Nucleus - Sentient
Chronique
Nucleus Sentient
Vous aussi vous vous êtes fait attraper par cet artwork coloré dont le coup de crayon n’est pas sans rappeler celui d’un célèbre illustrateur anglais ? Rassurez-vous, vous n’êtes pas les seuls puisque moi-même c’est ce qui m’a poussé à jeter une oreille à ce premier album des Américains de Nucleus. Il faut dire qu’entre cet artwork signé effectivement par Dan Seagrave et ce logo librement inspiré par celui de Voivod, il y avait là matière à aiguiser ma curiosité. Une curiosité accentuée par le fait que Sentient soit sorti sur le label Unspeakable Axe dont l’activité est, rappelons-le, étroitement liée à celle du label Dark Descent.
Formé à Chicago en 2012, Nucleus va suivre un parcours tout ce qu’il y a de plus classique avec tout d’abord la sortie d’un single et d’une démo auxquels viendront se succéder deux EPs. Ce n’est que cette année que les Américains se décident à passer à la vitesse supérieure avec la sortie d’un premier album qui devrait séduire les amateurs de Death Metal à l’ancienne dans sa version plus technique, celle issue de la première moitié des années 90 (Gorguts, Immolation, Morbid Angel, Nocturnus...).
Malgré ces références alléchantes, Sentient se montre dans l’ensemble beaucoup plus facile d’accès grâce à un schéma de composition en grande partie simplifié. Bien que tout à fait évident, l’aspect technique n’est pas ce qui prédomine dans le Death Metal de Nucleus. Le groupe de Chicago s’attache à rendre son Death Metal le plus immédiat possible. Cela passe en premier lieu par une durée mesurée puisque ce premier album ne dépasse même pas les quarante minutes. Pas de quoi décourager les moins téméraires d’entre vous. Ensuite parce que derrière cette technique en filigrane se cache une approche beaucoup plus frontale rappelant ces fameuses sonorités Thrash aux origines même du Death Metal. Ainsi, sans atteindre un niveau de vélocité complètement fou, les compositions de Nucleus font preuve dans l’ensemble d’une certaine cadence qui rend l’écoute de Sentient tout de suite très agréable. Une dynamique qui caractérise essentiellement les deux premiers tiers de l’album mais qui tend à s’estomper sur les trois derniers titres davantage axés sur du mid-tempo lourdingue et rampant à la Incantation.
Au-delà du rythme, c’est évidemment la qualité des riffs qui fait la force et l’intérêt de Sentient. Dave Muntean et Dan Ozcanli, s’ils n’ont rien inventé, font sur ce premier album un excellent travail. Entre Immolation (souvent) et Demilich (parfois), on retrouve dans le riffing des Américains une part de ce caractère insaisissable et tout à fait inattendu. Entre boucles infernales (les premières secondes de "Dosadi" ou de "Cube") et passages plus ou moins tordus ("Cantos" à 0:11 puis à 0:48, "Swarm" à 1:10, "Insurgent" à 1:33), l’esprit de Vigna et de Boman plane sur les compositions de Nucleus. Toutefois, même s’il conserve un certain groove parfois irrésistible (ce passage particulièrement bien ficelé sur "Cube" à 1:15), le résultat se veut tout de même moins alambiqué donc forcément plus immédiat. On peut également souligner la très grande qualité des soli qui portent en eux cette atmosphère sombre et evil des années 90 ("Dosadi" à 1:15, "Cube" à 1:44, "Ancient" à 3:45, "Extirpate" à 1:39 et 2:41). Courts, efficaces, et toujours à propos, ils contribuent à cette ambiance lourde et infernale dans laquelle nous plonge Nucleus depuis l’excellente introduction qu’est "Sentience".
La production n’y est d’ailleurs pas tout à fait étrangère puisqu’entre cette batterie synthétique et cette basse mécanique, le lien avec les thèmes de science-fiction abordé par Nucleus est très vite fait. Bien qu’en retrait face aux autres instruments, la basse de Ryan Reynolds est extrêmement présente et d’une manière fort plaisante. Pour peu que vous y prêtiez attention, vous ressentirez alors toute la force et la puissance de ces épaisses cordes métalliques en vibration. De quoi vous retournez l’estomac. Plus surprenant, cette batterie synthétique qui, à défaut d’amplitude et de résonance, offre à l’image de cette basse, un son particulièrement mécanique et presque déshumanisé. L’auditeur se retrouve alors embarqué sur une chaine d’assemblage abominable faite d’écrous, de boulons, de barres de métal, de circuits imprimés et autres pièces cybernétiques - l’homme devenu machine à moins que ce ne soit l’inverse...
Une fois de plus, Unspeakable Axe semble avoir eu le nez creux avec Nucleus qui, de nulle part ou presque, nous pond aujourd’hui un premier album particulièrement bien exécuté et surtout plein de promesses pour la suite. A mi-chemin entre Death Metal old school 90’s et Death technique, les Américains livrent ici une copie sans rature, lisible dès la première lecture et contre toute attente bien plus addictive qu’il n’y paraît de prime abord. Nucleus manque peut-être d’un soupçon de personnalité dans sa musique mais compense ce léger défaut par une exécution impeccable, un sens de l’efficacité tout à fait indiscutable et des choix de production audacieux qui font toute la différence. Bien joué messieurs.
| AxGxB 23 Juin 2016 - 1077 lectures |
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