Un réveil du pied gauche, une crève carabinée, des collègues de bureau lourdauds, un patron tyrannique, votre bagnole qui vous lâche en plein milieu de l’autoroute sur le chemin du retour : il y a des jours où, définitivement, rien ne va. Des jours où l’on ne cracherait pas sur un petit déferlement de violence façon William Foster sur le moindre badaud, pour la simple satisfaction de calmer ses nerfs. Fort heureusement pour vous, et pour le monde civilisé, il y a des disques-défouloir suffisamment puissants pour couper court à toutes vos pulsions et envies rouge sang. Ethan McCarthy s’est d’ailleurs fait véritable artisan de ces galettes pleines de colère sourde, purs plaisirs coupables voulant se faire plus veau que le reste du troupeau. Primitive Man et son Doom poisseux coupé à la Noise la plus viscérale, Clinging to the Trees of a Forest Fire et son Grindcore à vif… Le colosse américain, impressionnant tant par sa stature que par son organe, revient cette année avec un autre de ses projets parallèles, le bien-nommé Vermin Womb. Pour le plus grand plaisir des amateurs de tripaille et de blasts.
L’utérus avait déjà accouché d’un premier monstre, l’EP
«Permanence», sorti chez Throatruiner il y a deux ans et chroniqué dans nos pages. Un beau bébé de six titres et vingt minutes qui avait le mérite de faire le tour de la question, tout en posant les bases de l’univers du combo : Ni pitié, ni tendresse. Un amas de graisse, de tripes et de suie bien noire, servi par un son balourd, des rythmiques sans aucun temps mort, et toujours cette voix hallucinante, entre l’homme et l’animal. Deux ans plus tard, l’odeur rance est toujours tenace, de l’artwork macabre jusqu’aux extraits dévoilés les uns après les autres par les labels (il fallait bien l'assistance de Translation Loss Records pour porter à bout de bras un skeud aussi massif). Vermin Womb n’est pas là pour faire dans le complexe, mais simplement pour salir un peu le monde de la musique extrême en deux temps, trois mouvements. Et avec le sourire aux lèvres, s’il-vous-plaît !
Et de ce côté-ci, je n’ai rien à redire : le pari est remporté haut la main. Du format court au
full-length, l’objet n’a gagné que cinq minutes, signe que l’envie de
blitzkrieg est toujours bien présente. Le travail fourni sur le son reste dans la continuité de l’opus précédent, une batterie placée à l’avant-plan, bien que jouissant d’un son presque plus organique qu’auparavant, évitant à ce
«Decline» de sombrer dans le piège du mixage synthétique écrasant tous les autres instruments. Les guitares se répandent en marées noires de riffs gluants, bouillonnants (la partie centrale de « Rank & File »), entre notes laissées blanches pour accentuer la section rythmique (« Industrialist ») et charges bestiales (« Disrepair », hallucinante de folie furieuse). Et quand on entend la basse, elle fait plus figure d'une larve gigotant dans la base que véritable instrument de musique (la partie D-Beat de "Cancer"). Alternant toujours les assauts véloces et les passages plus pesants, Vermin Womb ne ménage pas l’auditeur, englouti dans les miasmes de l’album. Une léthargie nauséabonde à peine interrompu par les saillies vocales de McCarthy qui, définitivement, tient plus de la bête sauvage que de l’homme. Vous n'écoutez pas
"Decline".
"Decline" abuse de vous.
Pas besoin de faire dans le maquillage et les déclarations grandiloquents pour essayer d'être méchant : une guitare, une basse, une batterie, et une voix suffisent. Théorème que Vermin Womb démontre avec brio : l'album est bête et méchant, violemment gratuit, mais avec ce petit quelque chose en plus, déjà présent sur
"Permanence". Une sorte de délire scabreux exploité par le frontman dans ses artworks (la pochette du précédent était gratinée) comme dans ses oeuvres personnelles (qu'il réalise sous le nom de
Bag Man). La masse musicale garde la puissance d'un char blindé en pleine course. Mais si l'on y regarde de plus près, l'alliage est couvert de rouille, et les asticots commencent à attaquer les pilotes, du moins ce qu'il en reste. Vermin Womb est à l'image de ses artworks : putride, chancelant, titubant comme un cadavre qui se dépiauterait à la moindre secousse ("Slave Money" et ses guitares presque saoules me font un peu cet effet).
"Decline" est un disque fast-food. On l'écoute vite, bien, on sait que ce n'est pas bon, mais rien ne peut nous arrêter. Et, en guise de bonus, l'odeur comme la texture du gras industriel collent à la peau des heures après. Si ce bestiau n'est pas vraiment du genre à se laisser écouter plusieurs fois de suite pour en saisir les nuances, et même s'il perd un peu de son effet de surprise au fil des déshabillages, il est suffisamment chargé en sadisme et en compositions coup-de-poing pour coucher l'auditeur. Une raclée pure et simple, un bon défouloir, dans la plus pure tradition de son frontman - Donc, une très grande réussite.
Sur ce, je vous laisse, je vais prendre une douche.
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