Ça n'en finit plus ces groupes récents qui font dans le death old-school sombre et malfaisant! On en ferait presque une indigestion! Mais comme dans toute scène, il y a ceux qui suivent sans jamais se démarquer et ceux qui, s'ils ne réinventent rien, possèdent clairement quelque chose en plus. The Wakedead Gathering fait partie de ceux-là, eux, ou plutôt lui puisqu'il s'agit d'une one-man band emmené par le multi-instrumentiste Andrew Lampe, qui avait capté mon attention sur son premier full-length
Tenements Of Ephemera en 2010. L'EP suivant
Dark Circles marquait certes un peu le pas mais restait de bonne qualité. On en était bêtement resté là-dessus sur Thrashocore alors que l'Américain désormais de Columbus depuis qu'il a quitté Cincinnati avait pourtant sorti un deuxième longue-durée intitulé
The Gate And The Key qui retrouvait le niveau du grand frère. C'était fin 2013. Un peu plus de deux ans après, on va pouvoir se rattraper, non pas en revenant sur cet opus que je vous conseille tout de même, mais en vous parlant du petit nouveau
Fuscus: Strings Of The Black Lyre sorti en début d'année toujours chez I, Voidhanger Records, label italien plusieurs fois mis à l'honneur en ces pages. Et ça tombe d'autant mieux que ce nouveau rejeton difforme est ce que The Wakedead Gathering a fait de plus ambitieux à ce jour, nous présentant une évolution, si ce n'est bouleversante, au moins intéressante et bienvenue.
Oui car évidemment, Andrew Lampe n'a pas fait une croix sur le death metal old-school qu'il pratique depuis ses débuts. Pas vraiment le genre de la maison! On reste donc sur une base DM début des années 1990 entre le côté froid et hanté de la scène finlandaise (Adramelech, Depravity) à base de leads mélodiques sombres et de tremolos glacés, et l'aspect plus bourru et compact de l'américaine (Incantation, Morbid Angel). Comme le laisse suggérer la splendide pochette à l'onirisme morbide et décharné qui n'est pas sans rappeler celle de l'album de Ritual Chamber, The Wakedead Gathering prend toutefois ici une tournure légèrement différente, marquant une petite évolution chez l'Américain. Si le death metal de l'entité n'était déjà pas très lumineux malgré le nom de son créateur, il s'enfonce un peu plus dans les ténèbres sur
Fuscus: Strings Of The Black Lyre. Tout à fait de quoi lui accoler l'étiquette blackened. On sent ainsi de façon bien plus prononcée l'influence black metal qui vient donner des atours encore plus sombres et mystérieux à l'opus, comme sur "Blood From The Earth" et son mid-tempo très Burzum vers 1'20 pour ne citer qu'un exemple parmi d'autres. Black metal au sens large mais aussi black metal orthodoxe sur certains passages lancinants et dissonants ("Amnioticysts" à 3'19, le début menaçants de "Lungwort" ou l'ouverture de "An Ancient Tradition", gros pavé final de plus de neuf minutes). Dissonances bien plus usitées qu'auparavant. Ce cher Andrew aurait-il succombé à la mode? Sans doute pas mais il semble évident que le style a eu quelques effets sur le sien. Pas déplaisant en tout cas car cela permet au combo de diversifier son propos, tout en gardant son assise death metal. Une diversité que l'on retrouve dans beaucoup de domaines sur
Fuscus: Strings Of The Black Lyre. Et ça se voit déjà rien qu'en regardant la montre puisque la durée moyenne des morceaux augmente sensiblement. Outre le panel d'influences élargi, on note une plus grande gamme de rythmiques, du tout lent et tout calme déjà évoqué aux blastouilles bien vivaces dès le début du premier vrai morceau "Blood From The Earth" après l'intro samplée oppressante "Into The Gyre", ou sur quelques moments épars tel "Deepwoods Nonesuch" à 4'27 avec un solo chaotique au vibrato en prime, la fin de "Amnioticysts" ou encore "Lungwort" vers 1'40. Pas de quoi affoler les compteurs non plus, la formation restant tout de même souvent embourbée dans le mid-tempo, mais on retrouve néanmoins ici certaines séquences parmi les plus bourrines de sa discographie, sans compter les accélérations thrashies (dans "Deepwoods Nonesuch" entre autres) qui apportent pas mal d'efficacité. Dans le même ordre d'idée, on remarque aussi un registre vocal plus étendu. Hormis le growl habituel qui n'est même pas majoritaire, on retrouve ainsi tout un tas d'intonations morbides, maladives et vomitives qui non seulement participent à cette plus grande pluralité mais contribuent aussi et surtout à l'un des aspects les plus importants de The Wakedead Gathering et ce
Fuscus: Strings Of The Black Lyre: l'ambiance. Quel serait un album de death metal old-school sans une atmosphère digne de ce nom?! Si on nage en terrain connu, soit une ambiance dark à base de riffs et leads en tremolo (mais plus froides et sinistres que vraiment evil), le one-man band d'outre-Atlantique rend sa musique plus prenante en lui insufflant un vent de "folie" aussi glauque qu'immersif. Le death metal de The Wakedead Gathering s'en trouve du coup un peu moins "classique" que sur ses précédentes sorties, même si ce côté plus dérangé et nocturne (lovecraftien j'ai envie de dire) se retrouve dans pas mal de formations récentes plus ou moins lisibles (Portal, Ritual Chamber...).
Et du coup, on tient avec
Fuscus: Strings Of The Black Lyre le meilleur album de The Wakedead Gathering. Rien d'indispensable ou de vraiment original mais l'opus dégage ce petit quelque chose en plus qui fait la différence. Le maître à penser Andrew Lampe faisait déjà partie des personnes à suivre dans le milieu et il réussit ici à franchir un palier et rendre sa musique plus intéressante, moins scolaire. Ce, en noircissant encore davantage le tableau grâce à des influences black metal appréciables et en étoffant son style par des morceaux plus longs, variés et construits intelligemment, tout en sachant rester simplement efficace, headbangant et groovy quand il le faut. L'entité de l'Ohio a même rehaussé le niveau de brutalité, un côté mou qu'on pouvait parfois lui reprocher sur ses œuvres précédentes, en lâchant les chevaux plus souvent (blasts, thrash, etc.). Bref, malgré la durée allongée, on ne s'ennuie pas sur ce troisième chapitre, souvent considéré comme un tournant pour un groupe et que The Wakedead Gathering a su négocier de belle manière. Vous aimez le death metal poussiéreux, macabre et froid, surtout quand il s'accompagne d'une production roots? Le death finlandais du début des années 1990 et les vieux groupes américains du côté obscur de la Force? Le death metal qui n'a pas peur de se mêler à son cousin black metal? Alors il n'y a aucune raison que vous n'accrochiez pas à
Fuscus: Strings Of The Black Lyre qui devrait faire gagner à The Wakedead Gathering pas mal de nouveaux adeptes. C'est tout le mal qu'on lui souhaite!
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