Schammasch - Contradiction
Chronique
Schammasch Contradiction
Alors que je m’apprêtais à faire tranquillement mon râleur de première classe en disant que « cette année, l'orthodoxe, c'était quand même un peu de la merde, si l'on excepte Nightbringer », un groupe vient changer la donne comme l'ont fait Ascension, Order Of Orias ou Svartidaudi il y a déjà quelques années. Et cette année, le sursaut d'orgueil de la mouvance orthodoxe en perte constante de vitesse et de visibilité (la faute au post-black, notamment) sera suisse. Oui monsieur. Schammasch et son « Contradiction » viennent rendre justice au style tout entier, éclipsant au passage le second (et tout de même de fort bon niveau) album des messies Ascension. Il faut dire que le genre a cette fâcheuse tendance à se galvauder dans la série des « un groupe, un album d'exception et puis plus rien ». Gageons qu'il n'en sera pas de même pour ces Suisses mais n'anticipons pas sur leur avenir et concentrons-nous sur la pilule de cette année, découverte malheureusement un peu trop tard (c'est sorti en Avril quand même, mais que voulez-vous, on ne peut pas avoir les yeux partout) par votre Webzine préféré.
Comme dirait l'autre, il ne sont pas Helvètes pour rien, puisqu'à la première écoute de ce double-CD, j'ai pensé tout de suite au « Monotheist » de Celtic Frost. Schammasch sera lent, peinera considérablement à remuer la graisse Black/Death qui lui sert accessoirement de postérieur et ce pour notre plus grand plaisir. Dès le premier titre éponyme, on en prend carrément plein la gueule : la production est monstrueuse, le son de basse se décalotte directement pour montrer à quel point il est brave et apte à la reproduction. « Contradiction » n'est pas un vulgaire loup Black Metal à la con qui vit en société et élève ses petits comme un père de famille modèle, montrant les dents seulement quand une bande de jeunes s'approche trop près du Scenic garé dans l'allée. Non, « Contradiction » est un putain de Dragon de Komodo, à l'instinct de chasseur-né qui putréfie la proie à la première morsure et va la chercher quand elle est morte. Il marche lentement, comme un gros reptile imposant, jusqu'à taper un sprint pour fondre sur la pauvre bestiole qu'il a pris en chasse (« Split My Tongue » et son blast-beat final décapant). Et puis, pour être massif, c'est sûr qu'il l'est (deux disques de quarante minutes chacun quand même) mais quand on regarde pareil bestiole à l’œuvre, on ne s'ennuie pas un instant. Non, cet album des Suisses, c'est une vraie chasse sauvage, un Man Vs Wild abusé dans sa version la plus Black Metal.
Enfin, Black Metal certes, mais pas que puisqu'en y faisant attention, on trouve aussi une bonne louche de Death, de Doom pour la lourdeur et un soupçon de post-itude histoire d'être satanique mais quand même un peu dans l'actualité (les petites interludes en clair comme sur « Provoking Spiritual Collapse » et son final ou encore l'excellente introduction de « Serpent Silence »). Un cocktail auquel le géant américain Prosthetic a donné les moyens nécessaire à la réussite d'un projet d'une telle envergure. Le tout est chapeauté d'un artwork signé Metastazis, puisque Metastazis sort un artwork pour à peu près tout les projets sataniques ou intéressants qui sortent sur la planète Terre. C'est joli oui, on a vu mieux quand même de la part de Valnoir. Par contre, le T-Shirt est absolument collector, avec l'inscription « Rien n'est vrai qui soit faux, rien n'est faux qui soit vrai ». Amis philosophes voilà le merch rêvé pour briller dans votre prochaine soirée mondaine.
On aurait pu avoir un peu les jetons puisque mixer comme ça des passages très lents et très axés sur l'ambiance et des blast-beats n'étais pas forcément un choix simple à mettre en pratique. Mais rassurez-vous, l'aspect limite cheesy des mélodies fondent le tout à l'intérieur du morceau comme si de rien n'était. Les passages les plus nerveux se contentent de remodeler légèrement les notes en les accélérant pour obtenir la vitesse nécessaire, le tout conservant finalement une certaine rondeur.
Sorti de ça, on observe donc deux parties dans cet album, logiquement agencées par disque. Le premier CD est somme toute classique, présentant le groupe et sa façon de faire particulière. Vu que ça fait tout drôle au début, on en prend carrément pour son grade tellement la recette est efficace, burnée et prenante en terme d'émotions. Le second disque est quant à lui un peu plus imprévisible, sortant des carcans proposés et distillant plus de riffs tordus (« Golden Light ») et d’accélérations temporaires. Dans les deux cas, le mélange est diablement réussi et si l'on discerne clairement les deux actes composant l’œuvre, elles restent intimement liées et de qualité équivalente. On semble trouver dans le concept une dualité entre l'aspect réel et l'aspect spirituel, ce qui explique probablement le choix de cette double galette.
Richesse instrumentale donc (tant les pistes de guitares s'entremêlent, parfois avec un côté surprenant (le riff Flamenco vers 3.30 minutes sur le titre éponyme)) mais richesse vocale également : le vocaliste nous gratifie de chuchotements, chants, cris, grunts, growls, etc... La grande variation des registres sert assurément l'album n'hésitant pas à aller piocher dans le bidouillage audio pour plus de puissance (« The Inner World » absolument bluffant sur sa partie en reverse). D'un coup, on se dit quand même que c'est vachement bien et on va faire un tour sur Metal-Archives pour situer un peu d’où vient tout ce beau monde. Si les membres du groupe sortent de formations plutôt inconnues, le staff et les guests expliquent un peu la claque présente. Jugez plutôt : Michael Zesch (du SOS Studios responsable d'Hell Militia, Ascension, Secrets Of The Moon...), V. Santura (membre de Tryptikon, ex-Celtic Frost, Dark Fortress et producteur d'Obscura...), Filip Dupont (Gorath), Frederyk Rotter (C.R.O.W.N.) et j'en passe. L'équipe de production derrière Schammasch est tellement imposante qu'elle explique le rendu du disque, sa qualité mais qu'elle a presque une allure de complot Suisse pour régner sur le monde. D'ailleurs, en lisant les références on a plus moins une idée du cocktail livré ici, toutes étant des inspirations notoires (sauf Obscura vu que ça n'a rien à voir avec l'histoire, l'influence Death serait plutôt à chercher dans un "Demigod" ou un "Lucifer Incestus"...).
Incroyable que Schammasch, sorti de nulle part après un premier disque passé complètement inaperçu en 2010, déboule de chez Prosthetic avec ce blockbuster orthodoxe massif, puissant et d'une densité rarement atteinte mais paradoxalement passé à la trappe par la majorité du public Black Metal. Pavé conséquent, ambitieux et indubitablement réussi, « Contradiction » est l'album sauce Satan le plus risqué, émouvant et dévoué de cette année. Un disque qui risque de se faire sa place dans les tops du mois de Janvier prochain...
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