Ars Moriendi - Sepelitur Alleluia
Chronique
Ars Moriendi Sepelitur Alleluia
S’il y a une chose dont on peut être sûr quand on s’attaque à un nouvel album d’ARS MORIENDI, c’est qu’on va trouver un travail solide, peaufiné, structuré, et carré au poil de guitare. C’est ce qui rapproche son maître à penser touche à tout musical Arsonist de Vladimir Cachet de MIRRORTHRONE et UNHOLY MATRIMONY. Ils travaillent tous les deux lentement mais sûrement, trafiquant les sons, réfléchissant aux bruits, aux petits détails et à chaque élément qui pourrait rendre une composition meilleure. Arsonist et Vladimir sont des perfectionnistes qui n’ont besoin de personne d’autre, ou presque, pour créer des pièces musicales talentueuses.
Mais si Vladimir n’est pas très actif récemment, n’ayant sorti depuis 2009 qu’un album : The Crushed Harmony pour son autre projet WEEPING BIRTH, Arsonist est un peu plus régulier, sortant habituellement un album tous les 3 ans depuis 2008 et L’Oppression du Rien. C’est avec un tout petit peu d’avance que sort donc ce 4ème essai, un Sepelitur Alleluia de 5 pistes qui est à nouveau un véritable bijou pour les auditeurs patients, attentifs et ouverts aux petites expérimentations.
Comme à son habitude, Arsonist s’est attelé à des morceaux longs, qui évoluent et se dévoilent le long de 9 ou 10 minutes. Sauf que cette fois-ci, il est allé puisé dans ses réserves et tout au fond de son inspiration pour lâcher un morceau qui totalise 18 minutes. C’est le dernier de l’album, « Fléau français », titre qui comme les autres revisite le dark black atmosphérique progressif. Il est un peu long, mais comme je le disais, le travail est tellement bien organisé qu’il s’écoule de la plus naturelle des façons, alternant passages agressifs et autres plus contemplateurs. Cette piste est ouverte à divers styles, et fait même une incursion dans le monde de... MISANTHROPE. Je vais peut-être me sentir seul sur cette comparaison, mais le chant en français y est pour quelque chose. Les riffs à tendance deathouille aussi. Un bon titre, mais pas le meilleur. J’hésite encore entre « Sepeliture », « Ecce Homo » et « Je vois des morts ».
Le talent de « Sepeliture », première plage, vient d’abord de son introduction, très mystique. ARS MORIENDI a toujours fait attention à ses entrées en matières, mais là, les deux premières minutes de l’album forment une introduction divine. Portés par un orgue, elles proposent d’abord un chant lyrique féminin, vite enchainé par une voix masculine presque marmonnante, très froide et triste comme chez un ELEND. Puis l’explosion musicale attendue est libérée. C’est un typhon incontrôlable qui vient faire le ménage quelques instants. Pas trop longtemps, n’oubliez pas que le groupe aime tenir ses instruments et placer dès que possible des petites gorgées mélodiques agréables. Et ça repart, et ça break, et ça rerepart. Millimétré pour éviter l’ennui et maintenir l’attention ! Agressivité, douceur, sentiments...
L’énorme qualité de « Ecce Homo », à part celle de mêler le chaud et le froid comme d’habitude, est l’intervention surprise de cuivres. Vous allez vous prendre une trompette et un saxophone par derrière, et à plusieurs reprises en plus, pour un résultat délicieux. On avait déjà entendu ces instruments chez des SIGH ou des SHINING. C’est aussi jouissif, voire plus sur ce morceau. Au bout de 10 écoutes, je continue de sortir un « Raaaah » de ma bouche à chaque fois. « Raaaah, c’est bon ! ». Bravo aux invités, des personnes très proches du maestro, qui ont démontré tout leur talent, et ce jusqu’aux dernières notes du morceau. Ils éclipsent presque le bon travail sur la basse, mise plus en avant qu’à l’accoutumée ici...
« Je vois des morts » m’a principalement marqué pour les paroles. On pourra trouvé ça simpliste lu dans une chronique, mais incorporé dans le morceau et déclamé à la façon Arsonist, c’est fort : « Je vois des morts / Autour de moi, il n’y a que ça / Je vois des morts / Ils me touchent, ils me parlent, je suis las »... Sur ce titre encore plus que sur les autres, les paroles sont justement très audibles, et raviront ceux qui comme moi bénissent la langue française dans le metal. L’autre caractéristique du morceau vient de sonorités électroniques et du final très contemplatif, qui je ne sais pour quelle raison me fait apparaître Mel Gibson version L’Arme Fatale sur une plage au paysage crépusculaire. Je n’ai pourtant pas bu...
Le 5ème morceau est « A la Vermine ». Il m’a moins touché, peut-être à cause de son ambiance un peu trop death pour mes oreilles, peut-être parce qu’il n’a pas le charme des autres morceaux. Bon, mais en dessous du reste.
D’autres reproches ? Si peu. Le résultat sonore de l’ensemble pourra paraître trop synthétique. Mais peut-il en être autrement avec un tel musicien chevronné seul pour tout organiser et agencer. Son perfectionnisme freine le côté organique de la musique ainsi que l’impulsivité.
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