Isgärde - Jag enslig skall gå
Chronique
Isgärde Jag enslig skall gå
Un groupe qui déboule comme ça, sans demo, sans split, sans un seul membre déjà actif dans une autre formation, c’est ce qu’on appelle un groupe venu de nulle part.
ISGÄRDE débarque discrètement avec un premier album sur un label connu uniquement par les amateurs d’underground, le Biélorusse Symbol of Domination, à qui l’on doit les bonnes surprises de MONTES INSANIA et TAIGA. Si cette écurie n’est pas toujours gage de qualité, elle assure au moins une sincérité. Ses groupes sont toujours des petites formations « qui n’en veulent » et qui jouent généralement très bien sur les ambiances, avec une production plutôt modeste. ISGÄRDE ne déroge pas à la règle, et c’est presque du service minimum concernant le son. Il n’est pas spécialement « raw » dans le sens où il grésille, mais juste sans la puissance des productions actuelles. Il fleure les vieilles productions, comme s’il déboulait du passé. Sa musique aussi contient une base fortement ancrée dans la fin des années 90, mais avec des ajouts très variés et différents à chaque pistes. Comme si... Comme si...
Mais oui ! Je viens d’y penser, mais c’est comme si Somath, le membre unique de ce groupe suédois, venait du passé ! Mais réellement. Il a dû trouver un moyen quelconque de s’échapper de 1995 et d’arriver chez nous en 2016. Un peu comme les Visiteurs, il est arrivé à notre époque pour découvrir ce à quoi ressemblait son style de prédilection 20 ans plus tard ! Et son but était sans doute de revenir à son année d’origine pour sortir le truc avant les autres ! Ouais !!! C’est sûr maintenant ! Il avait peut-être une machine temporelle. Ne voulant pas briser le flux du temps, il est resté une journée, il a demandé aux premiers chevelus qu’ils croisaient ce que donnait le black du Xxième siècle ! Ils ont dû lui répondre que c’était varié. Qu’on avait eu de l’épique, du post, de l’émotion, de la mélancolie, du cosmique, du folk et, et... et des voix extrêmes, harsh, puis aussi des contrastes. Des déclamations ou autres surprises qui viennent couper la dynamique, pour mettre de la tension ! Somath a sûrement essayé de prendre des notes. Un de ses nouveaux amis lui a sûrement fait écouter des groupes avec son smartphone : SHINING, LIFELOVER, WOODS OF INFINITY... Que des Suédois ? Pas sûr, mais bon, on connaît leur intérêt pour leur propre scène... Il y avait peut-être bien du DARKSPACE dedans. En tous cas, ça n’a pas dû être facile de tout mémoriser, de tout digérer en si peu de temps.
Et puis il est rentré précipitamment en 1996. Il y a bien sûr des choses avec lesquelles il était déjà familier, et il en a fait ses bases. Des passages de black à la DARKTHRONE et des envolés épico-vikings à la BATHORY. Et il a essayé de rassembler les souvenirs de ce qu’on lui avait présenté, et a intégré ces éléments avec parcimonie le long des titres. D’abord l’introduction, c’est cosmique. Deux minutes instrumentales avec des sons qui emmènent dans l’espace. Enorme décalage avec le titre de conclusion, « Korpen », qui lui est ancré dans le médiéval et son côté acoustique ! Entre les deux, 8 morceaux. Sur « Dying After Dawn », il s’est souvenu de LIFELOVER et intègre sur la deuxième minute un break à la guitare, très posé, soutenu par une voix qui parle sans émotion. Le titre revient ensuite à du black mélodique. Sur « Battle of Borgholm », l'homme se lance dans un solo mandoline, très médiéval. Sur « Ancient Forest of Witchery » il essaie un peu l’atmosphérique légèrement cosmique, et ajoute des vocaux clairs déclamés. Ailleurs il semble faire un hommage à Kvarforth en lançant des regards sonores vers le jazz. Puis il ajoute du piano sur « Drowning Cosmos ». Puis sa basse se lance dans des soli par moments (« At Gettlinge Gravfalt »)... Puis, puis, puis.
Mais tous ces « puis » n’empêchent pas l’ensemble d’être logique. Sûrement parce qu’on garde toujours le côté production 1996. C’est vraiment pas mal si on s’intéresse à ce qui est sans grande prétention. Les riffs sont toujours réussis et l’on ne se lasse pas de réécouter plusieurs fois, même d’affilée. A noter le thème, qui porte sur l’île de Öland, refuge de ISGÄRDE. Son histoire, sa nature, son isolement sont abordés.
Somath est donc parvenu à créer une musique de 1996 avec des éléments venant de son futur. J’en vois certains sceptiques sur mon hypothèse de l’homme venu du passé et reparti à son époque. Ils se disent que si c’était vrai, alors pourquoi Jag Enslig Skall Gå ne sort-il que maintenant ? Pourquoi n’est-il pas sorti il y a 20 ans. Et là on comprend bien qu’ils n’ont aucune affinités avec les problèmes temporels. Somath ne pouvait pas réussir son coup, et une fois son album écrit, il ne pouvait qu’attendre. S’il avait proposé cet album avant les groupes qui lui ont soufflé les éléments qu’il ajoute, il aurait changé le futur. Il n’aurait donc pas pu par la suite venir à notre époque et découvrir SHINING, DARKSPACE ou LIFELOVER. Il ne pouvait donc que le sortir après que son ancien lui ne soit venu dans notre présent. Ce qui est fait. Voilà, ISGÄRDE est black/ Très black. Mais pimenté de médiéval, cosmique, mélodique, torturé, haineux, froid, et mélancolique. J’ai aimé ! Il faut avoir un intérêt pour les petites formations pour partager mon avis.
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