Sagamore :
Vous commencez à le savoir, depuis le temps que vous lisez Thrashocore, les doubles chroniques sont rarement de bon augure. C'est donc moi qui, aujourd'hui, endosse le rôle du rabat-joie de première, la bonne tête à claques au sourire narquois, pour aborder la dernière livraison de Mgla. Dire qu'elle était attendue, c'est aller au-delà de l'euphémisme, le groupe étant sujet à une hype relativement inédite pour le Black Metal actuel. Amusant, en tout cas, de constater leur évolution, pour qui les suit depuis un bout de chemin. Et quel sentier vers les sommets ! On ne peut que respecter la progression de ce one-man band, devenu entre-temps duo et fer de lance d'une scène entière.
C'est pourquoi, comme dirait l'autre, "je ne prends aucun plaisir à faire ce que je vais faire". J'en suis même attristé.
"With Hearts Toward None" était, et reste, un album absolument fantastique, parfaitement exécuté, avec authenticité, passion et sincérité, gavé ras-la-gueule d'instants de grâce jamais atteints dans toute la discographie du combo.
"Exercises in Futility" est également bon, c'est indéniable, mais... Il lui manquait quelque chose pour le rendre réellement ultime. La fameuse étincelle. Qui est complètement absente de cet "Age of Excuse", sorti à la surprise générale il y a peu, sans tambours ni trompettes (une habitude de No Solace). Vu le résultat, je comprends pourquoi, et c'est bien ce que l'extrait dévoilé en guise de teaser laissait entrevoir : un Mgla en vitesse de croisière. Un chef étoilé qui n'a plus envie de se forcer, et sort de ses fourneaux la même recette en boucle. Le ressenti qu'ont pu me rapporter tout ceux ayant vu la formation plus d'une fois sur les planches. Finalement, la pochette, surtout son Prométhée "Léa passion cheval" effectuant une esquisse de dab, est ce qui reste le plus travaillé dans cette dernière livrasion.
Laissons toutefois la critique péremptoire aux grincheux, ceux qui crachent sur les Polonais depuis qu'ils tournent de façon intensive - Faire de l'argent avec sa musique ? Quelle honte ! Non, "Age of Excuse" n'est pas un mauvais disque, loin s'en faut. Difficile de pondre une merde infâme quand nos mains ont façonné des chefs-d’œuvre. Par contre, il n'a absolument aucune saveur. Là où les deux précédents possédaient chacun des temps forts qui restaient en tête pour très longtemps, cette dernière livraison me passe complètement au-dessus. Un véritable steak de tofu, servi seul, sans accompagnement, dans une assiette aussi lisse que blanche, bref, la chose la plus triste que l'on puisse offrir à un gourmet affamé par quatre ans d'attente.
Les fanboys fébriles, qui n'en peuvent plus de hurler "AOTY" sous tous les toits, ne pourront cependant pas étouffer le côté très scolaire de ce dernier album. C'est que Mgla est appliqué, et se contente de recopier, à la lettre, une formule simple, apparemment suffisante pour mettre les auditeurs impressionnables en transe. Faites tourner en boucle, jusqu'à l'abrutissement complet de l'auditeur, deux lignes de guitare, l'une mélodique, l'autre pour faire un fond, pendant six à sept minutes. Plaquez une basse complètement anecdotique pour que l'ensemble tienne bien au corps, et enfin, assurez-vous de maintenir l'ensemble aussi fade que possible avec un chant que j'avais rarement entendu aussi monocorde, scandant des textes ma foi bien écrits, mais diablement classiques. Pourtant, on sent bien que Darkside n'est pas d'accord. Il lutte, le bougre, derrière ses fûts, pour tenter de briser sa camisole, toujours impérial, dispensant des contre-temps fantastiques et autres breaks brises-nuques... Du moins, c'est ce que j'ai cru entendre entre deux ronflements. D'ailleurs, l'effet de surprise est un peu passé, tant les plans rythmiques, même si impressionnants, semblent avoir été récupérés dans les poubelles de l'épicerie Kriegsmaschine. L'usine de recyclage tourne à plein régime, mise en marche dès le second titre : Le riff en fond est chouette, hein ? Rah ouais, il sonne bien, cette alternance de montées et descentes... C'est normal, c'est quasiment le même que "Exercises in Futility VI". Attention, les gars, ça se voit...
C'est l'effet que me fait "Age of Excuse", finalement : un assortiment de morceaux "sonnant comme" des rappels aux belles heures du groupe, mais sans le feeling ni la puissance de ces derniers. Un plateau de tapas de la discographie de Mgla décongelé à la hâte, sorti parce qu'il fallait bien donner quelque chose à manger aux fans qui attendaient leur repas depuis un moment. Un disque qui aurait pu être bon, s'il avait été produit par un groupe de rookies. Mais qui, au sein d'une discographie aussi imposante, et importante pour la scène "moderne", fait vraiment pâle figure. C'est bien le pire qui puisse arriver à un groupe de cette envergure : sortir un disque sans temps forts ni saveur. "Age of Excuse", c'est le flash des Men in Black : sitôt écouté, sitôt oublié. Quel pétard mouillé...
