Il n’y a pas si longtemps de ça, Xibalba trônait impérieusement en haut de son temple et laminait quiconque essayant de lui ravir sa couronne de plomb. Le hardcore/beatdown des Californiens imposait le respect et inspirait la peur en laissant planer la menace d’un KO soudain. Malheureusement, la fascination du groupe pour la mort et le metal qui lui est associé a atteint son paroxysme et engendré un changement conséquent. Le nom de l’album précédent sonnait comme un présage : Xibalba qui était jusque-là gardien du tombeau a maintenant un pied dans le cercueil, réalisant son souhait funeste d'approcher la Faucheuse de plus près, mais creusant aussi sa propre tombe.
Aujourd’hui les pyramides sont sous le feu et s’effondrent, entraînant la chute d’un royaume de terreur construit au prix d’un épuisement physique et mental sans limites – passons sur le ratage total du premier plan de la pochette, très surprenant de la part de sieur Seagrave. Ce qui fait tomber ce
Tierra Y Libertad en disgrâce, c’est justement que malgré cette volonté d’affirmer la possession de sa terre et sa liberté, le Xibalba auparavant dominateur cède du terrain et se refuse à jouer ce qui lui était si propre et particulier : un hardcore cérémonial aux couleurs froides, privé de toute lueur. Le goût prononcé des gars pour le death metal old school était de notoriété publique, mais de là à s'imaginer qu’il nous livrerait un disque délaissant la sauvagerie beatdown du passé et les passages labélisés « Tune Low / Play Slow » qui permettaient de réaliser avec brio ce grand écart entre Bulldoze et Morbid Angel...
Le constat est simple : Xibalba a parachevé son évolution et joue maintenant du death metal. L'intention est louable mais en définitive le résultat est largement inférieur au split avec Suburban Scum, qui déjà penchait beaucoup plus du côté metal que hardcore. Ce n'est pas faute de balancer le meilleur morceau de l'album d'entrée : un « Enemigo » massif, musculeux, sachant jouer sur plusieurs tempo et empruntant à Nile sa touche pharaonique. Seulement, la suite ne parvient pas à retranscrire l'odeur de trépas imminent, autrefois le fond de commerce de la bande au cœur de pierre. Pour preuves, « Tierra Y Libertad » et « Si Dios Quiere » qui pourtant se veulent être la caution « slower downer », s'enfoncent dans un tempo moyen jamais assez lent pour rivaliser avec la descente en terre souterraine qu'était
Hasta La Muerte. Quant au dernier morceau il n'y a rien à dire dessus, mis à part que son nom signifie « le vide » et que c'est effectivement tout ce qu'il est... Pas le vide dans lequel on plongerait aveuglement, ce qui arrivait fréquemment sur le disque d'avant, mais celui au bord duquel il est facile de glisser dans le chiant. Dommage.
Tout aussi regrettable, les Californiens n'utilisent plus l'inertie de leur poids pour faire remuer les carcasses, il n'y a guère que la fin de « Invierno » qui sache s'y prendre – encore faut-il se taper le banal solo précédant ce passage. Pire encore, Xibalba est ici dépossédé de l'effrayante lourdeur qui faisait tout son sel : adios les tambours processionnaires et l'ambiance funéraire ; de même pour le matraquage au sol type beatdown régressif qui poussait à extérioriser tout le négativisme accumulé pendant les passages mettant la tête dans le sac. Cela dit, « En Paz Descanse » s'en sort plutôt bien pour maintenir le pied sur nuque, notamment avec son ralentissement progressif jusqu'à toucher quasiment au down tempo dans lequel le groupe excellait jusqu'à présent.
A mon grand dam, si
Tierra Y Libertad est une déception c'est surtout à cause de la trop grande espérance que j'avais placée en sa sortie. Jusque-là, Xibalba était le bourreau de la scène hardcore avec son style à première vue foncièrement bas du front, mais qui donnait pourtant matière à se faire dans le froc : une bande son digne del Día de Muertos, puta madre ! L'envie d'en découdre avec le monde auparavant latente manque cruellement sur ce nouvel album, qui se contente d'aligner les riffs et me laisse une sale impression de « trying too hard ». Jamais le couperet ne tombe, la hache exécutrice s'est émoussée et même sa face contondante n'est plus aussi assommante. Xibalba a pris des libertés avec son identité en s'ouvrant pleinement au death metal, il aurait mieux fait de rester le tyran implacable de sa terre désolée où seules les âmes en peine fuyant le soleil osent s'aventurer.
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