Ah, le merveilleux pouvoir de la psyché humaine. Si je ne l'avais moi-même entendu et surtout lu, je ne croirais toujours pas qu'il existe véritablement des gens capables d'avoir une image aussi négative de Misanthrope. Que l'on aime pas le groupe pour des raisons musicales c'est parfaitement normal, il n'y a aucune obligation d'adhérer à la sophistication quand on écoute une musique pouvant être aussi primaire que le metal, et l'on peut de la même manière n'aimer ni la voix ni les textes d'un S.A.S au style si personnel qu'il empêchera parfois même ceux qui apprécient l'instrumentation d'écouter Misanthrope. Mais sur-interpréter à l'extrême le côté grandiloquent, ne voir dans un discours promotionnel empreint d'un second degré que même un collégien percevrait qu'un pamphlet hautain, parfois même du côté de « journalistes » ou de critiques, voilà qui confine à la bêtise la plus crasse. Peut être, avec beaucoup de mauvaise fois et un soupçon de malice, pourrait-on voir dans « Passion Millionnaire » un ancêtre du rap bling-bling qui « aime le luxe » et possède « l'amour de l'argent », faisant d'un illettré comme Booba un descendant de la plume provocatrice de S.A.S ? Un descendant qui aurait oublié d'aller au collège pour apprendre des notions aussi complexes que le rythme et la grammaire, mais tout de même, vous ne le voyez pas, ce rapport avec des gros sabots ? Non ? Mettez-y un peu du votre, que diable. De toute façon, Misanthrope peut bien se ficher de l'avis de ses détracteurs, en cette fin d'année 2000, leur cinquième album, qui clôt l'onéreuse trilogie d'enregistrement aux Fredman Studios, confirmera le succès commercial et critique du groupe. Je ne saurais vous donner les chiffres exacts, mais dans mes lointains souvenirs, il demeure à ce jour le plus vendu du groupe avec plus de dix-mille exemplaires écoulés en un rien de temps. Je l'avais lu quelque part. Ou alors je l'ai rêvé, je suis fou, et j'écris cette chronique avec les dents alors que mes mains sont enserrées dans une camisole de force. Oui, c'est sans doute ça.
Même si c'est un fait remarquable
Misanthrope Immortel ne brille pas seulement parce qu'il fût le premier véritable album du groupe à conserver l'intégralité de son précédent line-up, tout en lui ajoutant le tout jeune Franz-Xavier Boscher (oui, les prénoms composés sont un pré-requis à l'embauche), guitariste intégré avant même sa majorité et possédant un sacré bagage technique, comme ses solos le prouveront. Ce cinquième album est surtout une nouvelle prouesse musicale, une autre pierre angulaire dans la carrière d'un groupe qui possède son lot d’œuvres d'exception, et, je puis l'affirmer avec peu de risques de me tromper, l'album préféré d'une majorité des amateurs de Misanthrope. La raison en est simple : au delà des racines déjà présentes en King Diamond ou Mercyful Fate qui étaient très perceptibles dès
Variation On Inductive Theories, Misanthrope a largement laissé place au heavy metal dans des compositions exclusivement axées sur l'entrain mélodique. C'est Jean Baptiste Boitel, pourtant l'homme le plus brutal du groupe (dans ses goûts musicaux, je ne connais rien de ses passes-temps, rassurez-vous) qui est le chef d'orchestre de ce grand bouleversement, qui s'inscrit dans la continuité d'un
Libertine Humiliations dans sa dimension d'immédiateté et sa volonté d'être bien plus easy-listening que les compositions de S.A.S, encore plus en retrait depuis qu'il a délaissé la guitare. Mais là où le précédent album était peut être un peu trop facile et immédiat,
Misanthrope Immortel qui recherche avant tout la beauté mélodique, parvient à le surpasser dans l'accessibilité, sans jamais en atténuer la qualité. Harmonisations, duels de solos, structures facilement mémorisables et refrains ultra-efficaces assurent à ce cinquième opus l'adhésion de la plupart des amateurs de belles mélodies, entre un heavy extrême et un death mélodique noyé sous les orchestrations. Car oui, contrairement à
Libertine Humiliations où il se faisait discret, le clavier retrouve une place prépondérante dans les compositions, apportant avec ce son un peu kitsch si caractéristique une touche de lumière supplémentaire à des phrases dont il est parfois le principal instigateur mélodique. Il arrive même fréquemment qu'il se mue en clavecin, achevant d'apporter un côté classieux à des compositions qui ne sont parfois pas sans évoquer la musique de chambre, version metal extrême.