5/10
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Jean-Clint :
Il s’en est passé des choses en quatre ans pour le duo polonais qui depuis la sortie du tentaculaire et acclamé
« Exercises In Futility » a franchi un cap spectaculaire dans sa carrière dont la progression était jusque-là régulière, en écumant notamment de façon intensive nombre de festivals et de salles de concerts. Car de groupe respecté dans l’underground il est aujourd’hui presque devenu la nouvelle tête de gondole du Black-Metal européen et même mondial, en bénéficiant d’une visibilité et d’un effet de mode allant au-delà de ses espérances les plus folles. Si le binôme est unique en son genre de par son style et le son de ses guitares cela peut aussi devenir sa faiblesse à force d’user et abuser de cette même recette, car il prend le risque de se répéter comme cela est apparu ces derniers temps sur scène. En effet de nombreux spectateurs les ayant vus plusieurs fois ont eu un sentiment de routine et de lassitude lors de leur dernière tournée en date, le combo donnant l’impression de jouer en pilotage automatique tout en ne renouvelant pas sa setlist, celui-ci attendant sans doute la sortie de ce quatrième album capital pour son futur. Jamais en effet il n’a eu une telle pression au moment d’entrer en studio (vu qu’il a plus à perdre qu’à y gagner), surtout si sa formule savamment entretenue et appliquée depuis ses débuts commence à lui échapper et à montrer des signes de fatigue.
Durant les six morceaux de ce « Age Of Excuse » on va passer par différents états où la joie d’entendre de la nouveauté de la part du groupe va durant certains moments laisser place à de légères frustrations et déceptions, car même si leur patte inimitable conserve une accroche implacable on va avoir droit à quelques longueurs inhabituelles tout comme à des plans passe-partout inattendus. Cependant il ne faut pas se tromper ce nouveau long-format contient heureusement plus de qualités que de défauts, preuve en est avec « I » ultra-classique sur la forme comme le fond où la lenteur et les blasts s’en donnent à cœur-joie, jouant donc le grand-écart afin d’accentuer la froideur générale et la noirceur déjà fortement présentes. Si les passages au ralenti étaient majoritaires ici c’est tout l’inverse qui se produit sur « II » où la vitesse est présente sous toutes ses formes, entre tabassage intensif et mid-tempo remuant portés par la double chirurgicale de Darkside et ses patterns reconnaissable entre mille, pour un rendu global prenant et qui fait le métier sans fausse note. Si l’alternance était jusqu’à présent de mise, avec « III » elle va être poussée plus loin encore car presque toute la palette du jeu des gars est présente ici (hormis le ralenti), mélangeant habilement les longues travées blastistiques et les cheminements étirés pleins de vitesse à travers l’obscurité, pour un résultat hyper rythmé où les variations se font nombreuses et fluides.
Si la première partie s’est déroulée sans accroc (et a confirmé que les acolytes malgré quelques réserves tiennent toujours leurs promesses), la seconde va démarrer avec le même entrain, et pourtant une certaine facilité va être palpable avec « IV ». Celui-ci bien qu’étant de haute tenue va montrer les musiciens se contentant de réciter leurs gammes, en faisant une série de boucles basées sur un tempo élevé et en répétant à l’envie les différentes variantes, donnant du coup le sentiment de faire un peu la même chose jusqu’au bout. Alors oui ça fait le boulot et on apprécie ce qu’on entend mais on aurait aimé être un peu plus scotché, au lieu d’avoir une performance certes agréable mais calibrée et un peu trop scolaire pour être mémorable, ce qui va être la même chose sur « V » mais de façon moins flagrante. En effet celui-ci a été séparé en trois grandes parties avec un début et une conclusion plutôt lourde et bridée alors que son centre a droit à une explosion de violence sous toutes les coutures, même si on a encore une fois entendu cela chez ses géniteurs à de nombreuses reprises par le passé tant ça reste dans un classicisme exacerbé, bien que ça se révèle toujours prenant et agréable à l’oreille. Quant à « VI » qui termine les débats il est handicapé par sa durée clairement excessive (pratiquement dix minutes) inutilement étirée en longueur, chaque plage instrumentale étant remplie à n’en plus finir. Il est clair qu’en ayant été plus à l’essentiel cette ultime compo aurait gagné en profondeur (les passages blastés s’éternisent pendant une plombe), mais là-encore ça reste largement au-dessus de la concurrence et immédiatement plaisant.
Du coup difficile de savoir si ce sentiment bizarre vient de l’entité ou de nous… amateurs impatients et peut-être trop exigeants envers elle à cause soit d’une attente démesurée, ou d’un effet de surprise passé ? Il est dur d’avoir une réponse à cette question même si un mélange des deux semble être le plus probable, donnant du coup les torts partagés. Car même s’il est certain que cette réalisation est moins compacte et grandiose que ses prédécesseurs on est quand même très loin d’un ratage et d’une déception relative. Oui elle n’est pas aussi parfaite que les précédentes et elle se montre parfois trop standard et clinique pour rivaliser avec elles, mais ça reste très nettement dans le haut du pavé, plein de musiciens rêvant de sortir un tel disque. A l’heure actuelle rares sont ceux capables de concurrencer les deux compères qui bénéficient d’une fan-base impressionnante même en-dehors de la sphère Black-Metal, ce qui est très rare et un véritable exploit en soi. Cela montre en tout cas qu’ils ne sont décidemment pas comme les autres, et que leur pays reste une terre métallique incroyablement productive et qualitative qui ne cesse de se régénérer en permanence, voyant jeunes loups aux dents longues et vieux briscards expérimentés y cohabiter pour le meilleur.
8/10
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