La fin de l'année sur Thrashocore, c'est toujours le coup de speed. Et alors que cette année, j'avais pris mes dispositions en chroniquant tous mes disques phares en Décembre, histoire de ne pas rusher début Janvier comme le connard que je suis habituellement, voilà que Batushka, formation Polonaise de son état déboule de nulle part et me file un coup de stress façon « Putain, nope, faut en parler de ça, c'est un poil obligatoire ». Sorti sur Witching Hour Productions, le label bien connu pour son merch' donné (Allez y faire un tour, à 5€ l'album, ce serait bête de se priver...), « Litourgiya » est un disque particulièrement novateur et intéressant. Si le mystère plane autour des membres du groupe qui semblent – selon Metal Archives – tous appartenir à des « formations bien connues », laissant la porte ouverte aux suppositions type Mgla, Infernal War, Cultes des Ghoules et autres fers-de-lance du Black Metal polonais, leur musique ne ressemble bizarrement à rien de tout cela.
« Litourgiya » présente plutôt bien, surtout avec cette pochette rappelant à notre souvenir celle du
« Advaitic Songs » de Om, cette dernière me fait surtout penser à l'icône religieux que j'ai ramené de Crête et qui trône dans mon salon. Ouaip, on s'en fout de ma décoration d'intérieur, je suis bien d'accord, seulement ce qu'il faut bien dire c'est que ce premier essai de Batushka mérite de traîner à l'intérieur de votre salon, spécifiquement si vous êtes quelqu'un de bon goût. Au programme, un croisement entre Black Orthodoxe (assez classique dans sa forme, ne vous attendez pas à un Mindfuck Nightbringerien), Doom (lui aussi classique et surtout présent grâce aux sonorités du six-cent-seizième dessous proposées par la basse et les guitares) ainsi qu'un vocaliste qui alterne cris Black Metal et passages en clair chantés tantôt comme un chœur grégorien, tantôt avec des accents plus épiques.
Et pour faire simple, je vous avoue que j'ai pensé au commentateur de Pokémon Stadium pendant mes premières écoutes. Notamment à ses phrases cultes, comme « Woah, une attaque sauvage !», « Oh là là, en plein dans la point faible !», « Ah, dans les dents !» pour me retrouver avec le « Et voilààà ! » à la fin de l'album. C'est sûr qu'en ce qui concerne les attaques sauvages qui tapent dans le point faible, il y a un gros potentiel dans ce « Litourgiya » qui a le mérite d'envoyer le bois, de changer l'eau en vin et de multiplier les pains en moins de temps qu'il n'en faut pour dire « Et Paf ! ». « Pourquoi l'eau en vin ? » me direz-vous circonspects par cette comparaison qui a un poil l'air absurde, vue comme ça. Simplement parce que la sacré est une dimension essentielle à la musique de Batushka, comme en témoigne par exemple ce riff final sur « Yekteniya 5 » qui sait faire frôler la syncope au pauvre auditeur, plongé bien malgré lui dans la peau de Bernadette Soubirous ayant aperçu la Sainte-Vierge au hasard d'une promenade dominicale.
Rassurez-vous, le feeling chrétien exacerbé est présent sur tous les morceaux, notamment sur ce « Yekteniya 2 » assez fantastique ou sur « Yekteniya 6 » et son démarrage ethnico-mystique capable de renvoyer Urfaust à ses études. Vous l'aurez compris, « Yekteniya » pour ton pognon (Aïe, « Il creuse un trou et s'enterre », me dirait sûrement Jean-Claude Donda...) avec un disque qui enquille les pièces magistrales comme celui-là. « Litourgiya » même s'il est premier effort d'une formation assez jeune fait preuve d'une expérience et d'un savoir-faire franchement exemplaire, surtout pour un mélange Black-Doom d'habitude assez casse-gueule. Le passé des musiciens du groupe dans ces fameuses « autres formations » semble être la cause principale de la réussite de cet opus qui donne le sentiment d'éviter tous les pièges : morceaux ni trop longs, ni trop courts, production puissante sans être plastique, violence en perpétuelle lutte avec la beauté... Des choix artistiques fait avec talent, subtilité et agencés entre eux avec une classe assez bluffante.
Il n'y a pas grand chose à rajouter, si ce n'est peut-être un petit point bonus pour la performance du chanteur, franchement ébouriffante surtout quand il part sur des incantations en deux notes tenues sur trente secondes. Mon petit doigt me dit que même si « Litourgiya » n'a pas l'intensité de certaines sorties Orthdoxes récentes (VI en tête), il fera date dans le microcosme du Black théiste et ouvrira la porte à une nouvelle lecture du genre, privilégiant la lenteur, la lourdeur et le chant aux habituels tournoiements de dissonances. Chapeau bas, messieurs.
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