Début tout en douceur, avec gratte acoustique délicate et lead en fines touches mélancoliques. Puis arrivent les gros biscotos électriques, provoquant des remous dans la cuve à adrénaline: le pur-sang commence à piaffer dans l'écurie, ça sent la baston … Et enfin résonne l'injonction libératrice:
« What's the hell's going on around here ? »
…
« Muthafuckaz » a-t-on envie de rajouter, quand on connait les loustics …
C'est ainsi que démarre cet album phare du mouvement crossover, où cinq bad boys de Venice, Californie, mélangent avec conviction hargne hardcore, puissance thrash, mélodies entêtantes et engagement punk en une mixture osmotique parfaite. Eh, mais revenez !! Certes sur le papier, la recette pourrait évoquer à ceux qui étaient encore dans le scrotum paternel dans les années 80s le spectre metalcore, mais rien à voir, croyez moi! Ca respire l'authenticité, la rage et la sueur ici. Et le défrichage musical aussi: avant ce 4e vrai album de la bande à Mike Muir – que beaucoup, dont moi, considèrent comme étant l'album phare du groupe -, jamais skateurs en short, thrasheurs patchés et gangsta coreux n'avaient eu à leur disposition une œuvre aussi fédératrice pour partager les pits lors d'intenses concours de pêtage de cervicales.
Après des débuts beaucoup plus marqués street fight punky - donc moins aptes à capter l'intérêt du fan de
Megadeth -, les suicido-maniacs se mettent, à partir de la toute fin des 80's, à déplacer les fondations de leur musique vers un metal franchement plus couillu, dont la moelle épinière est la toute-puissante guitare rythmique de Mike Clarke, et dont l'âme réside en ces leads et soli jamais démonstratifs mais toujours nécessaires de ce sacrément bien nommé Rocky George. Néanmoins la bad boys attitude n'est pas pour autant reléguée au placard: Mike Muir, aux prêches et harangues sans égales, apporte derrière le micro le restant d'identité qui fait que Suicidal Tendencies est ce qu'il est. Sa tendance à partir parfois dans des lignes plutôt aigues et « geignardes » (
« Give it revolution », « Emotion No. 13 ») en énervera certains, mais personne ne peut remettre en cause son sens du placement, son débit sans faille, la pertinence de ses speechs charismatiques ni la dynamique et l'apport mélodique provenant de ses interventions (
« Lovely », « Get Whacked »). Dernier des 4 mousquetaires qui fera les belles années du ST gang (
Désolé mais Mr Herrera n'a pas, derrière ses fûts, le même impact que les autres membres, d'où mon silence poli…), le futur Ozzy Osbourne, futur-
Metallica Robert Trujilo fait entendre à intervalles réguliers sa science bassistique marquée au fer rouge du funk (
« Send Me Your Money », « Lovely ») tout en n'ayant pourtant pas encore droit à la même exposition sonore que ses 3 autres comparses. Mais celui-ci aura par la suite sa revanche en jouant carrément le premier rôle au sein du parfaitement nommé Infectious Grooves, aux côtés de Mr Cyco Miko.
« Light…Camera…Revolution ! » est donc un album incontournable, pratiquement sans faille, qui propose en guise de démarrage un carré d'as à faire blêmir Lemmy. Attaque au foie avec l'hymne fédératrice « You Can't Bring Me Down », véritable déclaration d'intention on ne peut plus efficace. Suivent le mid-tempo dévastateur « Lost Again » - qui incite au plus incoercible des headbangs bovins – et « Alone », pur joyau renfermant la plus incroyable montée en puissance mélodico-rythmico-émotionnelle entendue d'oreille de vieux lapin jaune – que même que ça m'a collé des boules grosses comme ça dans la gorge la première fois que je me suis remis l'album au casque pour vous concocter cette chro les enfants! Le plus léger (
de ton) « Lovely » nous achève (
alors qu'on n'en est qu'au 4e titre!) à coups de basse hyper joufflue, d'un travail démentiel de complémentarité rythmique/lead (
écoutez moi le résultat à 1:53, puis lors des soli) et d'accroches mélodiques imparables (
« La-la-la ! »).
