Peut être n'êtes-vous pas au courant qu'en ce moment même la presse vidéo-ludique se remet à peine d'un gros déballage de linge sale en famille appelé le Doritosgate, un peu comme le Watergate mais avec des gâteaux apéritifs et un journaliste qui doit se taper le dernier Call Of Duty à la place de Nixon. Bref, le monde de la critique est en émoi car certains sont sincèrement outrés de la collusion qui existe entre le métier de journaliste critique et le monde des gros éditeurs de jeu vidéo, qui payent des voyages et offrent même de gros chèques à ceux qui se montrent les critiques les plus dociles avec leurs produits. C'est qu'un metascore en dessous de 80 représenterait un gros manque à gagner, semblerait-il, et en s'assurant de rendre les journalistes heureux, les éditeurs s'assureraient du même coup de gros revenus grâce aux gogos qui prennent encore la critique pour argent comptant. Tout ça pour vous dire que même si je ne suis pas, loin de là, journaliste de profession, et que même le Chaulnes Metal Fest ne veut pas me payer le plein pour aller en Picardie, moi aussi j'ai le droit à de vrais avantages en nature : des mp3 et des entrées gratuites en concert, qui m'obligent souvent à remplir mon contrat moral en m'infligeant les lamentables premières parties assurées par le groupe de thrash/death local. Parfois même, j'ai su garder de bons rapports avec « le milieu » du metal extrême, et surtout avec mon Don Corleone préféré, Philippe Courtois de l'Argilière, que l'admiration pour son talent m'avait poussé à rencontrer avant même de rejoindre Thrashocore. Et ces trois dernières années, les discussions ont surtout tourné autour du successeur tant attendu d'un
IrréméDIABLE sorti il y a cinq ans, de loin le plus long hiatus entre deux sorties de Misanthrope. Entre deux aveux de ras-le-bol devant un enregistrement et une production qui se sont éternisés pendant presque deux années, il m'a laissé entrevoir l'espoir d'un promo quelconque, même si je supposais que la fusion de Holy Records au groupe EMP et la quasi-cessation de leur activité de label depuis l'excellent second album de Ufych Sormeer allait signifier que je devrais attendre la sortie de
Aenigma Mystica pour poser mes oreilles dessus, comme tout le monde. J'étais donc ravi quand j'ai reçu le véritable album en boîtier cristal, dédicacé comme quasiment tout le reste de ma collection presque complète de Misanthrope, avec des mois d'avance sur le consommateur qui aura dépensé son argent pour l'écouter. Je n'ai pas mis 10/10 à
Visionnaire pour rien, après tout, devez-vous penser. Et bien, je dois pourtant l'avouer, même si cet exemplaire de
Aenigma Mystica est le meilleur promo que j'ai pu recevoir en un lustre d'exercice, je m'apprête une nouvelle fois à déverser mon fiel amer sur un groupe que pourtant j'adore. Car non, le prix d'un album est loin de pouvoir acheter ma conscience de critique intègre. À partir de dix cds je ne dis pas, mais un seul c'est loin d'être suffisant.
Avant même de recevoir l'album, j'avais pu assister en juillet lors du festival Tous à la Brie (non, ce jeu de mots n'est pas de moi) à un très bon concert de Misanthrope, comme à l'accoutumée, mais dont la set-list comportait deux nouveaux titres. Et croyez-moi, lorsque j'ai entendu pour la première fois « La Bonté du Roi pour son Peuple » avec sa rythmique rock, son feeling gras et son absence désespérante de toute note un tant soit peu haute dans le spectre sonore, j'ai tiré la gueule comme jamais. Pourquoi ? Qu'est-il arrivé au Misanthrope que j'aime ? Aurait-il persévéré dans l'odieuse voie de « L'oracle de la Déchéance » qui clôturait fort mal le précédent album ? Heureusement le second inédit du concert, « Lycaon (Omophagie Communiante) » me rassurait un peu sur le potentiel de l'offrande à venir, mais je ne pouvais m'empêcher de penser que le riffing de ce qui s'avèrera le titre le plus techno-thrash de l'album n'était en définitive que correct. Correct. C'est exactement le mot que j'emploierais pour qualifier ce nouvel opus : pas mauvais, certainement pas bon, tout juste correct en définitive. Et quand je parle de Misanthrope en ces termes, c'est définitivement qu'il y a un problème quelque part.
