Sur le papier, un split 7 inch peut s’apparenter à un concours de bite, chaque groupe en présence essayant de prouver sa supériorité sur l’autre, un exercice de confrontation en somme. Cependant, mettre en opposition deux monstres de violence que sont Incendiary et Xibalba peut facilement tourner au drame. Pour vous donner une idée, on se rapproche d’un duel au sommet entre King Kong et Godzilla qui ferait saliver n’importe quel amateur d’haltérophilie. Le problème dans ces cas-là, et tous ceux ayant déjà visionné un film d’une des franchises sus-citées le savent, c’est que deux entités pareilles sont difficilement contrôlables et finissent inévitablement par faire plus de ravages autour d’eux qu’autre chose – matière à réfléchir quand on connaît l'archétype du fan de Xibalba.
Idée donc risquée pour notre santé qu’a eu Closed Casket Activites de nous offrir ce split façon « coast to coast » réunissant Incendiary venant de Long Island, NY et les basanés Xibalba de Pomona, CA. Coincé au milieu d’une embrouille entre deux poids lourds de la scène hardcore actuelle, impossible de passer au travers des coups mon gars, mieux vaut se faire à l’idée avant que la cloche ne sonne le début des hostilités. Signe avant-coureur, la pochette annonce qu’il n’y aura pas de pitié à l’écoute des 4 salves, les deux protagonistes étant adeptes de la crucifixion au marteau-piqueur. Un rapide coup d’œil à la tracklist achèvera froidement tout espoir de repentance.
C’est Incendiary qui monte le premier sur le ring pour envoyer un enchaînement de deux pistes inédites (elles ne seront d’ailleurs pas réutilisées pour l’album suivant), « Survival » se trouvant être une parfaite entrée en matière. Le groupe a le coup de poing pour les introductions qui font monter la sauce et le prouve ici, avant que Brendan Garone n’attaque directement au corps en lâchant la bombe vocale « I struggle to survive! ». Voilà, en une phrase le chanteur des New Yorkais résume l’esprit de ce split, à laquelle on pourrait ajouter « I never forgive and I never forget! » qui lance la mosh part finale sur ce même morceau. A noter que le brailleur de Dead End Path vient en renfort à mi-titre sur une partie qui tabasse excessivement, armé d’un timbre vocal bien plus éraillé. Si l’on devait décrire la musique d’Incendiary en comparaison à l’une des sales bestioles dont je parlais plus haut, le choix se porterait sur Godzilla. Qu’on se le dise, entre la voix et la production Incendiary crache du feu (tiens donc), comme le gros lézard. Ajoutons à ça des riffs qui savent se faire tortueux – voire insidieux – entre les bourre-pifs distribués à tout-va, et voilà le rapprochement avec l’origine reptilienne du monstre à écailles. Dans l’ensemble, le style pratiqué se rapproche d’un Earth Crisis, Indecision ou du premier album de Snapcase pour la rythmique rigoureuse et placée bien avant – hardcore new school en provenance de New York et ses alentours pour faire simple.
Les californiens de Xibalba font aussi dans le hardcore bœuf certifié AOC élevé en plein air, mais n’utilisent pas les mêmes techniques de combat ancestrales que leur adversaire de l’Est. Si Incendiary est Godzilla, difficile de faire meilleure représentation de King Kong que Xibalba : un gorille sous stéroïdes qui frappe de façon démonstrative sur son torse proéminent pour effrayer ceux convoitant sa place de mâle Alpha. Ce qui rend ces latinos si attrayants c’est leur capacité à mélanger le beatdown le plus ignorant – Bulldoze en tête – avec des influences metal variées, allant de la pachydermie de Crowbar, voire Disma, à l’ambiance froide des premiers Obituary. Vous l’aurez compris à l’énonciation de ces noms, la lourdeur est de mise avec un son de guitare/basse qui traîne plus bas que terre. Que Xibalba laisse sonner ses notes funéraires ou bastonne la tronche avec des riffs purement beatdown, l’atmosphère est étouffante et ne laisse aucun moment de répit à l’auditeur. Les syncopes lors des 40 dernières secondes de « Fuck You Pelón » sont de véritables rouleaux compresseurs, tout comme l’entame plus rapide du titre est une injonction à fendre des crânes. Le chant de Nate Rebolledo est viril à souhait, les poumons gorgés de haine, cela même lorsqu’il passe en espagnol sur les premières mesures du second morceau pour cracher sa rage… « Mira hijo de puta, no me digas que no pertenezco ». La piste « Stone Heart » sera d’ailleurs réenregistrée quelques mois plus tard pour la sortie du deuxième longue-durée du groupe, bénéficiant d’une production encore plus imposante.
Une fois l'écoute terminée, l'heure est à l'évaluation des dégâts matériels résultant de l'affrontement des deux mastodontes. Bilan final : quelques cocards et contusions récoltés dans le pit du côté du public, et la confirmation des succès à venir pour Xibalba et Incendiary avec leurs albums suivants. Le premier entame sa mutation vers le beatdoom de chambre mortuaire qui aboutira sur le terrifiant
Hasta La Muerte, tandis que le second perfectionne son style tout en furie émeutière jusqu'à la sortie de
Cost Of Living, qui trônera dans de nombreux podiums de l'année 2013. Si vous ne connaissez pas ces deux groupes, ce split remplira parfaitement le rôle de porte d'entrée en proposant des styles déjà bien affinés mais encore en progression, à condition de ne pas être réfractaire aux penchants les plus extrêmes du hardcore – pléonasme ?
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