Et c'est finalement la seule faiblesse de cet album: proposer un début si intense, si annihilateur que, aussi bonne que soit la suite – et elle l'est croyez moi ! –, elle ne peut qu'être éclipsée par ce départ en trombe. M'enfin cela n'empêche pas de s'enfiler avec bonheur le dynamisme et les mélodies vindicatives de « Get Whacked », ou l'hyper véloce et complètement thrash « Disco's Out, Murder's In » (
'tain mais il n'y aurait pas un poil de riffing à la Sodom ici?). Ca n'empêche pas non plus de savourer l'incontournable « Send Me Your Money », qui bien que pas hyper folichon sur un strict plan musical - ce morceau a d'ailleurs été entièrement écrit par Mike Muir - est une fantastique démonstration grandeur nature des talents du bonhomme, pleine d'un sympathique mordant et d'un dynamisme de tous les instants. Il faudra quand même signaler également, aux rangs des imperfections, une prod' un peu vieillotte qui fait ce qu'elle peut mais qui aurait gagné à être plus puissante, et une conclusion un peu mitigée sous forme d'un « Go'n Breakdown » pas des plus inspirés.
Il n'en reste pas moins que cet album reste référentiel, et que je me fais vraiment violence pour ne lui mettre que 9 afin de tenir compte de ses défauts. Que les allusions au hardcore et aux gangsta-teries ci-dessus évoquées n'effraient pas les plus hermétiques d'entre vous : l'album est très largement plus orienté metal que street music, le niveau de Mrs Trujilo et George étant quand même une sacré garantie de qualité. Laissez-vous donc aller à vos tendances suicidaires …
10 COMMENTAIRE(S)
03/09/2018 20:14
Ah lala mais on touche pas à R.J. Herrera putain !!!! Jamais de la vie !!!!!!!!!!!!!!!
03/07/2017 22:07
1990 en force!!!!!!!!!!!
30/04/2009 11:36
18/07/2008 16:14
"Sounds ..." et "Among ...", rien à voir l'un avec l'autre, mais deux monstres que je mets au même niveau.
Thomas Johansson a écrit : Ah sinon, histoire d'en rajouter une couche, "Give It Revolution" arrive en 2ème position des meilleurs titres de "Lights" !
Aïe aïe aïe, sacrilège !!!
18/07/2008 16:09
Ahaha, ceci dit "Goin' Breakdown" est en effet assez moyenne pour conclure l'album. Sinon je m'aperçois que j'ai des goûts parfois en décalage par rapport aux classiques du genre mais ça peut s'expliquer. "Souls Of Black", "Sound Of White Noise" et "Impact Is Imminent" sont les premiers albums que j'ai écouté de chaque groupe et l'effet première fois a joué à plein. J'ai réalisé plus tard que beaucoup de metalheads leur préféraient "The New Order", "Among The Living" ou "Bonded By Blood". Moi je reste sur ma première impression et je continuerai à vénérer ces albums là, même si j'aime beaucoup les autres également.
Ah sinon, histoire d'en rajouter une couche, "Give It Revolution" arrive en 2ème position des meilleurs titres de "Lights" !
18/07/2008 16:00
Heureusement que ma tendre épouse ne lit pas Thrasho !
18/07/2008 15:56
18/07/2008 15:55
C'est dingue !!! Comment est-il possible d'aimer autant le même style et - souvent - les mêmes albums et être pourtant aussi peu d'accord sur les pépites du genre ... Tu n'aimes pas "Practice" de Testament, alors que je l'adule. Tu considères "Only" et "Black Lodge" comme les chefs d'oeuvre de "Sound of White Noise" alors que pour moi ce sont 2 titres un peu mous du genou, et maintenant tu dis préférer "Emotion No. 13" que je n'ai cité ici - à dessein - qu'en illustration d'un petit point faible du chant de Mike, alors que pour moi c'est le titre le plus faible - après "Go'n Breakdown" et à égalité avec "Give It Revolution" ...
On est des jumeaux, mais plus en complémentarité qu'en similarité !
18/07/2008 15:47
18/07/2008 14:24
Depuis le temps qu'il faut que je me le chope...