Vile, voilà un groupe qu'on avait perdu de vue. Les Américains nous avaient habitué depuis leur premier full-length
Stench Of The Deceased (1999) à sortir des albums tous les trois ans, mais depuis un
The New Age Of Chaos pondu en 2005, plus rien, si ce n'est un single (
Wolf At Your Door) en 2008 dont je viens d'apprendre l'existence. Une quasi disparition de toute façon pas très inquiétante vu la piètre qualité du dernier opus, présenté comme une évolution lumineuse de la musique du groupe alors que je n'y avais entendu qu'une resucée de
Depopulate en moins inspiré. Il aura donc fallu plus de 6 ans à la bande de Colin Davis, plus occupé à déblatérer à propos de politique et de conspiration sur son site Internet qu'à essayer d'écrire du bon brutal death US, pour donner une suite à son dernier et décevant ouvrage. Une période de temps conséquente durant laquelle le line-up du combo a fondu pour devenir un trio, toujours centré sur la tête pensante Colin Davis désormais responsable de la basse en plus des parties de guitare. Au chant, Mike Hrubovcak (Abraxas, Divine Rapture, Monstrosity) remplace un Juan Urteaga déjà partant sur
The New Age Of Chaos tandis que Tyson Jupin conserve sa place derrière les fûts. Un remaniement de personnel complété par un changement de maison de disques puisque c'est chez Willowtip Records que débarque le quatrième album des Californiens. Un label souvent synonyme de qualité qui laisse quelques espoirs pour ce
Metamorphosis, auréolé qui plus est d'une belle pochette aux couleurs chatoyantes si on oublie la ressemblance gênante avec la mascotte vermiforme de Devourment que Vile a poussée à se mordre la queue pour en faire un ouroboros dont le symbole cyclique de la Nature se voit renforcé par un fétus humain placé en son disque.
Et la première chose qu'on peut constater, c'est que cette fois, il y a bien une évolution. C'est même à un véritable bouleversement auquel on assiste. Car Vile fait ici presque une croix sur son passé de groupe de brutal death, reléguant sa brutalité toute américaine au second plan au profit d'une musique davantage centrée sur le ressenti et l'émotion. Certes, la formation californienne n'oublie pas complètement d'où elle vient et balance, heureusement, encore un peu de blast-beats. Vile attaque même dès les débuts de "March Towards The Dawn" et "Rise", titre sur lequel J.J. Hrubovcak, le frère du chanteur et désormais partie intégrante du groupe, prend les commandes à la guitare. Mais ces passages se font plus rares et pas mal de morceaux mid-tempos, notamment dans la deuxième partie ("I Am Alive", "Wolf At Your Door", "Shadow Work", "As One", Redemption") n'en contiennent même pas. Le groupe a en fait retiré l'adjectif brutal de son death pour la majeure partie, tout en restant un groupe de DM. Mais un death metal désormais plus mélodique, technique et limite progressif par moment, s'enrichissant même d'influences extérieures comme sur le surprenant "Wolf At Your Door" qui laisse entrevoir de légères touches black metal (inexistantes autre part contrairement à ce qui était annoncé par contre), nous propose un sample au sonorité indus à 0'47 avec des spoken words, et surprend par du chant presque lyrique à 1'29! Un morceau varié et bien foutu cependant peu développé (seulement 2'12 au compteur!). En parlant de samples et de spoken words on citera également "I Am Become Death" qui laisse la parole à J. Robert Oppenheimer pour un interlude qui fait froid dans le dos, ainsi que "I Am Alive" et son break en arpèges uniquement accompagné de spoken words growlés. Soit on adore, soit on trouve ça ridicule! La performance globale de Mike Hrubovcak reste en tout cas satisfaisante, plus gutturale que sur le dernier Abraxas, avec à nouveau cette alternance de growls et de screams parfois superposés.
Vous l'avez compris, Vile offre désormais davantage de variété dans son death metal, que ce soit au niveau des riffs ou des rythmiques. Les Américains sortent même la guitare acoustique sur 2-3 passages ("The Revealing", "As One"). Ajoutez un peu de dissonance ("Shadow Work" en particulier), une petite louche de groove (la première partie de "As One", les riffs grassouillets de "Prophetic Betrayal" à 1'54 et de "Shadow Work" vers 2'40, etc.) et une basse bien audible à défaut d'être vraiment aventureuse (le nouveau bassiste Erlend Caspersen devrait se montrer plus ambitieux) et vous voyez qu'il y a de quoi faire. Mais ce qui caractérise le plus
Metamorphosis, c'est le travail en lead. La mélodie y est omniprésente avec des tremolos dans tous les coins, que ce soit la grande majorité des riffs, souvent sombres, ou les solos et autres leads, plus lumineux. Voilà le gros atout de ce nouvel album qui offre de très bons solos souvent calmes et posés sur des rythmiques toute aussi modérées, on pense entre autre à "What Lies Beyond" à 3'07 (carrément virtuose sur les dernières notes), "Rise" à 1'58, "Shadow Work" à 3'43 (notes tenues longtemps), "As One" à 1'53 avant que le tonnerre gronde et "Redemption", outro sereine qui clôt l'opus en beauté. À mon avis, Colin Davis a dû pas mal écouter Death avant de composer.
Ce qui fait le charme de l'album lui cause aussi pas mal de soucis malheureusement. Et c'est là que ça se corse, alors que jusqu'ici tout ça était plutôt pas mal. Rien à redire sur le gros travail au niveau des mélodies mais le fait d'intégrer tant de parties tranquilles aux dépens de la vitesse et de la brutalité pure rend ce
Metamorphosis bien trop mollasson. Les amateurs de sensations fortes en seront pour leurs frais, d'autant plus que la production en plastique s'avère d'une platitude navrante. Un son qui ne dégage aucune puissance alors qu'il devrait nous exploser à la tronche, surtout pendant les blasts. Là, on a juste l'impression que le batteur caresse ses fûts au lieu de les martyriser. On l'a compris, Vile n'a pas donné la priorité à la brutalité. Mais quand j'écoute du death metal, j'aime bien que ça bourre aussi. La balance penche ici trop vers le côté propre, mélodique et tempéré pour mes oreilles avides de blasts furieux, de riffs evil ou de mid-tempos baveux. C'est ça qui m'a embêté dès le début sur ce
Metamorphosis même si j'ai fini par m'habituer et apprécier l'album pour ses qualités, en continuant toutefois de lui reprocher ce gros manque d'impact. Vile propose ainsi une évolution louable mais à double-tranchant qui ne devrait pas faire que des heureux. Sur un plan personnel, je ne crie pas au scandale mais si Vile devait proposer un revirement mélodique, j'aurais préféré une progression à la Obscura pour un death metal là aussi extrêmement mélodique mais bien plus rapide et technique et donc plus percutant et moins ennuyant sur la durée. Là, on tient un album sympathique, plus intéressant que
The New Age Of Chaos et même très bon sur certains points, mais qui aurait été autrement plus convaincant avec une production et des compos moins sages.
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