Decem Maleficium - La Fin De Satán
Chronique
Decem Maleficium La Fin De Satán
Si pendant longtemps le Brésil a dominé la scène Metal d’Amérique du sud le Chili n’a désormais plus rien à lui envier en qualité comme en quantité, celui-ci proposant pléthore de styles allant du classique formaté jusqu’à des choses plus surprenantes, à l’instar de DECEM MALEFICIUM. Sous ce nom en Latin se cache un sextet venu de Santiago à l’existence particulièrement mouvementée, car après des débuts lors de l’an 2000 il a ensuite sorti une Démo et un EP avant de totalement s’arrêter en 2007, pendant pratiquement dix années. Revenu aux affaires avec un personnel largement renouvelé, il faudra encore attendre un peu pour qu’il propose du nouveau son, d’abord avec un single puis enfin via ce premier album qui aura donc mis presque deux décennies avant de voir le jour. Sorti d’abord de manière indépendante durant le mois de mai, ses créateurs font désormais partie du catalogue des Acteurs de l’Ombre qui va sans nul doute leur apporter une visibilité méritée, car la musique du combo est particulièrement originale et travaillée, et rien que cela mérite d’être signalé à une époque où beaucoup se contentent de faire du neuf avec du vieux.
Evoluant originellement dans un Doom/Black des plus classiques la formation a conservé cette trame tout en y ajoutant une grosse base mélodique et lumineuse, qui va être d’ailleurs le point fort de cet opus. Car si les parties plus violentes et rapides sont relativement classiques et passe-partout dans leur interprétation, celles-ci vont régulièrement s’effacer au profit d’ambiances spatiales éthérées, portées par des longues cavalcades de leads aériens et mélodieux. On va d’ailleurs remarquer cela très rapidement au sein de l’étonnant « The Ceremony » qui ouvre cette galette, car si au départ on est en présence d’un Metal noir froid et glacial où se succèdent blasts et parties rapides énervées d’obédiences martiales, la seconde moitié de ce titre va prendre tout le monde à revers. En effet elle n’a rien à voir avec ce qu’on a pu entendre jusque-là (qui était sympathique et bien foutu, à défaut d’être grandiose) puisqu’elle débute tout d’abord sous la forme d’un break salvateur, où les notes douces et mélodieuses apparaissent dans une ambiance apaisante et planante. On se retrouve ici embarqué en plein voyage vers des territoires inconnus où l’on plane littéralement au milieu d’une batterie douce et surtout d’un très long solo particulièrement fin et fluet, qui donne la sensation d’être léger comme une plume dans cet univers étrange et onirique (porté par un clavier discret et sobre). Se terminant par ce moment de bien-être artistique et spirituel ce morceau d’ouverture donne le ton de la suite, d’abord en s’étirant sur une durée assez conséquente (pour se dévoiler totalement) et surtout en mettant en avant un schéma qui va se répéter par la suite, où les passages plutôt directs et rentre-dedans vont succéder dans un sens comme dans l’autre, à ceux plus posés et enivrants.
Si la construction finit par se montrer légèrement répétitive et prévisible sur la longueur, la qualité des plages instrumentales évolue positivement au fil de l’avancée de cette réalisation, comme avec le remuant « Instinct » plus industriel et synthétique (où la voix haranguée amène un surplus de brutalité pas déplaisant), au grand-écart des plus marqué. Si la violence se fait entendre elle disparait ensuite pour laisser place à une longue piste planante, portée par un jeu de guitare fin et spirituel (que n’aurait pas renié David Gilmour des PINK FLOYD), sentiment que l’on retrouve plus loin avec le sombre « After The Chaos ». Avec un nom pareil on se doute bien que la noirceur va être plus importante et c’est effectivement le cas, vu que les arpèges nuageux et cosmiques ouvrent le bal avant que les rafales de blasts ne retentissent de l’autre côté afin de prendre le relais, mélangeant donc les harmonies entre espoir et désespoir. Misant toujours sur une variation extrême, l’avancée vers la conclusion finale va être de plus en plus intéressante, même s’il va falloir s’accrocher pour en saisir toutes les subtilités qui vont se présenter, tant elles vont monter en nombre et en technique. En effet on va avoir droit à des plans quasiment free-jazz sur « The Birth Of The Cursed Book » (porté là-encore par un clavier qui se fait discret et qui amène un vrai supplément d’âme), épiques sur « Denial Tragedy », et même synthétiques sur « Before The Chaos » où la reverb’ des voix (notamment chuchotée) renforce le sentiment d’oppression.
On aura donc compris que l’aventure auditive proposée ici n’est pas de tout repos, et il va falloir beaucoup de patience et persévérance pour arriver à la décrypter intégralement. Il n’est en effet pas évident de s’enquiller ce disque d’une seule traite, car il est difficile de lui trouver un point d’accroche précis, cela requiert donc un certain recul pour qu’il soit totalement appréhendé et apprécié, au risque de rebuter pas mal de monde lors de l’écoute initiale. Cependant avec une certaine ouverture d’esprit on sera forcé de reconnaître le haut niveau technique de chacun des membres ici présents qui ont mis la barre très haut, parfois à la limite du trop-plein mais sans jamais basculer du mauvais côté. Entre un batteur très complet qui propose nombre de patterns inspirés du Prog’, et des guitaristes d’une précision chirurgicale (que ce soit sur les riffs, harmonies ou leads à la beauté vénéneuse), il n’y a pas grand-chose à leur reprocher, à l’instar des alternances de voix. Celles-ci passent sans coup férir du cri au growl, en passant par la sensualité et la discrétion, et il faut saluer la qualité des transitions des deux acolytes qui se font sans faute de goût. Du coup on ne peut que s’incliner devant le boulot accompli que ce soit pour l’écriture comme les arrangements, portés par une production moderne mais loin d’être bourrative, qui se montre assez bien adaptée. Alors oui les plans et breaks sont assez similaires, l’ensemble s’éternise parfois inutilement mais malgré ses défauts le concept osé des Chiliens est dans l’ensemble réussi, et fait plaisir à entendre dans cette époque aseptisée dans de nombreux domaines. A voir maintenant si cela restera un coup d’épée dans l’eau ou s’ils réussiront dans le futur à continuer sur cette lancée, dans tous les cas il serait dommage de ne pas se pas pencher sur cette création (où luminosité et ténèbres cohabitent) qui ne manquera pas de diviser, signe d’une vraie authenticité.
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