Si je pouvais revenir en arrière, je changerais bien des choses à ma façon de faire, comme tout le monde. J'aurais rejoint Thrasho plus tôt pour empêcher Keyser de chroniquer du Mithras, et surtout j'aurais pris un peu plus d'avance pour chroniquer la discographie de Misanthrope, puisqu'il me faut faire l'impasse sur
Recueil d’Écueils,
Misanthro-Thérapie et le premier Argile pour tenir mes délais afin de faire paraître la chronique de
Aenigma Mystica dans les t... Ah non, merde, il sortait hier. Bon, alors on va dire, pas trop longtemps après sa sortie. Si S.A.S avait pu remonter dans le temps, il y a peu de chances qu'il eût prôné la contre-révolution ou le retour à la monarchie, malgré un désamour compréhensible envers la grande œuvre de Fouquier-Tinville pour lutter contre la surpopulation carcérale. C'est pourtant, avec des titres fantasques comme « Révisionniste » et « Armageddon à l’Élysée », ou avec une visée plus historique comme « Bonaparte », l'époque où Misanthrope se prendra le plus de critiques farfelues, la démocratisation du net faisant place à une vindicte souvent d'autant plus ridicule que leurs auteurs n'avaient même pas dû prendre la peine de comprendre les paroles qu'ils entendaient sur un « Révisionniste » au contexte bien plus bi-centenaire qu'actuel. Mais il est vrai que c'est avec
Sadistic Sex Daemon que Misanthrope commet son véritable premier faux pas, malgré trois années écoulées depuis un excellent
Misanthrope Immortel et un line-up renouvelé pour moitié, faisant place à une très jeune garde d'à peine une vingtaine d'années ayant la difficile tâche de reprendre le flambeau de Alexis Phélipot et surtout de Jean Baptiste Boitel, qui, même s'il abandonnera la guitare, conservera son rôle d'arrangeur. Ce sont donc Anthony Scemama, prodige de la guitare sur le retour et frère d'une bassiste encore bien connue dans la scène à l'époque, ainsi que Gaël Féret, batteur et élève de Dirk Verbeuren qui l'a recommandé à S.A.S, qui complèteront tous deux un line-up encore stable dix ans plus tard. Une petite prouesse pour un premier album malheureusement en demie-teinte.
Même si j'adore la musique de Misanthrope, il ne s'agit pas de verser dans l'école des fem... des fans, comme nous l'allons montrer tout à l'heure. Ah merde non, ça c'est La Fontaine.
Sadistic Sex Daemon a donc laissé beaucoup de fans sur leur faim, et cela se conçoit aisément quand on sait que Jean-Jacques Moréac, qui l'a composé en quasi-totalité (laissant les claviers à Jean Baptise Boitel), étudiait alors beaucoup le néo-metal, que ses élèves devaient un peu trop lui réclamer. Sans bien sûr tomber dans les travers de cette mouvance pour neuneus, Misanthrope produit pour la première fois un travail mélodique qui laisse particulièrement à désirer, avec une lourdeur bien trop mise en avant et une absence assez désespérante de riffs véritablement marquants. En résulte un album efficace mais bien trop unidimensionnel malgré quelques très bons moments rappelant encore au bon souvenir de chacun le Misanthrope d'antan.
Et cette impression de lourdeur un peu pataude est indubitablement renforcée par une production maison qui sans être véritablement ratée est tout du moins maladroite, débordant de basses trop couvrantes dans le mix, et mettant bien trop en avant la batterie, notamment la caisse claire qui devient envahissante lors des blast-beats. Ce n'aurait pas été trop gênant si l'album n'avait pas comporté autant de passages brutaux où ces défauts sonores s'expriment pleinement. Dommage que ce soient également les riffs les moins intéressants que le groupe ait à proposer.
