Abigor - Leytmotif Luzifer (The 7 Temptations Of Man)
Chronique
Abigor Leytmotif Luzifer (The 7 Temptations Of Man)
J’ai été tenté de parler de ma première écoute d’ABIGOR il y a plus de 10 ans et de ma relation en dents de scie avec ses albums (Ego).
J’ai été tenté de dire du mal sur les mauvais côtés récurrents du groupe, qui se veut complexe en oubliant d’être efficace (Stasis).
J’ai été tenté de commencer cette chro par une biographie complète avec beaucoup de détails, graphes et révélations (Akrasia).
J’ai été tenté de lui mettre 10/10 pour le féliciter des améliorations évidentes depuis ses dernières sorties (Indulgence).
J’ai été tenté de rédiger une chro vite fait, avec peu d’écoutes, et en ne donnant qu’un avis superficiel parce que j’étais déjà en retard dans la publication (Neglect).
J’ai été tenté d’aller m’inspirer des chros d’autres webzines pour m’éviter un travail laborieux (Compos Mentis).
J’ai été tenté de beaucoup de choses, qui n’étaient peut-être pas les plus adaptées pour parler de Leytmotif Lucifer (Excessus)
7 tentations...
7 tentations humaines qui ont été choisies par le groupe autrichien ABIGOR comme concept de leur nouvel album. C’est d’ailleurs écrit sur la pochette : Leytmotif Lucifer, The VII Temptations of Man, et chaque titre porte le nom de l’une ou l’autre de ces plaies. Ah, c’est bien du ABIGOR ça ! Depuis les années 2000 il a un petit côté intello agaçant. Il ne peut plus parler tout bonnement du Maître à Cornes ou de l’envie de brûler son prochain, il se sent investi du devoir de relever le niveau des thèmes abordés dans le black. Et cette tendance s’est d’ailleurs de plus en plus retrouvée dans la musique du duo autrichien. Après des débuts plutôt directs, il a eu tendance à se sophistiquer au maximum. Il est resté evil dans sa musique, j’entends bien, mais avouons que ça fait prétentieux de sortir un album au nom aussi long que Time Is the Sulphur in the Veins of the Saint - An Excursion on Satan's Fragmenting Principle, et de ne lui donner que deux seuls morceaux faisant chacun près de 20 minutes et traitant de la notion du « temps » .
Pour être plus consensuel, disons que depuis sa reformation en 2006, ABIGOR fait une musique faussement chaotique. Il est doué pour créer des titres dédaléens qui donnent l’impression de n’avoir ni queue ni tête à la première écoute et qui se révèlent très intelligents, très travaillés, très sophistiqués au fil du temps. Seulement on n’a pas tous la patience de se plonger dans une analyse profonde destinée à se forcer à aimer un groupe. Et personnellement les albums récents ne me convainquaient pas. J’ai eu l’impression qu’ABIGOR courait après la gloire qu’il avait frôlée en se forçant à mettre trop de complexité. Parce qu’il n’était pas loin d’être un fondateur de black orthodoxe déstructuré. Il avait senti qu’il y avait quelque chose à faire dans l’expérimental chaotique et Satanized (A Journey Through Cosmic Infinity) n'en était pas loin en 2001 ! Mais dans ses efforts pour créer une musique dure il oubliait le plaisir des oreilles. Ce sont finalement des groupes comme DEATHSPELL OMEGA ou BLUT AUS NORD qui ont trouvé la bonne clé.
Mais je vais arrêter de faire le ronchon, parce que tout ça, c’était avant. Ce nouvel opus a arrondi les angles et m’a bien surpris. Les Autrichiens continuent leur route parsemée de complexité, mais ils ont redécouvert les mélodies entraînantes et leurs compositions peuvent s’apprécier dès la première lecture. On y retrouve des influences tantôt avant-gardiste dans la veine d’un SPEKTR, ressemblance flagrante sur « Ego », tantôt death comme sur « Stasis ». En tous cas tous les morceaux s’enfilent sans aucune difficulté. La durée des titres est en plus très raisonnable, avec une moyenne à 5 minutes pour les 6 premiers titres. Seul le dernier dépasse les 11 minutes, mais si je vous dis qu’il s’agit d’ « Excessus », vous comprenez qu’il ne pouvait pas en être autrement, c’est la logique à la ABIGOR, le concept est important. Par contre, même ce titre tient la longueur !
Le morceau qui marque le plus est « Neglect », à la fois déchaîné et entraînant, imprévisible sans être lourd, et avec une palette vocale variée et réussie. Comme sur tous les autres morceaux ce sont d'ailleurs les deux compères de SUMMONING, Silenius dans le rôle principal et Protector en arrière plan, qui y posent leur voix et prouvent qu'ils peuvent encore s'adapter à un registre plus agressif que d'ordinaire. Ce titre en particulier s’écoute en boucle. Toutes les qualités du groupe y ont été réunies. Mais aucun n'est vraiment faible, même s'il y a des écarts dans l'efficacité. Le principal c'est que cet album risque bien de satisfaire du monde. Peut-être pas ceux qui ne jurent que par les débuts du groupe, mais ceux qui aimaient les albums récents ne se sentiront pas trahis, et ceux qui étaient curieux sans être convaincus, comme moi, apprécieront cette évolution qui sent moins le péteux. ABIGOR trouve une bon compromis entre l’orthodoxe et le mélodique et se savoure sans lassitude.
Voila, finalement c'est à la tentation de réécouter encore et encore cet opus que j’ai cédé mais je suis sûr que je ne serai pas le seul. Album à se procurer sans hésiter.
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