Il m'aura fallu du temps avant que je ne m'intéresse enfin à Taake. Pourtant, ce n'est pas manque d'avoir à disposition quelques albums et EPs illégalement obtenus de ci de là. Mais à force de télécharger parfois un peu trop bêtement, on se retrouve avec des disques qu'on prend à peine le temps d'écouter voir même de découvrir plusieurs années après. Malgré tout, mieux vaut tard que jamais et c'est donc avec ce cinquième album intitulé
Noregs Vaapen sorti l'année dernière sur Dark Essence que je pose enfin sérieusement mes oreilles sur ce one man band Norvégien qui n'a aujourd'hui plus grand chose à prouver. Pourtant, à en lire les quelques échos ici et là, il semblerait que ce nouvel album fasse débat au sein de la communauté black metal. Que lui reproche t'on exactement? Et bien il apparait que les prises de libertés de Hoest, seul véritable maître à bord depuis les débuts du groupe en 1993, ne soient pas du goût de tout le monde. De mon point de vu c'est sûrement ce qui m'a séduit à l'écoute de cet album. Une originalité et un parti pris qui le distingue assez clairement du reste de la scène.
Je ne connais que trop mal les précédents albums de Taake pour tenter de périlleuses comparaisons mais je peux cependant comprendre en écoutant
Noregs Vaapen ce qui a pu déplaire à une partie de ce public black metal pour qui le changement est souvent mauvais signe. Alors que von_yaourt regrettait déjà les sonorités black'n'roll sur sa chronique du précédent album (
Taake),
Noregs Vaapen marque de son côté le pas sur son prédécesseur en appuyant justement encore davantage sur ce mélange des genres.
Pourtant, on ne peut pas dire que Hoest ait complètement troqué son maquillage et ses clous contre de la gomina et des blue suede shoes. Ainsi, "Fra Vadested Til Vaandesmed" laisse largement entrevoir les racines Norvégiennes du groupe. Car malgré ses presque sept minutes, le rythme punk/thrash entêtant et les riffs glacials ne sont pas sans rappeler le Darkthrone de
Sardonic Wrath. "Orkan" ne laisse lui non plus aucune place au doute malgré une intro sur laquelle on se prend à taper du pied. Seul le break plutôt mélodique à 3:16 pourra peut-être hérisser le poil des plus intransigeants. Il faut finalement attendre "Nordbundet" pour véritablement entendre le Taake black'n'roll qui semble diviser autant la communauté. Baisse de rythme significative, riff catchy, soli rock'n'roll (à 3:26), refrain assez facile... Effectivement, le virage est assez prononcé mais n'en est pas pour autant déroutant et/ou désagréable. Bien au contraire. Il faut attendre 2:52 pour voir Taake reprendre vigoureusement le chemin d'un black metal épique appuyé de ces fantastiques riffs brumeux dont seul Hoest à le secret.
Le titre le plus surprenant de cet album est sûrement "Myr". Si dans un premier temps, tout semble plutôt balisé, j'imagine la tête qu'on du faire certain à 3:23 en découvrant ce banjo sorti de nul part. Étonnant, l'usage de cet instrument l'est assurément. Mal venu? C'est moins sur car même si cette mélodie guillerette allège le propos de Taake, je trouve qu'il n'en reste pas moins bien exécuté et pas si inapproprié qu'il n'y paraît. Finalement, passé l'effet de surprise, on s'y fait même plutôt bien. Alors, je ne sais qu'on ne rigole pas avec le black metal mais cela à au moins le mérite d'apporter un peu de fraîcheur dans un style quelque peu vicié à force d'en fermer toutes les ouvertures.
L'album se clôture sur "Dei Vil Alltid Klaga Og Kyta", un long morceau de plus de dix minutes partagé entre un black metal assez classique et un black metal mid tempo, avec toujours ces quelques réminiscences punk/rock'n'roll (quelques riffs punk par-ci par-là, un petit solo en cours de route...). Parmi tous ces très bon titres, seul "Du Ville Ville Vestland" se montre un peu moins intéressant. La faute à un riffing plus quelconque et à des moments de bravoures certainement moins intense. Une petite baisse de régime à peine perceptible qui reste tout de même de qualité.
Au delà de l'aspect black metal et rock'n'roll qui aujourd'hui définie en partie la musique de Taake, il est un autre élément qui a toute son importance, c'est l'ambiance. Hoest à toujours accordé une place très importance à l'atmosphère qui pouvait se dégager de sa musique. Et même si
Noregs Vaapen peut sembler être l'album le plus accessible, il n'en reste pas moins que les ambiances sont à chaque fois très léchées. Le travail sur les guitares est vraiment remarquable comme ces mélodies sur "Fra Vadested Til Vaandesmed", "Orkan" ou "Nordbundet" qui sont à tomber à la renverse. Les changement de rythmes permettent quant à eux de se sentir moins étouffé et de casser la linéarité des assauts de la batterie. On note enfin l'adjonction de certains éléments exotiques comme ce mellotron sur la conclusion de "Fra Vadested Til Vaandesmed" ou encore ce fameux banjo sur le surprenant "Myr".
Pour terminer, impossible de ne pas évoquer la quantité astronomique d'invités figurants sur cet album. Parmi les plus connus, on retrouve Nocturno Culto de Darkthrone venu poser sa voix rocailleuse sur le pont mid tempo de "Fra Vadested Til Vaandesmed" (entre 1:48/3:56), Attila Csihar de Mayhem sur "Nordbundet" et Demonaz d'Immortal sur "Du Ville Ville Vestland". Toutefois, ne vous emballez pas, ces featurings sont loin d'êtres aussi enthousiasmants qu'il n'y paraît. Les prestations de nos trois bonhommes demeurent assez anecdotiques, tant dans la durée que dans la performance. Pour le reste des invités, on retrouve pêle-mêle des membres de Amok, Deathcult, Infernal Manes, Gaahlskagg, Aeternus, Helheim... Quant à savoir qui fait quoi?
Si Taake déçoit par son approche moins radicale, plus mélodique ou plus originale. Alors tant pis pour ceux qui se sentiront concernés.
Noregs Vaapen est un album vraiment intelligent, très bien composé, à la production irréprochable et qui partage parfaitement ses origines "true" black metal avec une approche plus moderne et surtout plus ouverte sur ce qui entoure aujourd'hui son unique compositeur. Une bonne surprise qui continue de se bonifier au fil des écoutes.
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