[ A propos de cette chronique ] Si je vous dis
"slava pouet-pouet",
"Finlande",
"quatorze-quatre-vingt-huit" et
"rouquin", vous me répondez ? Goatmoon, bien entendu !
Passé le goût douteux de cette introduction, reconnaissez-lui au moins le mérite de démontrer que le Black Metal n'est définitivement
que clichés. Même si le phénomène tend de plus en plus à s'inverser ces dernières années, par l'émergence de formations n'ayant pas peur de sortir des sentiers battus tant musicalement que thématiquement, d'autres restent fidèles à une ligne de conduite, une imagerie complètement hermétiques et sectaires. Intolérant au changement comme idéologiquement, le joyeux luron derrière Goatmoon sème depuis 2004 et la sortie de "Death Before Dishonour" des disques d'un Black Metal aux tournures folkloriques mélangeant riffing simple mais efficace et passages plus contemplatifs, et ce sans jamais faire varier sa recette de base. Même si, depuis "Varjot", BlackGoat Gravedesecrator (à vos souhaits) infuse de plus en plus de "tradition" à sa musique par l'incursion, à chaque fois plus importante, d'éléments folkloriques dans ses compositions.
Non pas que le côté "classique" du Black Metal me dérange, loin de là. Seulement, comme beaucoup ici, j'ai de plus en plus de mal à prendre au sérieux des bonshommes qui me parlent de supériorité raciale et de haine en jouant du biniou. Je ne vais donc pas m’appesantir sur l'objet en lui-même tant il aligne les quines au loto des clichés. Déguisements, forêt enneigée, mimiques colériques, maquillage et pot-pourri de runes... Ne reste que cet artwork, assez magnifique (surtout comparativement au reste de la discographie de Goatmoon), dont l'auteur reste à saluer. Autre chose, anecdotique pour certains, mais agaçante pour d'autres, l'utilisation quasi-névrotique d'une typographie gothique en majuscules qui rend les crédits et remerciements illisibles. Dommage, quand on voit que la tête pensante du combo s'est entouré de plusieurs musiciens pour l'enregistrement de ce "Voitto Tai Valhalla". Et d'autant plus dommage quand le résultat tient aussi bien la route.
Pourtant, Dieu sait que c'était mal parti. Déjà las de l'imagerie et des poses clownesques du combo, la courte introduction m'aura conforté dans l'idée que "Voitto Tai Valhalla" allait lamentablement se noyer dans le ridicule : ce pauvre petit synthétiseur aux chuintements plaintifs, pâle croisement entre un Carpenter sous Prozac et un Goblin très fatigué, tentant vainement de poser une ambiance incertaine m'aura plus fait ressentir de la peine que le souffle épique que nous vendait Werewolf Records. Gardez vous bien des jugements hâtifs à l'avenir, le reste de la galette est étonnant de puissance et d'émotion. Après deux minutes de purge, comme au théâtre, les trois coups de caisse claire sont donnés en véritable introduction de quarante minutes d'un Black Metal aussi sincère que poignant. Jouissant d'un son exemplaire pour le genre, les compositions laissent respirer chaque instrument, chacun bénéficiant d'un son très organique qui vient grandement participer à l'atmosphère véhiculée par l'opus. Seul bémol, peut-être, cette batterie parfois un peu trop présente lors des parties blastées - d'autant que le batteur a tendance à ne pas tenir le tempo "rapide", en témoignent les dernières secondes de l'introduction de "And The Tears Of Our Fatherland Fell" ou la fatigue des avants-bras perceptible sur "Descent, Ascent And Conquer". Ceux qui, de toutes façons, cherchaient sur "Voitto Tai Valhalla" leur dose de croches et de pédalage intensifs peuvent aller chercher ailleurs : c'est dans les rythmiques quasi "dansantes" et le mid-tempo que Goatmoon parvient véritablement à tirer son épingle du jeu.
Des vielles/violons/que-sais-je de "Voitto tai Valhalla Part II: Valkoinen maa" et leurs gémissements plaintifs entrecoupées par ces patterns plombées et les hurlements reconnaissables entre milles du frontman jusqu'aux claviers diffus et glaciaux de "Way Of The Holocaust Winds", agrémentés de coups de boutoir qui viennent rythmer cette marche au coeur du blizzard, "Voitto Tai Valhalla" brille par une belle variété d'ambiances. Sans oublier, bien entendu, les passages typiquement
pouet-pouet empruntés aux ténors du genre (Temnozor et consors) incarnés dans ces choeurs guerriers et faussement "graves" de "Vaaraoppisen Tuhovarssy". Mais le point culminant de cet album reste sans aucun doute son final, "Race of Heroes", déjà présent sur
"Tahdon Riemuvoitto" sous une forme plus folklorique que réellement violente. Ici, le morceau que l'on connaissait presque reposant devient un monolithe lent et majestueux ou BlackGoat s'époumone sur des riffs enivrants soulignés par une basse qui n'hésite pas à s'émanciper du pattern classique en de belles envolées. L'utilisation des claviers sur la fin du titre rappellerait presque les cassures de rythme de "Noontide" de Fanisk, et croyez-moi, c'est un gage de qualité certain.
Véritable redécouverte pour moi, et très probablement confirmation du talent de la formation pour ses aficionados, Goatmoon signe avec "Voitto Tai Valhalla" un disque épique, enlevé et terriblement prenant, qui ne perd rien de sa force au fil des écoutes. Malgré quelques passages un peu "niais" et des titres qui auraient mérité quelques raccourcis ("Way of the Holocaust Winds" en tête), l'album garde suffisamment de moments forts et de riffs mémorables (le groove irrésistible de "Voitto tai Valhalla Part I") pour se bonifier avec le temps. Ceux qui, comme moi, n'avaient pas retenu grand chose de la discographie des finlandais devraient leur laisser une seconde chance : "Voitto Tai Valhalla" est fait du bois dont on fait les albums qui résistent au temps.
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