Auroch - Taman Shud
Chronique
Auroch Taman Shud
Parmi les dernières découvertes du label Profound Lore, on trouve un groupe canadien appelé Auroch. Formé en 2006 et exerçant alors sous le patronyme de Tusk, ce dernier a d’abord débuté comme un groupe de Thrash. En 2008, ses membres décident de changer de nom et enregistrent ainsi deux nouvelles démos avant l’hécatombe: la défection successive de quatre de ses cinq membres en l’espace d’un an.
Seul rescapé encore à bord, Sebastian Montesi décide malgré tout de poursuivre l’aventure et surtout de durcir le ton laissant ainsi le Thrash de ses précédentes réalisations pour s’orienter désormais vers un Death Metal obscur aux structures plutôt alambiquées. En 2012, Auroch sort ainsi son premier album sur Hellthrasher Productions. Intitulé From Forgotten Worlds celui-ci dévoile effectivement un visage plus agressif malgré toujours quelques réminiscences Thrash. En 2013, alors que Sebastian Montesi intègre en parallèle les rangs de Mitochondrion, Auroch est rejoint par Shawn Hache, tête à penser de cette autre entité canadienne. Le groupe, qui évolue désormais sous la forme d’un trio, enregistre alors Taman Shud, un deuxième album sorti il y a maintenant quelques semaines sur Profound Lore (et Dark Descent pour la version vinyle).
Malgré sa très courte durée (neuf titres dont deux interludes acoustiques pour un tout petit plus de vingt-cinq minutes), Taman Shud n’est pas le genre d’album que l’on peut espérer digérer en l’espace de quelques écoutes. Ce dernier nécessite effectivement un minimum d’effort de la part de l’auditeur pour être appréhendé comme il se doit. La faute à une architecture quelque peu complexe, succession de séquences plus ou moins rapides, tordues et dissonantes et à un univers musical empruntant autant au Death Metal technique qu’au Hardcore chaotique, au Death Metal le plus obscur (celui de ses cousins de Mitochondrion, Antediluvian...) ou encore au Black Metal.
Loin des productions boueuses et organiques auxquelles le Canada nous a habitués ces derniers temps, Taman Shud est un album à la résonance nettement plus moderne. En cela, il se rapproche effectivement beaucoup plus de ce que l’on peut retrouver dans le Hardcore chaotique mais aussi et surtout dans le Death Metal technique (ses compatriotes de Gorguts ou Crytopsy ne semblent jamais très loin), notamment en ce qui concerne le jeu de Sebastian Montesi et le son particulièrement incisif, presque clinique, des guitares. Car au-delà de ces riffs alambiqués et de ces changements de rythmes (entre autres), on y trouve paradoxalement le désir d’une véritable recherche mélodique qui, si elle ne saute pas forcément aux oreilles, semble pourtant évidente pour peu que l’on y prête attention. Une approche intéressante en terme de personnalité, que ce soit dans les leads, les soli, les séquences rapides ou celles plus en retenues qui offre à Taman Shud un visage non pas novateur mais relativement frais dans le paysage Death Metal actuel.
Mais cette quête d’identité ne s’arrête pas là puisque l’on peut lui opposer une sorte de double maléfique. Un côté plus sale et obscur rappelant évidement le Death Metal dépouillé des années 90. Une double identité qui passe essentiellement par ce double growl profond et imposant de Shawn Hache et Sebastian Martesi et qui se fait plus facilement sentir lorsque les guitares ne sont pas en train de tricoter et que Sebastian privilégie un riffing plus épuré à rapprocher de ce que l’on peut trouver dans le Black Metal. Dès lors, malgré une production et une construction rythmique tout à fait moderne, il ressort de Taman Shud une atmosphère particulièrement imposante (ces deux voix viennent vraiment écraser l’auditeur), schizophrénique (l’adjonction inattendue de cris sporadiques, inquiétants et maladifs ou encore ces quelques passages ou les deux hommes semblent se répondre) et résolument sinistre.
A la croisée des genres, Taman Shud n’est paradoxalement pas le genre d’album à fédérer. Technique sans être démonstratif, direct sans être immédiat, original sans être novateur ce deuxième album ne fera sûrement pas l’unanimité, certains risquant de le trouver pas suffisamment abouti, d’autres encore trop prétentieux, blablabla… En attendant, je trouve pour ma part qu’il s’agit là d’une très bonne surprise. Le trio réussit avec ce nouvel album à faire le pont entre modernité et respect des traditions sans sacrifier à la brutalité ou à l’atmosphère. Un disque intelligent, bien ficelé et plus efficace qu’il n’y parait. Un disque qui mérite assurément votre attention même si rien ne dit que vous y succomberez.
| AxGxB 8 Octobre 2014 - 1155 lectures |
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