Pourtant je le sais, la dans sa globalité critique sera comme d'habitude élogieuse, en dehors de deux ou trois énergumènes qui lui trouveront tous les défauts du monde – regardez donc à droite dans la rubrique « webzines » qui recense toutes les notes, je suis sans doute parmi les plus basses. Car voyez-vous, pour certains, Misanthrope c'est génial parce que c'est original et que son style ne ressemble à aucun autre, ou bien Misanthrope c'est super nul parce que c'est tellement original qu'on n'y retrouve pas ses repères habituels. Certainement pas. Misanthrope peut conserver une grande partie de son identité et se planter sur plusieurs titres, et c'est exactement ce qui arrive ici : j'ai beau reconnaître la patte du groupe immédiatement, je ne peux m'empêcher de penser qu'il manque assez souvent un gros travail d'arrangement sur les riffs franchement plats qui parsèment un bon tiers de
Aenigma Mystica. Même en appréciant dans sa globalité un titre comme « Lycaon (Omophagie Communiante) », je ne peux me débarrasser de l'impression qu'il a été composé exclusivement pour le live, et ça c'est très embêtant, car Misanthrope perd en chemin quelques dimensions qui faisaient sa richesse, notamment la deuxième guitare ou les claviers, rappelant les premières heures du groupe où les arrangements étaient réduits à leur strict minimum. C'est d'ailleurs surtout le début de l'album qui convainc peu, malgré la présence de l'excellent « Forces Conspiratrices », la complexité des titres allant croissante avant de se terminer sur le titre éponyme de l'album – ou peut être l'inverse – dont la plupart des riffs sont très bons, sauf malheureusement un refrain banal à en pleurer (Ae-ni-gma — Mys-ti-ca — trans-fi-gure --- l'o-mé-ga, avec un accord sur chaque temps – et non, je ne plaisante pas, c'est d'ailleurs le seul placement vocal raté de l'album). Ces quelques instants un peu médiocres se font oublier en comparaison des naufrages que sont « l'Arborescence du Lys », et « La Bonté du Roi pour son Peuple », des titres au rythme simpliste complètement rock, sans aucune mélodie valable ni d'ailleurs aucun essai d'en proposer une. Alors qu'un riff un peu facile et efficace a tout à fait sa place de temps dans les compositions du Misanthrope du vingt-et-unième siècle, à condition d'évoluer ou de se faire discret sous trois couches d'arrangements (citons par exemple « Les Limbes »),
Aenigma Mystica propose plus que de raison ces gentils accords simplistes, sans rien d'autre pour les compléter et essayer de les embellir. Sans être véritablement mauvais, ce premier album malheureusement tiède de Misanthrope comporte d'autres titres fades ou trop contrastés pour être vraiment bons, comme « Charmantes Castratrices », le titre d'ouverture qui ne semble jamais décoller, ou bien un « Gigantomachie » qui, ne cessant de blaster que pour laisser place à un riff sans saveur, tombe dans le même travers que « Grand Démonologue », la mélodie en moins.
La principale raison de ce manque de mélodie n'est pas à chercher très loin, il manque tout simplement une guitare lead sur les trois quarts des riffs que je blâme (elle demeure présente lors des bons moments, sur « Nouvelle Parole » par exemple), et même si deux pistes de guitares ont bien été enregistrées, elles se cantonnent pratiquement toujours à un rôle rythmique, en dehors bien entendu des solos, au passage souvent assez faibles comparés aux précédents essais d'Anthony Scemama. C'est certes voulu afin de ressembler au Misanthrope live, mais je ne peux m'empêcher de faire remarquer que le Misanthrope que j'adore voir en live arrive à réaliser la prouesse de jouer « Bâtisseur de Cathédrale » et « l’Écume des Chouans », deux titres où les deux pistes de guitare sont parfaitement distinctes, sans pour autant évacuer tout l'aspect mélodique. Vous vous en doutez donc sûrement, Misanthrope avec une seule guitare sur album, c'est un peu comme Adriana Karembeu avec une seule jambe : ça reste en partie agréable à contempler, mais ça ne tient debout sur la durée qu'avec du soutien. Un soutien bien présent sur le très bon
IrréméDIABLE, où malgré une seule piste de guitare, certes bien plus mélodique que sur ce nouvel album, la basse et le clavier suffisaient largement à compenser le manque d'une deuxième guitare pour faire écho au rôle de lead ou de rythmique de la première. On notera d'ailleurs la récurrence de l'absence du clavier, qui apporte pourtant l'indispensable mélodie sur les très bons titres « Forces Conspiratrices » et « Desponsation », qui sont pratiquement du niveau de ceux de