Et c'est bien le meilleur de la nouvelle ère de Misanthrope qui est proposé ici avec, comme pour chacune de ses meilleures œuvres, une constance admirable dans la qualité d'un titre à l'autre. Aucun titre ne se fait tache, et j'ai envie de tous les citer pour en louer les qualités respectives, puisqu'ils renferment tous plusieurs riffs admirables. Depuis un « Eden Massacre » très direct composé par Alexis Phélipot jusqu'à un « Passion Millionnaire » aux paroles décadentes hurlées sur un rythme d'un rare entrain rare, tous ont leur spécificité et leur éclat, même si la postérité retiendra surtout le mythique « Les Empereurs du Néant » et sa fameuse pelle du chaos. À moins que ce ne soit l'appel du chaos, un doute m'assaille. Je vais reprendre des pilules de grenouille séchée. Bref, un formidable album dont les mélodies, ni suaves ni trop complexes, réussissent à faire mouche à tous les coups, car Misanthrope, même en ayant changé de compositeur principal, n'a rien perdu de son riffing si personnel. Si personnellement je lui préfère d'une courte tête les élans techno-thrash de
Metal Hurlant, ce feeling heavy-metal savoureux ne peut me laisser indifférent, étant extrêmement proche des styles de Helloween et Control Denied (l'influence de Schuldiner planant depuis longtemps sur Misanthrope), en bien plus brutal évidemment. Mention spéciale toutefois au superbe mid-tempo « Nuit Androgyne » et son intro à l'ambiance tamisée du plus bel effet, où le chant de S.A.S s'exprime de nouveau pleinement, après un
Libertine Humiliations trop exclusivement agressif.
Nettement meilleur que son prédécesseur
Misanthrope Immortel séduit par sa cohérence et son absence totale de faiblesse, et même s'il lui manque la spontanéité et la recherche de la surprise qui font de
Visionnaire le seul album parfait de Misanthrope, il n'en demeure pas moins un très, très grand album de metal extrême, funambule à la jonction du heavy et du death metal, sans même que l'on n'ait soupçonné qu'elle puisse exister. Si certains arrangements sont peut être un peu ostentatoires, ils collent à merveille à une multitude de concepts parfois légèrement outranciers une fois encore élaborés avec minutie par un S.A.S en grande forme. Une autre tournée à succès suivra dès le début de l'année 2001, avant que S.A.S et Jean-Jacques Moréac ne finalisent le premier album d'Argile l'année suivante, alors que Misanthrope était au bord du split, ne laissant que ce duo historique et un Jean Baptiste Boitel toujours présent mais qui ne s'impliquerait plus que dans la production et la composition. C'est la fin de l'ère faste du groupe, et la lassitude gagne des musiciens usés par la sortie de cinq albums et deux compilations en sept petites années seulement... Si une bonne partie de leur public est demeuré nostalgique de cette période d'opulence musicale et d'omniprésence médiatique, Misanthrope a dû changer de visage et transformer ses habitudes (moins d'albums, plus de lives) pour pouvoir survivre et garder l'inspiration. Le public du groupe s'est logiquement moins renouvelé, pratiquement jusqu'au tarissement, s'étant fait trop rare une fois arrivé le nouveau millénaire pour entraîner l'effet boule-de-neige qui permet aujourd'hui à tout bon manager de faire la promotion de sa nouvelle signature en affichant fièrement le nombre de « likes » sur facebook. Pourtant le public de Misanthrope est loin de n'être composé que de vieux cons, je peux vous l'affirmer, moi qui vous écrit depuis mon Atari ST flambant neuf. Enfin, je crois. Je ne sais plus. J'ai peut être confondu mes pilules avec le traitement pour ma prostate.
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