Teramaze - Her Halo
Chronique
Teramaze Her Halo
Déjà 20 ans que les Australiens de Teramaze traînaient leurs guêtres dans la sphère du metal progressif en 2015, pour une reconnaissance pas suffisamment proportionnelle à leur talent. Vu la productivité avec laquelle ils se sont distingués ces derniers temps, cette affaire n'est pas prête de s'arrêter. Il faut dire que ce groupe dont le seul membre permanent est aussi son fondateur, Dean Wells (guitares, choeurs), a su évoluer. Officiant d'abord dans un style thrash metal sous le pseudonyme Terrormaze, le maestro qui a toujours su s'entourer de musiciens extrêmement qualitatifs a rapidement adouci son style et ses pensées en adoptant, en 1995, son nom définitif ainsi que des thématiques plus célestes et ésotériques, probablement issues de sa découverte du christianisme. À cette transformation pas banale répondait celle de leur style, glissant tout doucement vers un metal progressif raffiné, emprunt de classe, de délicatesse et de maîtrise technique éclatante. Si le début des années 2000 a été très calme, l'électroencéphalogramme s'est réveillé avec le très bon Esoteric Symbolism en 2013, un accomplissement évident pour le quintet qui était parvenu à se dégoter une identité et un line-up stable avec notamment la présence de Brett Rerekura au chant. Il leur permettait d'affirmer un style inspiré des pionniers du genre, Dream Theater ou encore Symphony X et même de rivaliser avec ses grands espoirs comme Circus Maximus et Haken, entendant le renouveler et lui apporter quelques idées neuves, comme ces phases de rythmiques syncopées issues du djent. L'approche des Australiens restait tout de même suffisamment classique pour ne pas déboussoler les amateurs historiques d'un genre en constante expansion, suffisamment polyvalent pour se permettre quelques folies.
Le moins que l'on puisse dire est que Her Halo, en 2015, franchissait un nouveau cap. Le frontman Dan Wells s'en est donné les moyens en renouvelant – quasiment de fond en comble – son line-up : s'il conserve Dean Kennedy derrière les fûts, il s'attache les services du précieux vocaliste Nathan Peachey, capable d'aller chercher des notes haut perchées inaccessibles pour son prédécesseur et du talentueux Luis Enrique Eguren à la basse. Quelques confettis de claviers bien senties, notamment un piano très classieux qui vient percer le mur de guitares à plusieurs reprises, viennent compléter cet orchestre de qualité. Le leader se dote aussi d'une production maousse, capable d'être limpide et douce pour ses moments plus calmes comme de fouetter les esgourdes comme il se doit pour ses décollages épiques. Le son de la caisse claire de Dean Kennedy, associé à un subtil jeu de double pédale, offre à ces hymnes le claquant parfait pour rythmer ses multiples cavalcades. Her Halo ne manque d'ailleurs pas de ces envolées caractéristiques, rendues possibles par une tracklist resserrée qui favorise les morceaux longs jamais avares en développements divers. En effet, ces huit morceaux ont une amplitude digne des meilleures pièces du genre et fourmillent de riffs et de plans qui ne manqueront pas de surprendre et de séduire le chaland. Exactement ce qu'on peut attendre d'un album de metal progressif qui se respecte, en somme. Le grand final « Delusions of Grandeur » passe par moult tempi et instants déjantés, liés par une cohérence qui reste d'orfèvre durant toute la durée du full-length. Tout comme « Trapeze », instrumental traditionnel qui suit les traces de ses maîtres en dosant bien l'équilibre entre exercice technique et hommage religieux à Pink Floyd venant poindre sur quelques instants.
Cohérence est bien le maître-mot qui pourrait résumer Her Halo : il règne sur ce cinquième album un feeling romantique et classieux. Clairement axé autour de l'amour, cet opus ne laisse rien au hasard, offrant des lignes de clavier sublimes qui parviennent systématiquement à transcender ses compositions et à leur offrir une belle élégance globale. Les notes de piano d'une pureté éclatante qui résonnent sur l'ouverture « An Ordinary Dream (Enla Momento) » et la font expirer d'un riff mélancolique d'une beauté vertigineuse tracté par la voix délicate de Nathan Peachey faisaient déjà forte impression. Teramaze utilise avec pertinence cet instrument à plusieurs reprises, sur le morceau éponyme comme sur l'excellent morceau « To Love, A Tyrant », qui comporte un pont marqué par de nouveaux accords iridescents transcendés par un couplet létal du chanteur qui vient créer une monstrueuse montée en puissance :
« We've overcome
She's my whole world and now, soon enough
I believe tonight, will this love remain
Is it over now?
Cause you took it from her and me »
Oui, le metal progressif des Australiens est d'une fluidité impressionnante. Dans tout ce qu'il tente, Teramaze vise juste avec ses morceaux évolutifs qui ne se reposent jamais sur leurs lauriers. Outre le refrain accrocheur au possible qui en sculpte l'ossature, « Out Of Subsconscious » ne prive pas pour naviguer entre plusieurs eaux, partagé entre ces rythmiques syncopées propres au registre moderne et un pont jazzy anthologique (que ne renierait pas Haken), venant opportunément lancer un riff heavy aussi emblématique qu'efficace. L'art du refrain qui a le don de s'imprimer immédiatement dans l'inconscient est bien l'une des nombreuses cordes à l'arc bien fourni des Australiens. Ils le prouvent à nouveau avec le tubesque « For The Innocent », qui alterne entre une rythmique ambitieuse parfaitement maîtrisée par l'expérimenté Dean Wells et un phrasé très catchy déversé par un Nathan Peachey décidément très bien mis en valeur. Avec « Broken », ballade mid-tempo aux prétentions modernes un brin mièvre tout de même, il a l'occasion d'en faire des caisses dans un registre mélancolique un peu trop dégoulinant. Ce morceau n'a pourtant rien d'une débâcle, sauvé à la fois par cette nouvelle salve de piano qui vient renforcer Her Halo dans sa cohérence globale et par ce solo gravitationnel du guitariste qui montre par ailleurs durant tout l'album sa parfaite maîtrise du « shred » comme du registre contemplatif. En effet, le six-cordiste tire ses compositions flamboyantes vers le haut avec ses nombreux soli anthologiques.
Le cahier des charges d'un classique moderne du metal progressif est amplement rempli avec Her Halo ; Teramaze s'était d'ailleurs vu célébré avec une quasi-unanimité pour cette sortie qui concentrait l'essentiel de leur talent. Un diagnostic amplement mérité, vu à quel point le quatuor maîtrise son sujet, en ajustant avec équilibre son registre entre les aspirations classique et moderne. Malgré quelques passages dispensables ou trop faciles et une durée un peu expéditive qui fait qu'on en reprendrait bien une tranche, ce cinquième opus s'imposait comme un réussite totale pour les Australiens, annonciatrice d'une suite de carrière extrêmement prometteuse.
| Voay 8 Juin 2022 - 867 lectures |
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