Al-Kamar - Bôshitsushita Kyôki no Mikazuki kara Seitanshita Tsukikage no Shôjo (The Style of Forgotten Vampires)
Chronique
Al-Kamar Bôshitsushita Kyôki no Mikazuki kara Seitanshita Tsukikage no Shôjo (The Style of Forgotten Vampires)
AL-KAMAR est un groupe qui, sur le papier, peut attiser la curiosité des éclectiques. Né en 2009, il cite sans avarice tout un tas de groupes dans ses influences dont ALCEST, CHAPTER HOUSE, RIDE, RAINBOW, ORPHANED LAND et SHINING. Même si on a du mal à imaginer le mélange, on devine qu’on aura du shoegaze et des expérimentations.
Son premier album sorti en 2011était finalement une sorte de post-black dépressif immature naviguant entre une haine misanthropique et une envie touchante d’espoir. L’originalité principale n’apparaissait que sur trois morceaux mais elle faisait tiquer les oreilles. Il s’agissait d'une voix totalement atypique et irréelle, similaire à celle de Mimi la Souris ! C'est à dire une voix suraigüe syntéthique, créée soit par un trafic informatique quelconque soit par l’inhalation abusive d’hélium. Vous imaginez la surprise à la première écoute ! Cela avait le don de repousser tout en entrainant un charme incompréhensible. On l’écoutait alors avec tendresse comme on regarde un enfant déguisé en arbre au spectacle de la kermesse à l'école.
Le deuxième album arrive donc près d'un an plus tard et notre petit est de retour pour la fête scolaire. A-t-il changé de rôle ? Et bien non, il joue encore l’arbre, mais cette fois-ci il a peaufiné son jeu et arbore de jolis fruits rouges. La pochette est ainsi toujours dans le même ton avec son design manga qui ne colle décidément pas au monde du black, même shoegazé. Ce visuel à gros yeux tend à castrer l’imagination et surtout à laisser croire que le groupe est gentillet, niais, inoffensif. Le titre ne rattrape pas grand-chose et est passé de l’anglais simple du premier méfait ("Abstract Spread") a du japonais tout aussi simple(t), mais à rallonge : Bôshitsushita Kyôki no Mikazuki kara Seitanshita Tsukikage no Shôjo, soit "La jeune fille de l'ombre lunaire, folle et oubliée, qui est née du croissant de lune". On préfèrera sûrement le sous-titre anglais "The Style of Forgotten Vampires". Bref, visuels et titres sont assez lourdingues même s’ils démontrent un effort pour créer un monde personnel et original. En tous cas ils ne laissent sûrement pas imaginer la violence contenue en partie sur les 10 titres.
Comme sur « Tamashi wo Kurau Mono » (Ce qui Bouffe l’Âme en français), certains passages proposent des ambiances surexcitées et torturées à souhait pouvant être rapprochées des autres Nippons d’ENDLESS DISMAL MOAN. Seulement ils sont minoritaires et apparaissent entre des parties plus claires et envolées à tendance post-punk / shoegaze. Ces dernières prennent plus de place et représentent carrément l’intégralité de quelques morceaux. L’ensemble est cependant bien géré et inventif. En tout cas, des progrès ont été faits et la qualité est moins hachée qu’avant. Il n’y a que sur la fin qu’on trouve des redites et des longueurs abyssales. La conclusion ambiante de 11 minutes, « Bōshitsu ni nezasu rintoshita suzu no neiro » (Le Son de la Cloche Digne Enracinée dans sa Perte) est trèèèèèèèès chiante et la nouvelle version d’un ancien titre placée en dernière piste est plus mauvaise que l’originale (« Pessimism »). Le dernier quart d’heure est donc à zapper totalement.
Par contre, pour apprécier les 40 premières minutes, il faut déjà avoir de l’intérêt dans le post-black / post-punk / post-machin, mais aussi parvenir à supporter les vocaux, cibles à polémiques. Ceux masculins restent variés et principalement bestiaux, mais à la place des cris stridents qui étaient les plus marquants et réussis sur le premier album, on trouve un peu de chant clair en japonais déclamé style visual key. C’est sur « Itetsuku Hi no Hikari » (La lumière froide du soleil) et « Recognition Swap ». Même si on n’aime pas, cela rend l’album plus riche. De plus, la voix stridente synthétique de Mimi la Souris n’est plus là, et on la regrette presque tant elle était unique. On en retrouve une synthétique mais bien moins marquée sur « Oborozuki » (Lune Floue), et une voix féminine plus humaine et douce pousse la chansonnette sur « Jôgen no Tsuki » (Quart de Lune). Autre passage douloureux, des Lala Lalalala immondes sur « Recognition Swap », les plus faux de toute l’histoire de la musique !
En résumé, AL-KAMAR est un disciple d’ALCEST qui se la joue aussi poète en proposant un voyage lunaire. Au moins il faut reconnaître que c'est space, proche ou non de la lune, et ce n’est pas nécessairement un compliment. La particularité de ce disciple est d’avoir de sérieux problèmes de schizophrénie et de devenir violent subitement. Il aurait dû en user un peu plus car cette fois-ci c'est un peu trop sage. Bien que les compositions soient plus abouties que sur le premier album, ça reste donc encore perfectible.
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