IrréméDIABLE avec lesquels ils partagent la construction, deux pistes de guitare et surtout, donc, ce clavier discret qui rehausse leur intérêt, même s'ils sont bien moins rapides que la plupart des titres de l'album de 2008. Mais il faut bien entendu préciser que tout n'est pas à jeter sur
Aenigma Mystica, la plupart des titres renfermant quelques bons riffs qu'on appréciera véritablement d'écouter sans retenue, avec pour parfaites illustrations « Nouvelle Parole », « Suis-je Misandre » et « Lycaon », sans toutefois qu'ils soient suffisamment forts pour les saluer sans réserve dans leur ensemble. Je ne peux m'empêcher de noter que l'introduction et le final de « Nouvelle Parole » sont assez poussifs alors que le reste est plutôt agréable, que « Suis-je Misandre » a un feeling trop lourd lors de son intro, son solo et après 3:25, même s'il renferme sans doute le meilleur enchaînement de tout l'album entre son très bon refrain et un pont lumineux assez proche des mélodies du Misanthrope de la fin des années 90, et qu'enfin « Lycaon », malgré de bons riffs, ne retrouve pas l'énergie de
Metal Hurlant car il manque la dynamique qu'une deuxième guitare aurait parfaitement pu apporter. Évidemment, il aurait été difficile à rejouer en live, mais écoute t-on un album de Misanthrope comme on écouterait un live, avec ses limitations et son immédiateté ? Tout dépend, en définitive, de la conception que vous vous faites du groupe. Si l'aspect groovy de
Sadistic Sex Daemon ne vous déplait pas, que vous n'avez jamais imaginé ce qu'aurait pu donner « Romantisme Noir » sans son intro rock'n'roll, alors
Aenigma Mystica est fait pour vous, et vous ne partagerez sans doute pas mon point de vue. Pour les autres, préparez-vous à ce cruel châtiment : retrouver la joie de la beauté de certains riffs de Misanthrope, et le dépit d'entendre trop de riffs groovy, aux accents rock trop simples pour oublier l'orfèvrerie mélodique de
Misanthrope Immortel ou la complexité virevoltante de
Metal Hurlant.
Outre une excellente production, sur laquelle je ne m'attarderai pas puisqu'elle n'est pratiquement pas sujette à critique, les seuls points sans reproche sont le chant de S.A.S, agréablement varié, fidèle à lui-même et qui possède un meilleur rythme que sur
IrréméDIABLE où il était parfois dans l'excès, et le jeu de Gaël Féret, à la fois puissant et sobre, qui n'hésite pas à varier et apporter de belles subtilités, comme sur « Lycaon » et surtout « Suis-je Misandre » où il porte toute la dynamique d'un très bon refrain, mis en lumière par un S.A.S en grande forme. Ce ne sont malheureusement que de maigres motifs de satisfaction, car le travail trop pauvre des guitares, une basse inhabituellement sobre, d'ailleurs pratiquement toujours en retrait dans un registre quasi-exclusivement rythmique, et une absence presque totale d'arrangements donnent l'impression d'un album de Misanthrope à moitié achevé, un peu comme un « l’Écume des Chouans » qui n'aurait pas de guitare lead. C'est bien la première fois que je peux reprocher à Misanthrope un manque de finitions, d'autant plus que ces lacunes confinent parfois à une pauvreté mélodique complètement aberrante au regard de l'histoire d'un groupe qui avait su se démarquer justement grâce à son travail mélodique acharné... Entre des solos de guitare loin d'être épatants et des riffs tout plats avec un son qui sent la modélisation à trois kilomètres, c'est surtout Anthony Scemama qui fait le plus pâle figure sur
Aenigma Mystica, même si c'est sans doute Jean-Jacques Moréac, étant depuis dix ans le principal compositeur, qui est le plus à blâmer pour une direction artistique, si ce n'est déficiente, au moins suffisamment bizarre pour laisser bon nombre de fans habituels sur le carreau. Mais qu'importe puisque cet album est une œuvre collective et n'est pas loin d'être un ratage collectif – il le serait assurément sans quelques très bons titres et une science du riff qui fait mouche qu'on entrevoit sur la plupart des morceaux. Là où quelques amateurs du groupe ayant commencé l'époque de
Libertine Humiliations et
Immortel avaient craché dans la soupe au prétexte que Misanthrope s'éloignait sur ses dernières productions de l'aspect efficace et linéaire de ces années là en revenant à des mid-tempos plus audacieux et des structures plus complexes, comme sur le formidable
Metal Hurlant, c'est moi cette fois-ci qui commencerai à me fâcher tout rouge en entendant un résultat loin d'être à la hauteurs de mes espérances d'audace et d'originalité, ou même du niveau mélodique d'un
Sadistic Sex Daemon qui se voit démis de son titre de lanterne rouge, puisque sans être moins bon dans son ensemble, « La Bonté du Roi pour son Peuple » et « l'Arborescence du Lys » font pencher la balance en sa défaveur.
