Amber Asylum - Sin Eater
Chronique
Amber Asylum Sin Eater
Il existe certains groupes qui nous ont touché particulièrement le temps d'un album, au point qu'on a tendance à les résumer à une seule œuvre malgré une qualité constante. « Le pic d'une discographie » comme on dit, faisant que la suite donne l'impression d'atteindre une certaine vitesse de croisière, pleine de créations réussies en elles-mêmes, habituelle à l'échelle de leur géniteur.
Le défaut principal de Sin Eater se situe là. Amber Asylum, cette formation estimée mais injustement trop méconnue, a toujours tutoyé l'excellence, donnant à sa musique entre dark ambient et néoclassique une patte immédiatement reconnaissable, déclinant au fur et à mesure son identité. Une série de disques dont Still Point est sans conteste le plus abouti, où les allitérations sur le sexe et la mort chères aux Ricaines menées par Kris Force tapent le plus juste et dont Sin Eater n'arrive pas à effacer le souvenir.
...Mais est-ce vraiment un problème ? Que Sin Eater ait pour handicap la perfection d'un prédécesseur n'est clairement pas une catastrophe telle qu'il mérite qu'on s'en passe. Malgré ce dôme de verre que ces soixante-trois minutes ne parviennent pas à craquer, Amber Asylum est ici si proche de le fendre qu'il donne envie de lui laisser une place de choix dans les sorties de 2015, année au demeurant exceptionnelle en terme de musiques où se laisser aller à la rêverie et l'introspection. Beau et esseulé dès ce « Prelude » évoquant par ses cordes ce bout du monde brumeux déjà entendu chez des projets comme celui de Hildur Guðnadóttir, ce nouvel essai donne à voir l'asile d'ambre dans ce qu'il a de plus médiéval, traditionnel, tout en contenant cette étrangeté propre à ces dames que j'aime imaginer comme le pendant féminin de Neurosis, rustres et gracieuses à la fois, désarmantes d'humanité et pourtant sadiques comme des divinités païennes revenant des âges anciens, prêtes à réclamer vengeance.
Une atmosphère qui me rappelle le film Black Death de Christopher Smith, ses décors ternes et oniriques, son voyage fait au fil de la lame des croisés, la sorcellerie au bout du chemin, et qui laisse penser que Sin Eater n'aurait pu sortir que sur Prophecy Productions, ce label allemand qui trouve ici une pièce de choix à mettre aux côtés d'autres offertes par Tenhi ou encore Elend. Que ce soit sur les douces-amères « Perfect Calm » et « Harvester » ou la majestueuse « Paean », Amber Asylum se révèle constamment à la hauteur des ambiances moyenâgeuses, barbares et religieuses qu'elle souhaite transmettre, usant de ses atouts – comme ces voix célestes et solennelles – avec retenue. L'une des forces de ce groupe à géométrie variable est de blesser pour mieux exorciser, d'enivrer pour mieux subjuguer : le présent-disque le montre de la meilleure des manières, dont la bien-nommée « Executionner » ou la reprise étonnante de « TOT » de Candlemass ne sont que des exemples pris au hasard.
Au final, il s'agit essentiellement de préférence personnelle : je ne trouve rien à critiquer de particulier sur Sin Eater, excepté un dernier titre expérimental dont les sonorités électroniques me parlent moins. Tout à fait à l'aise dans son concept – faisant référence à un rite visant à manger les péchés des morts pour libérer leur âme –, Amber Asylum a réalisé ici l'album à écouter en priorité cet hiver, morbide, éclatant, insulaire et épique à la fois. Il paraît qu'on peut vivre sans beauté. Mais celle-ci, il serait bien dommage de s'en passer !
| lkea 3 Janvier 2016 - 1073 lectures |
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