Le metal est une grande famille. Oui, je sais c'est un cliché éculé, mais avouez qu'il y a du vrai car on ne choisit pas plus sa famille que ses congénères metalleux, et on se surprend à considérer les fans de neo metal comme on considèrerait un petit cousin éloigné en échec scolaire. On s'en tape mais ça fait tache au dîner de famille. Alors que le musicien vétéran dont on admire le travail serait plutôt ce grand oncle dont on cherche l'approbation et avec lequel on reprend volontiers du champomy au digestif en lui demandant des nouvelles. Le fait est qu'on se connaît presque tous plus ou moins, et quand comme moi on a la chance d'avoir une modeste renommée virtuelle mais qu'on peut encore aller tranquillement à un concert sans se faire reconnaître par des cohortes de fans aigris, on choisit avec parcimonie le moment de révéler aux yeux du monde que « c'est moi le mec qui ai mis 4/10 à ton dernier album, je te paye un lait fraise avec l'argent que j'ai économisé en ne l'achetant pas ? ». Pour Philippe, fondateur de Misanthrope, présent derrière le stand Holy Records/EMP qu'on retrouve dans tous les festivals de la Corrèze à la Picardie, j'ai toujours gardé la casquette du fan respectueux et intimidé à l'idée de contrarier le géniteur du génial
Visionnaire, de peur qu'il veuille un jour me lancer des cailloux pour avoir dit que le second Argile est moins bon que le premier. Et qu'il me pardonne pour cette grossière erreur qu'il m'a soulignée par mail, puisqu'en effet Krakkbrain n'avait pas encore splitté en 1993,
Innercut étant sorti en 1994, en même temps que le
Miracles : Totem Taboo dont vous lisez la chronique en ce moment même. Et pour la petite histoire, la BC Rich rouge d'un certain Jean-Baptiste Boitel, futur guitariste de Misanthrope, fût utilisée par S.A.S. pour l'enregistrement de cette compilation. Une grande famille, disais-je.
Miracles : Totem Taboo n'est donc pas tout à fait le second album de Misanthrope, même s'il en a fortement l'air et que son écoute ne fait pas penser à une compilation, format que le groupe affectionne en proposant beaucoup d'inédits et quelques très intéressantes versions alternatives. Sur un concept d'érotisme très courant chez Misanthrope, cette compilation se divise en trois phases dites Miracles, qui contrairement à la logique commune vont du plus récent au plus ancien, de 1994 à 1992. Les deux premiers Miracles furent enregistrés avec le même line-up que
Variation On Inductive Theories, donc les frères Moréac et la superbe basse de Jean-Jacques qui continue de surnager dans d'excellents titres comme « Standing At The Galaxy » ou « L’Érotique Courtoise », alors que le dernier Miracle est un reliquat d'un précédent line-up, avec quatre titres enregistrés en Allemagne en 1992, et qui permettent de se rendre compte des progrès accomplis. Car tout comme le premier album reprenait la thématique de la démo de 1989
Inductive Theories, la troisième partie regroupe des titres composés plusieurs années auparavant (jusqu'à 1989), puis réarrangés et retravaillés, mais qui accusent nettement le poids des ans par rapport aux deux premiers Miracles. Ce ne sont de toute façon pas ces titres qui font l'intérêt de cette compilation, ils ne sont là que pour l'histoire, et dès le gloomy remix de « La Démiruge », franchement spécial et nettement en dessous de l'original, la qualité de
Miracles : Totem Taboo décline fortement.
Ce sont bien pour les morceaux les plus récents que l'on écoutera cette deuxième sortie majeure de Misanthrope, notamment un de ses titres passé à la postérité « L’Érotique Courtoise » presque entièrement chanté en voix claire, préfigure en partie ce que sera l'excellence de
1666... Theatre Bizarre, sans pour autant en avoir l'éclat ni l'étoffe. Sa version deux fois plus courte présente sur la seconde compilation du groupe,
Recueil d''Écueils, aura le mérite d'aller à l'essentiel en ne conservant que l'excellent riff d'intro et le pont central, agrémentés de nouvelles lignes de guitare et de claviers qui sublimeront un titre qui se disperse un peu trop dans sa version originale. C'est surtout la voix de S.A.S. qui varie et module parfois jusqu'à l'outrance qui se fera ringardiser par sa version la plus récente, aux vocaux uniquement death metal, sans pour autant que l'on n'écoute l'originale avec plaisir car il possède ce charme indescriptible de l'originalité sans bornes propre aux compositions de Philippe. Malgré tout, « Standing At The Galaxy » est sans doute plus cohérent, mais le point culminant de
Miracles : Totem Taboo demeure le superbe « Maudit Sois-Tu Soleil ! », qui est la version acoustique de « Aquarium », et dont les accords portent la voix de S.A.S. qui trouve enfin la plénitude de son agressivité au moment d'en prononcer le titre. Voilà enfin le visage du Misanthrope pointilleux, soucieux du détail et qui multiplie des mélodies en une parfaite osmose, que l'on retrouvera avec bonheur dès le second album.
Dès lors la musique de Misanthrope ne cessera de se complexifier, de s'enrichir tant du point de vue harmonique que structurel, et le groupe entrera dans sa période la plus atypique et expérimentale avec
1666... Theatre Bizarre et
Visionnaire. Mais parallèlement au split de Krakkbrain, Charles-Henry Moréac et Ollivier Gaubert quitteront le navire, laissant pour seul rescapé aux côtés de S.A.S. le providentiel Jean-Jacques Moréac, dont l'importance dans les compositions deviendra croissante, même s'il ne prendra les rennes de l'écriture que bien plus tard. Le meilleur de Misanthrope était sur le point de voir le jour, et ce n'est sans doute pas
Miracles : Totem Taboo que l'on retiendra de la carrière du groupe. Une deuxième partie plutôt anecdotique ne fera pas de cette compilation un indispensable, car en dehors de « L’Érotique Courtoise » et peut être « Maudit Sois-Tu Soleil ! » les amateurs du groupe qui n'ont pas mis la main dessus ne doivent rien en connaître. Dommage car les quatre premiers titres valent le détour, et comme pour
Variation On Inductive Theories il va falloir scruter les sites d'occasions ou faire les brocantes pour espérer le trouver. Ou alors fouillez dans la discothèque de votre grand oncle, car avec un peu de chance, votre famille a du goût.
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