Évidemment, ce constat un peu amer ne vaut que parce que j'attends énormément de Misanthrope ; comme d'habitude cet album reste bon, dans l'absolu du metal extrême générique qui n'a ni la vision ni l'originalité des Français. S'il esquive le statut de piètre album grâce à cinq titres qui s'écoutent bien sans briller, et à deux autres qui sont du niveau que j'attendais (« Forces Conspiratrices » et « Desponsation »)
Aenigma Mystica a presque tout d'une déception. Pas la plus amère qui soit, pas la plus démotivante car je ne doute pas que le prochain album puisse relever le niveau et j'ai pu constater que « Lycaon » s'intégrait correctement à leur set-list (à l'inverse de « La Bonté du Roi pour son Peuple » qui est une purge innommable), mais tout de même une déception suffisante pour que l'on puisse se demander ce qui est passé par la tête de ces musiciens qui ont pourtant une carrière exemplaire. Est-ce la volonté de revenir à une formule plus basique (et oserais-je dire, dans l'ère du temps) pour plaire un public jeune qui n'a jamais entendu parler d'eux en cinq ans ? Je ne les pense pas assez calculateurs pour ça, et je sais même que l'aspect plus efficace et groovy est volontaire et assumé, non pas pour se faire apprécier du fan de metal moyen (dans tous les sens du terme), mais parce que c'est un feeling proche des grands ancêtres du metal, tels Celtic Frost ou Metallica. Est-ce le syndrome qui veut que l'album de Misanthrope suivant la sortie d'un album d'Argile soit un peu plus bas du front que les autres ? Il est vrai qu'à l'instar de
Sadistic Sex Daemon, ce nouvel opus manque cruellement d'étoffe mélodique et joue trop la carte de l'efficacité, en tombant en plus dans ce travers de simplisme à la Celtic Frost des mauvais jours qui m'avait déjà déplu sur certains moments de
Monumental Monolith. Et même si ma bonne relation avec S.A.S risque d'en prendre un coup, lui qui m'avait déjà reproché de dire que le second Argile était moins bon que le premier, je me dois de faire part de cette déception en occultant tout cet aspect extra-musical et ne retenir que mon avis sur ces douze titres à la qualité contrastée. Mais comme je ne suis pas non plus tout à fait un ingrat, j'achèterai la version limitée contenant un cd supplémentaire de douze titres, avec entre autres des versions anglaises de nouveaux et d'anciens titres (notamment l'excellent « l'Exaltation de la Croix »), ainsi qu'un DVD avec un clip, un making-of et un live de huit titres, car je sais aussi d'expérience que les versions limitées de Misanthrope sont non seulement de magnifiques objets mais comportent en plus quelques bonus véritablement intéressants. Je vous en reparlerai en temps voulu, mais je vous conseille de toute façon d'essayer de tenter l'aventure
Aenigma Mystica, il y a de fortes chances, si vous aimez Misanthrope, que vous soyez moins réfractaire que moi à ce gros tiers d'album fadasse, et puis il restera toujours au moins cette quarantaine de minutes de qualité, qui sans tutoyer les sommets d'un
Visionnaire ou d'un
Metal Hurlant, justifie à elle seule qu'on lui laisse sa chance – et justifiera que je lui mette deux tiers de la note que j'aurais aimé lui mettre. Avec un peu de patience et plusieurs écoutes, j'ai réussi à trouver de l'intérêt à un album dont les premières écoutes ont été très laborieuses, et même à apprécier des titres que je trouvais un peu timides comme « Suis-je Misandre » et « Les Ombres de Dante », c'est bien le signe qu'il possède de véritables qualités, même si ceux qui ont consommé le divorce avec Misanthrope il y a plusieurs années n'y trouveront que peu de motifs de satisfaction. Et moi de toute façon je ne trouve de satisfaction que dans les Doritos. C'est délicieux les Doritos. Mangez-en.
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