Même s'il demeure tout à fait correct,
Sadistic Sex Daemon comporte en effet trop de riffs un peu faciles, comme le refrain de « Sadistic Sex Daemon », le premier couplet de « Armageddon à l’Élysée » et surtout les intros de « Sans Complaisance » et « Romantisme Noir », bêtement rock'n'roll, suivies de riffs d'un metal un peu trop basique pour faire honneur au raffinement de Misanthrope. Le groupe essaye d'être un peu trop brutal avec « Armageddon à l’Élysée » (malgré son superbe solo de basse central), « Grand Démonologue » ou « Sans Complaisance », et c'est beaucoup moins réussi que ne le furent « Le Roman Noir » ou « Le Silence des Grottes » en leurs temps, eux qui arrivaient à conserver le raffinement habituel du groupe tout en étant vindicatifs. Ne possédant plus qu'un seul guitariste pour le live, Misanthrope peine encore un peu à doser la rythmique et la mélodie, comme il y arrivera parfaitement sur
Metal Hurlant en faisant de la basse le contrepoint mélodique ou rythmique de la guitare, alors que les deux sont trop souvent à l'unisson sur ce
Sadistic Sex Daemon où, heureusement, les claviers permettent de conserver la juste dose de subtilité dans la plupart des titres.
Il faut également déplorer que ne soient que corrects et un peu trop sages les morceaux « Chair Organique », « Révisionniste » et « Nouvel Enfer », qui n'atteignent pas le niveau des quelques excellentes réminiscences du passé que sont la « La Marche Des Cornus », qui est sans doute le seul titre irréprochable, « Conversation Métapsychique » ou « l'Extinction d'une Étoile », ainsi que « Bonaparte » dont le pont est un modèle de progression, malgré un refrain peut être un peu bas du front. Avec une grosse moitié d'album tout à fait correcte,
Sadistic Sex Daemon parvient tout de même à montrer un visage intéressant, et Gaël Féret montre déjà que son jeu convient parfaitement au style de Misanthrope. Anthony Scemama, qui n'avait repris la guitare que pour son audition en 2002, n'étant pas encore capable de faire de bons solos, ce sera au guest Grégory Lambert de faire preuve de tout son talent, avec notamment de très bonnes prestations sur « Révisionniste », « Bonaparte », et « l'Extinction d'une Étoile ». Si l'on ne retiendra pas
Sadistic Sex Daemon comme l'album avec les meilleurs vocaux de l'histoire de Misanthrope, S.A.S n'offre pourtant aucun motif de mécontentement, à l'exception de quelques instants où il éraille vraiment trop sa voix pour conserver son intelligibilité. C'est en fait surtout Jean-Jacques Moréac, trop rythmique et en retrait dans le mix qui, en n'offrant pas de sortie mélodique mémorable, demeure sans doute le musicien le moins en vue de l'album, malgré tout son talent.
Comme le symbole de la main de mannequin qui ornait toutes les pochettes depuis
1666... Theatre Bizarre et disparue dans un incendie, c'est un peu de l'identité du groupe qui s'est envolée avec cet album, laissant une bonne partie de son public nostalgique de l'ère où S.A.S était le seul compositeur à bord ou des productions du Fredman. En fait, avec « La Marche des Cornus », c'est sur la version anglaise, pas franchement indispensable, que l'on trouve le meilleur titre de l'album, avec un « Contemplation » tout en mélodie qui serait bien meilleur sans sa succession d'accords à 1:40... Un titre qui comme tous les autres inédits des versions internationales des albums de Misanthrope, sera présent sur une compilation, en l'occurrence
Misanthro-Thérapie, qui suffira un an plus tard à me redonner foi dans le groupe alors que je commençais à me lasser de cet album un peu trop tourné sur l'efficacité. Toutefois, comme le
Aenigma Mystica que je m'apprête à pareillement malmener,
Sadistic Sex Daemon ne mérite sans doute pas une note aussi basse, car dans le flot de médiocrité que peut connaître le metal extrême, il conserve bien des qualités que d'autres groupes n'auront jamais. Si un promo d'un obscur combo m'était tombé entre les mains en proposant un style pareil, j'aurais plutôt eu tendance à applaudir l'inventivité et la maîtrise de la mélodie. Mais venant d'un Misanthrope qui restait sur une merveilleuse trilogie suédoise et qui allait redresser la barre avec un
Metal Hurlant flamboyant en l'espace de deux années seulement, ce sixième album fait clairement figure de faux pas dans la discographie des Français. J'aurais bien dit « de lanterne rouge » il y a encore quelques mois, mais à l'heure où j'écris ces lignes ma chronique de
Aenigma Mystica est déjà achevée, et je peux vous affirmer que j'aurais presque pu la reprendre mot pour mot ici, si ce n'est qu'il m'aurait fallu en atténuer la négativité. Dix ans séparent les deux albums, et il semblerait bien que l'histoire se répète, sans que l'on puisse la réviser.
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