Malgré leur parcours écourté dans une compétition sportive européenne dont on entend beaucoup parler ces derniers temps, les Polonais se rattrapent largement, en 2012, dans un art qui sait pour l'instant rester à peu près dans l'ombre des médias trop généralistes : le Black Metal. Cette scène particulière, toujours aussi vivace et efficace, a déjà bien fourni cette année l'amateur exigeant, que ce soit du côté des surprises (pensons à FLAME OF WAR) ou des valeurs plus sûres dont MGLA fait assurément partie avec ce
With Hearts Toward None qui était attendu par la base de fidèles du groupe d'un pied ferme. La réputation du groupe n'est plus vraiment à faire... 4 ans avant ce dernier opus fraîchement sorti des caves de Northern Heritage, MGLA s'était illustré avec un album très convaincant :
Groza, première offrande succédant à quelques EP de très haute volée. Il n'a pourtant pas forcément réussi à s'imposer comme un album déterminant avec le recul, malgré l'enthousiasme qu'il avait suscité chez moi à sa sortie car il n'atteignait pas le niveau des EP ravageurs comme
Further Down the Nest ou
Presence, grosses réussites de l'homme qui se terre, quasiment seul, derrière ce groupe au mystère bien entretenu depuis sa fondation en 2000. En effet, M. a toujours joué avec l'occultisme qui entoure MGLA, livrant toujours des pochettes minimalistes sur lesquelles règnent des ombres éthérées à travers une omniprésence du gris qui illustre à merveille l'obscurité de ces riffs si particuliers. Cette nouvelle œuvre n'échappe pas à la règle : un livret de deux pages très frugal en guise de sustentation et une couverture rocailleuse et simpliste alimentent un disque suivant totalement la tradition des Krakovites, à l'image de cette tracklist dans laquelle un chiffre romain s'ajoute au titre de l'album pour en marquer la progression. Toujours très sobre, MGLA sait aussi être très juste dans un Black Metal qu'il maîtrise aujourd'hui très bien comme l'auditeur était en droit de l'attendre de ce dernier opus.
On pourra déjà noter le travail considérable réalisé sur le son. MGLA a bien progressé à ce niveau et atteint enfin la noirceur compacte qu'il a toujours cherchée ! Cette petite faiblesse qui pouvait faire défaut à ses sorties précédentes (sans être dérangeante bien sûr) est immédiatement effacée par des guitares plus amples, plus sordides, plus sombres, habitant un disque qui sublime de fait la patte de MGLA grâce à cette nouvelle capacité que sa production s'approprie, happant l'auditeur dès le premier morceau (avec l'énormissime entrée en matière que constituent les « With Heart Toward None I » et « II ») et ne lâchant son emprise animale qu'à la fin du dernier (ni plus ni moins le meilleur morceau du disque!). Quel son idyllique pour un groupe de la trempe de MGLA ! Un son qui s'adapte à merveille à l'ambition qu'il fomente. Que ce soit sur les ralentissements ou sur les passages blastés, l'instrument a bien plus de profondeur et de puissance, soumis qu'il est au panache de ces nouveaux riffs excellents et mis à merveille en valeur par ce deuxième souffle trouvé par les Polonais, renouvelant parfaitement leur ossature habituelle, à l'image d'une basse à la fois discrète et finement utilisée, puisque ses nuances exquises ne suivent pas systématiquement la trame principale, comme c'est le cas dans beaucoup de combos Black Metal de ce registre. Le travail derrière ces riffs cendreux est très palpable : deux voire trois couches de mélodies peuvent parfois se combiner, créant ainsi cette dissonance malsaine et maîtrisée que l'on connaît à ce combo de grande qualité.
Oui, MGLA aurait pu rester dans sa qualité de croisière, avec son Black Metal occulte baigné dans le sang et la bile... mais le groupe, doté de ce son parfaitement limpide, une nouvelle force, un nouvel atout, est allé plus loin que sa qualité habituelle que l'auditeur connaît bien, poussant le vice dans ses retranchements et amenant un regard bien plus critique sur l'album précédent. Alors qu'on aurait pu craindre une stagnation avec
Groza, MGLA dépasse aujourd'hui cet état de fait de la tête des épaules, forçant encore plus le respect qui lui est dû. Si la batterie fait parfaitement le job, avec un jeu varié et fignolé, c'est bien dans l'atmosphère offerte par des guitares bien lourdes et cancéreuses que les Polonais brillent. Les vicieuses lignes mélodiques à la guitare lead sont ancrées dans une noirceur des plus sincères et forment une dissonance maîtrisée de bout en bout et surtout très accrocheuse, comme à l'accoutumée. M., que ce soit lorsqu'il éjacule un trémolo incisif (« I »), créant ainsi une couche aérienne de mélodie sur une rythmique bien lourde ou bien lorsqu'il souligne un riff plus agressif et gras avec ses lignes aiguës très habiles, hisse clairement sa musique vers le haut et la porte vers une intensité maximale.
