brefs de fin de morceau ne servent à rien par contre, à l'instar des quelques solos chaotiques qui se font même parfois inopportuns ("Fleshart" à 2'21). Seuls celui de "Hunger", mieux construit, et de "Rotting Reality" (3'12), plus mélodique et aéré, méritent l'attention.
Les nombreuses qualités de Quintessence Of Evil (bons riffs, ambiance ténébreuse, chant varié schizophrénique, basse audible, production claire et puissante, intensité) rendent d'autant plus dommage cette batterie synthétique irritante qui empêchera nombre d'entre-vous de rentrer dedans. Mais j'ai bien réussi à y faire abstraction et à apprécier l'album à sa juste valeur, alors pourquoi pas vous? Sans proposer un opus fantastique, Mastabah mérite qu'on s'attarde sur son cas, rien que pour explorer davantage une scène pleine de talents éclipsés par les grosses pointures.
| Keyser 19 Mars 2011 - 1488 lectures |
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