Un EP a pour but "d'échauffer" l'audience avant un album complet. Montrer à la plèbe ce dont on est capable, avant de définitivement faire cracher la poudre sur un full-length. Elizabeth a parfaitement saisi ce concept, puisqu'à peine un an après l'excellent
"Where Vultures Land", le groupe remet le couvert avec "Insomnia", sorti chez Throatruiner - pour ceux du fond qui n'auraient pas suivi, un des meilleurs labels français pour tout ce qui touche au Hardcore sombre. Un EP qui affirme leur style, le tabassage en règle à base d'un Hardcore frénétique coupé à des plans Crust bien sentis, dans des compositions aussi courtes qu'intenses.
"Where Vultures Land", en une vingtaine de minute, montrait déjà un fort potentiel - à peine handicapé par un son qui, à mon sens, ne rendait pas franchement justice à la puissance de feu des compositions. "Insomnia" corrige ce léger écart, en confiant l'enregistrement et le mixage à Raphaël Bovey, le batteur de Krüger. Travail remarquable, puisque le rendu est véritablement massif. Les guitares forment un mur très compact, écrasant de puissance, la basse est bien mixée (ce riff frénétique sur l'ouverture de "Cemetery Feelings", bon sang !). La batterie, véritable épine dorsale des compositions du groupe, est correctement mixée à l'ensemble : ni trop en avant, ni trop en arrière, évitant ainsi un rendu bordellique qui aurait desservi l'EP plus qu'autre chose. Je regrette juste un peu le timbre "métallique" et très sec de la caisse claire utilisée sur
"Where Vultures Land", remplacée par un son sans écho, sans saveur, somme toute assez générique.
Malgré cette petite considération personnelle, je dois reconnaître que le côté très chaotique (quasi-systématique quand on parle des poulains de l'écurie Throatruiner, qui s'en est fait une marque de fabrique) du groupe se trouve réellement transcendé par le boulot accompli sur le mixage. Alors, hormis la production, qu'est-ce qu'Elizabeth a bien pu changer dans sa recette ?
Ma foi, pas grand chose. Le spectre du grand Converge est toujours aussi perceptible, planant sur l'ensemble de l'opus, parfois vraiment présent, comme sur le premier titre, où encore dans les cassures de rythme (très efficaces) de "Ravens". L'artwork est toujours aussi moche. Celui de
"Where Vultures Land" brillait déjà par un mauvais goût exceptionnel (pochette signée par un ancien de Pleymo, comme quoi...), mais "Insomnia" réussit la prouesse de faire encore plus fort - Elizabeth aurait du continuer dans la logique de l'emprunt chez Converge pour nous sortir une pochette digne de Jacob Bannon. Moi qui ait l'habitude d'acheter certains disques en fonction de leur jaquette, celui-ci n'aurait probablement jamais atterri dans mon étagère. Plaisanterie mise à part, Elizabeth ne se cantonne cependant pas à de la repompe pure et simple, et heureusement. Cette envie de tout réduire en cendres prend relief sur "Danger", ce blast-beat très carré et ce riff massif que n'auraient pas renié les fous-furieux de chez Kickback. Les (rares) instants de répit accordés à l'auditeur n'en sont pas réellement, puisqu'à aucun moment la batterie ne marque de pause : le rythme effréné se fait quasi-constant, même quand les guitares cessent le riffing en bloc pour se concentrer sur des petits arpèges ("Ravens'). Malgré tout, ces petites nuances viennent casser la dynamique de "Insomnia", lui évitant ainsi de n'être qu'un matraquage permanent - risquant d'en lasser plus d'un au fil des écoutes, format court ou pas.
En huit minutes, l'entité Elizabeth montre ce qu'elle a dans le bide. "Insomnia" est une déflagration aussi courte qu'efficace, un brûlot sans aucun temps mort, un EP servi par une production aux petits oignons et des musiciens qui savent faire cracher leurs instruments. Pour les sceptiques, voilà qui devrait vous rassurer quant à la teneur de leur prochaine sortie, que j'espère aussi massive que ce (trop) bref aperçu.
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