Si quelques passages la font osciller légèrement, cette intensité ne rompt que très rarement. Certes, quelques riffs moins marquants se glissent dans cet ensemble qui reste proche de l'excellence, mais notre homme amène sa musique vers de si hautes cimes que l’exigence de l'auditeur averti monte avec elle très haut. MGLA est un groupe avec lequel on s'octroie le droit d'être plus sévère, à la manière d'un élève plus brillant que les autres et que l'on rechigne à interroger parce qu'il connaît toutes les réponses avant tout le monde. Bien qu'il n'y ait rien de préjudiciable aux exemples suivants, l'enchaînement des morceaux « V » et « VI », à cause de riffs moins intenses, lâche à quelques doigts prêts cette grâce dans lequel
With Hearts Toward None cloisonne ses auditeurs, telle une dose de came moins puissante que celles avec lesquelles on est accoutumé. Que l'on soit d'accord, ces morceaux restent de très bonne facture et de toutes façons cet opus prouve une fois de plus qu'un bon morceau de MGLA reste un très bon morceau de Black Metal. Mais tout comme le Black Metal des Polonais, les spectateurs de cette offrande seront sans indulgence. L'une des grandes réussites de M. sur ce nouvel opus se situe dans le morceau « III ». Alors qu'il célèbre avec toute sa haine le titre de son album en hurlant son intitulé comme un damné à la fin du morceau («
WITH HEARTS... TOWARD... NONE! »), précédant une tension permanente en forme de montée en puissance, la tête pensante du groupe livre un excellent ensemble tout en changements de tempo. Cette qualité prépondérante, présente sur tout le disque, en fait une œuvre aérée, variée et très jouissive sur certains passages. Notre homme a gommé cette tendance à la répétition qu'il pouvait cultiver sur un
Groza par exemple, de même que certaines transitions moins bien agencées à cause de la longueur. Il faut dire qu'il a composé davantage de morceaux pour servir son inspiration : 7 morceaux plus courts donc et nettement plus efficaces qu'auparavant. A l'image d'un « IV » qui alterne parfaitement entre tempo plus lent et blast beat ultra burné et efficace, les morceaux sont bien mieux agencés. M. sait à présent très bien couper un morceau au bon moment et non pas le prolonger inutilement comme il avait tendance à le faire sur
Groza qui dévoile décidément bien des lacunes à l'écoute de ce nouvel opus... voilà un groupe qui sait surpasser ses précédentes œuvres sans avoir à baratiner dans les interviews !
Nettement plus équilibrés, aussi : il n'y a pour ainsi dire que peu de faiblesses dans ces brûlots occultes très fluides, parfois très proches du génie pur. On pensera par exemple à la conclusion de ce disque, le fameux « VII » donc, qui s'illustre par un riff contemplatif extrêmement prenant. Quels riffs, quelle maîtrise, quel panache ! Rarement un disque n'aura eu une si belle conclusion... compensant les « faiblesses » du morceau « VI », une basse aérienne se déplace subrepticement sur un ensemble poignant et libérateur, porté par la voix emplie de folie d'un M. qui se décharge totalement sur ce titre alternant de manière très fluide blast beat et tempo bien accrocheur avec en prime un jeu sur les rides absolument terrible de la part du batteur qui officie sur
With Hearts Toward None, j'ai nommé Darkside, qu'on a connu dans l'autre groupe de la tête pensante de MGLA, à savoir KRIEGSMACHINE. Si notre homme n'a pas forcément la rage de ses débuts (je pense au premier morceau de
Further Down the Nest dans lequel sa performance était dantesque), son organe ne cesse de bouillonner et de hanter ces hymnes qu'il livre avec toute la conviction qui le caractérise. « With Hearts Toward None VII » créera directement la transe chez les fanatiques, tout juste auront-ils la lucidité d'y voir une totale réussite qui tient sur quelques riffs dansant main dans la main avec Lucifer : «
COME REDEMPTION ! / As the litany of abandonment rings through ruined temples... ». Si j'avais déjà pris une gifle avec l'extrait dévoilé par Northern Heritage quelques mois avant la sortie de ce
With Hearts Toward None (l'empoisonné « IV » si je ne m'abuse), il m'a juste suffit de tendre l'autre joue... pas de doute, MGLA m'a bien administré la raclée que je méritais !
«
Yes ! The LORD is on the prowl tonight... »
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