Trop limités à un statut réducteur de « DARKTHRONE-like » des années durant, les Suédois ont toujours été beaucoup plus que cela à mon sens. Formé en 1994 sous le nom de NOCTA, à une période très féconde pour les groupes scandinaves, CRAFT n’a accouché de son premier disque qu’en 2000, avec le très convaincant
Total Soul Rape qui montrait, en plus d’un grand potentiel, un groupe à la personnalité déjà établie et qui maîtrisait son sujet. Certes, on voyait bien que la bande à John Doe avait beaucoup écouté les premières attaques du duo d’Oslo, Fenriz et Nocturno Culto, ressuscitant cette lourdeur et cette « vulgarité » avec un son et une classe bien à eux. C’est avec
Terror Propaganda sorti 2 ans plus tard que les Suédois confirment leur statut de grand groupe de la scène Black Metal, avec dans nos mémoires les grandes tueries ritualistes à la lourdeur ravageuse comme « Terror Propaganda » ou « Ablaze », ou encore les salves destructrices qu’étaient « Reaktor 4 », « 616 » ou encore « Hidden under the skin ». Un disque obsédant, fulgurant par ses changements de rythme géniaux et ses riffs écrasants et fédérateurs, avec cette guitare froide au possible qui cognait l’auditeur sur un tempo lourd fait de contraste entre aigus et graves, caractérisant CRAFT, avant de repartir de plus belle sur un rythme basique et diablement efficace. Ce disque de 2002 a imposé les Suédois comme un groupe avec une vraie personnalité, aux riffs percutants et uniques. En effet, je persiste et signe, tout beumeux qui se respecte se doit de reconnaître les démons de chez CRAFT dès le premier coup d’oreille, au-dessus de toute la masse de groupes sans personnalité, et ce malgré la légère ressemblance avec DARKTHRONE (notamment vocale, on peut en effet dire que Mikael Nox a du Nocturno Culto « vieille époque » dans son timbre).
Fuck The Universe, en 2005, suivait donc un chemin tout tracé. Avec un son plus propre mais aussi des compositions moins inspirés, CRAFT pérennisait sa formule, accentuant ce côté Black ‘n roll jouissif, à l’image de morceaux comme « According to Him », à la fois franc du collier, froid et accrocheur, ou encore le morceau éponyme, assaut fédérateur que beaucoup auront également retenu.
C’est 6 ans plus tard que les Suédois nous reviennent avec un
Void à la pochette géniale, minimaliste et très efficace, tout comme leur musique jusqu’alors. Pourtant, CRAFT a bien changé sa manière de composer par rapport à ses précédentes œuvres et développe une authentique ambiance, nettement accentuée, au profit de l’efficacité clinique qu’on leur a toujours connue. Lourdeur et dévotion sont ici les maître-mots : les Suédois utilisent leur riffing dissonant et unique pour accoucher d’une œuvre beaucoup plus travaillée et pertinente. Un des meilleurs exemples de cette réussite nouvelle est sans doute le dernier morceau du disque, « Void », sinistre et froid jusqu’au bout des ongles… quelle ambiance ! Un chef-d’œuvre pesant, fatidique et tellement asservissant qu’on n’y voit pas percer le jour tellement l’atmosphère, noire ébène, y est étouffante. CRAFT nous finit à coup de pelle dans la nuque avec ce morceau éponyme… rien de mieux pour conclure un tel disque, qui aura été hanté 50 minutes durant par cette basse atomisante, oppressante et vrombissante, cette voix hurlante et possédée vomissant ses blasphèmes poisseux avec une force intacte, cette guitare qui assène des riffs mazoutés, rampants, malsains et gras, cette batterie tantôt pachydermique, tantôt efficace et bas du front comme on l’aime chez CRAFT… les changements de rythme sont peut-être moins fulgurants que sur les autres disques puisque CRAFT privilégie ici l’atmosphère ritualiste et religieuse, mais un morceau comme « I Want To Commit Murder », accrocheur et fédérateur, rappelle ce qu’à pu faire CRAFT par le passé, de par ses accélérations jouissives et son tempo relevé. « The Ground Surrenders » est également une de ces petites perles contenues par ce disque accompli. Ce blast ravageur qui intervient au moment le plus opportun, soutenant un riff contemplatif dantesque et surpuissant, agrémenté d’un solo désabusé hyper efficace, en fait un des moments forts d’un disque qui jouit d’une authentique aura religieuse accaparante, implacable et additive. D’ailleurs, quasiment tout ce que tente CRAFT sur cet appel au « vide » bien rempli est une réussite, et ceux qui auront eu la chance d’assimiler ce nouveau disque surprenant l’auront compris dès « Serpent Soul » et son break implacable qui plonge d’ores et déjà l’auditeur dans une prière sanglante au Malin, dans la migraine la plus récalcitrante et l’obscurité la plus dense, éléments propres à un
Void qui se compare à un véritable serpent qui s’enroule autour d’un cou et qui serre fort pour laisser doucement agoniser sa proie.
Certes, quelques longueurs seront reprochées au nouveau costar que les Suédois se sont taillés, pensons notamment à un morceau comme « Come Resonance of Doom », qui se perd un peu dans les limbes du six-cent-soixante-sixième sous-sol, ou comme « Bring On the Clouds », un peu longuet lui aussi. Si le riffing lifté et complexe de certains passages pourra choquer certaines attentes, CRAFT se fait moins « facile », moins « spontané » mais impose sa nouvelle mouture avec la classe qu’on leur connaît et signe par la même un retour brillant, qui dépassera au moins le précédent disque. Il reste toutefois difficile de comparer cette nouvelle offrande avec les anciennes, car CRAFT s’est offert une nouvelle peau qui lui sied à merveille. C’est là qu’on voit le grand groupe de Black Metal, capable de changer de formule et de rester aussi puissant et indispensable qu’avant.
Void est sans aucun doute l’album le plus personnel et le plus travaillé de CRAFT, que l’on aime ou pas. Alors c’est sûr, beaucoup regretteront cette relative « absence » de tempo enlevé et fédérateur, de Black Metal traditionnel, Old School et burné, mais d’autres, comme moi, verront que les suédois ont relevé un défi majeur : donner à leur musique et au genre qu’ils ont développé pendant des années une nouvelle vie, prendre de vrais risques en définitive, pour un nouveau départ au quart de tour ! De là à penser que ce
Void constitue ce que les suédois ont fait de meilleur, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas… on pourrait dire en revanche qu’il y aura une période « pré-Void » et « post-Void » qui se dessinera chez CRAFT, qui a à présent évolué sur de nouveaux sentiers plus audacieux tout en restant eux-mêmes… et que ce disque pourrait bien s’imposer à l’avenir comme la pierre angulaire de leur discographie.
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