Misanthrope - Bâtisseur de Cathédrales : Les Fissures de l'Édifice
Chronique
Misanthrope Bâtisseur de Cathédrales : Les Fissures de l'Édifice (EP)
Misanthrope, ainsi le nomme-t-on. Mais au final, l’est-il vraiment, lui qui depuis des décennies déjà, nous abreuve, nous régale, nous envoûte, nous transporte, divisant les foules autant qu’il rassemble les esthètes en tout genre ? Ni totem, ni tabou dans leur travail magistral, mais une vision, ainsi qu’un son. A ce propos, cet intermède musical est, comme d’habitude, doté d’une production claire et organique, bien loin des tristes standards actuels lissés et édités à l’extrême, perdant en grain et en saveur ce qu’elles gagnent en puissance. La forme au détriment du fond. Au-delà de ces "détails", et encore tout récemment dans les colonnes de votre auguste webzine, ce visionnaire se faisait vilipender de la plus rébarbative manière, et les critiques ont continué à fuser, crises de l’esprit au sein même de cette communauté metal, à qui Misanthrope doit paradoxalement tout autant que ce qu’il a pu lui apporter.
C’est donc sur la scène de ce théâtre bizarre qu’est présentée la nouvelle œuvre de ce Misanthrope décidément immortel pour célébrer comme il se doit ses trente ans d’efforts au service d’un death prog’ de haute volée. L’objet est beau, tel qu’en lui-même, et sert d’écrin à un copieux menu. La track-list mélange en effet nouveautés et refontes totales, reprises et surprises parmi lesquelles une reprise, et oui !!!!, de Mylène Farmer, osée et dérangeante au premier abord, mais ma foi fort bien troussée au deuxième rabord (la chanson, pas l’interprète). Voici donc une somme conséquente et classieuse, thérapies misanthropiques et libertines offertes au commun des mortels.
« Les fissures de l’édifice », porte donc à merveille son nom puisque le groupe se met à nu et se livre, montrant sa vraie nature tout en se réinventant. Ce recueil-ci n’est point, loin s’en faut, le travail de faquins ou d’épaves, mais le fruit d’un travail de qualité et d’emphase irrémédiable. Ainsi le morceau-titre, mise à jour du « Bâtisseur De Cathédrales » ouvre le bal, et s’offre avec une entame rythmique presque jouissive ; ce titre bénéficie d’ailleurs d’une vidéo (réalisée par William Vagenhauer, pour ceux que cela intéresse). « Et Ainsi Le Lotus », tirée du tout premier album du groupe, est lui aussi présenté en version ré-enregistrée. Pour la petite histoire, précisons ici que ce morceau fut à l’origine composé par S.A.S. de l’Argilière lui même ; et puisque l’on parle de notre maitre de cérémonie, disons le tout net : il n’aura jamais aussi bien chanté que sur l’ensemble du disque. Il use sans vergogne de toute sa palette vocale avec talent : les growls se mêlent à la voix claire, et les vocaux « pleurés » - spécificité de Son Altesse – sont le répons de ses hurlements (sur la fin de chaque refrain de « Deconstruction Méthodique De la Terre » par exemple). Les solis se taillent également la part du lion tel sur « Deconstruction…encore lui, à partir de 3,56), tandis que la section rythmique bâtit un mur sonore sur le morceau-titre, avant d’être rejoint par la descente de manche d’Anthony Scemana.
Les reprises, enfin les autres (comprendre hors rouquine), puisqu’elles font aussi partie intégrante du projet, se mêlent admirablement à ce flot de metal hurlant. Ecoutez « Sacrifice », de la Tête De Moteur (dans une version en bon françois), puis le « Fléau de dieu » d’ADX, avec sa fin inattendue. Offrant plus de cinquante-cinq minutes de (chant)son, cet ep présente également, dans sa forme grand public, 10 pistes en version mp3 ou audiophile (selon la version achetée), dont des titres live issus d’un concert à Clamart. Citons parmi ceux-ci « L’Ecume Des Chouans », « Théologie Du Misanthrope », ou encore « La Bonté Du Roi Pour Son Peuple » tirée d’Enigma Mystica. Misanthrope se dévoile ici comme jamais, dressant un bilan de sa déjà longue carrière, tout en posant un jalon pour la suite de sa prolifique discographie.
Evidemment, le coté bâtard de l’objet ne s’adressera qu’à ceux connaissant déjà le groupe et son œuvre, la succession d’anciennes et nouvelles versions, de reprises, de live, pouvant rebuter le néophyte ou l’avare, regrettant déjà l’achat d’une compilation qui pourtant n’en est pas une. Pour les autres, procurez-vous vite cette nouvelle page de son magistère car il n’y en aura pas pour tout le monde !
Misanthrope, ainsi le nomme-t-on. Mais ce Misanthrope-là, à l’instar de Satan, nous prouve ici qu’il aime l’homme et ses travers.
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