En l’espace de deux albums sortis via Les Acteurs De l’Ombre Productions, les Bordelais de The Great Old Ones se sont bâti une solide réputation grâce à un Black Metal bien souvent affublé du préfixe "post". A travers un univers extrêmement riche basé sur la littérature fantastique d’H.P. Lovecraft ainsi qu’une mise en pratique toute personnelle (notamment sur l’excellent
Tekeli-li), le groupe a très vite su trouver son public que ce soit en France où même à l’étranger où The Great Old Ones a pas mal tourné ces derniers mois.
Fort de ce succès, rien d’étonnant à ce que le groupe se voit courtisé par d’autres structures mieux implantées. Si on imagine très bien que les Bordelais n’ont eût que l’embarras du choix, ces derniers ont néanmoins souhaité faire équipe avec Season Of Mist, un autre label français dont le réseau de distribution s’étend bien au-delà de notre territoire.
Intitulé
EOD : A Tale Of Dark Legacy, ce troisième album s’intéresse à la célèbre et inquiétante Innsmouth, petite ville côtière du Massachussetts imaginée par Lovecraft dans une nouvelle publiée en 1936 et intitulée "The Shadow Over Innsmouth". Cette œuvre littéraire relate ainsi l’histoire de Robert Olmstead, un jeune homme parti à la découverte de ses origines et dont le périple va le mener dans une petite ville étrange, autrefois rendue célèbre pour ses pêches fructueuses mais désormais évitée de tous. Il va alors très vite découvrir que la population de cette petite bourgade est aujourd’hui marquée par des difformités physiques inexpliquées et que cette dernière a troqué le Christianisme au profit d’une religion occulte répondant au nom de l’Ordre Ésotérique de Dagon (Esoteric Order of Dagon - EOD).
"I’m finally here. I’m finally in Innsmouth". Voilà ce qu’annonce la voix de Benjamin Guerry, guitariste/chanteur de The Great Old Ones et narrateur attitré de la formation sur la courte introduction baptisée "Searching For R. Olmstead". 25 secondes de cordes pincées/frottées appuyées par l’arrivée de voix fantomatiques qui suffisent à instaurer un certain sentiment d’effroi avant même que ne démarre ce nouveau récit imaginé pour l’occasion par les Bordelais. Car avec
EOD : A Tale Of Dark Legacy, le groupe se propose de nous raconter la suite du célèbre écrit de Lovecraft à travers les yeux d’un descendant de Robert Olmstead. Encore une fois, on ne peut que saluer le travail abattu pour s’approprier et rendre intéressant un univers pourtant maintes et maintes fois abordé dans la scène Metal. Une tâche colossale que le groupe a toujours assumée seul, de l’artwork signé une fois de plus du guitariste/chanteur Jeff Grimal à l’écriture par Benjamin Guéry de cette histoire librement inspiré par le célèbre auteur américain.
Alors que je ne m’attendais pas à être particulièrement surpris à l’écoute de ce nouvel album, je dois pourtant bien reconnaître que le rythme soutenu ainsi que la noirceur qui caractérise ce
EOD : A Tale Of Dark Legacy m’a tout de même interpellé. A l’image de cet artwork sombre, menaçant et tentaculaire, la majorité de ces nouveaux morceaux corsent le ton là où nous étions habitués à un groupe plus en subtilités et en demies-mesures. Et si cet aspect de la personnalité de The Great Old Ones n’a pas pour autant disparu (nombreuses sont effectivement les séquences moins en tension où règnent une certaine lumière, un certain calme), on ne peut que s’enthousiasmer face à ce visage plus sombre et agressif que revêt aujourd’hui le Black Metal des Bordelais. Blast-beats haletants, jeu de cymbales qui frise souvent l’épilepsie, enchevêtrement de voix arrachées et gutturales ainsi qu’une atmosphère sombre et pesante viennent ainsi apporter à ce troisième album une aura encore bien différente de celles de ses prédécesseurs.
Ce n’est peut-être pas grand-chose dit comme ça, mais réussir à jouer autant sur les atmosphères tout en restant cohérent et fidèle à sa musique nécessite tout de même une vision d’ensemble que peu de groupes cherchent à acquérir. D’autant plus que The Great Old Ones s’applique à chaque fois à nous raconter une histoire c’est à dire à mettre en musique des écrits, à rendre vivant et concret par ses compositions des sentiments (folie, angoisse, peur, renoncement...), des personnages (un caractère principal souvent au cœur de la tourmente ainsi qu’un bestiaire de monstres venus des profondeurs) et des situations dans lesquelles on va alors retrouver ces quelques protagonistes. Comme avec
Al-Azif et
Tekeli-li, le groupe nous transporte dans son univers grâce à un Black Metal narratif et figuratif fait d’une multitude de détails (il n’y a qu’a voir le soin apporté aux arrangements - clavier, guitare acoustique, narration, sample...) qui va rendre tangible et palpable les vicissitudes de personnages bien souvent dépassés par les évènements auxquels ils doivent faire face. Telle une œuvre cinématographique, la musique de The Great Old Ones suit une trame bien définie faite de moments forts et de séquences plus en retenues. Un lien puissant entre musique et narration qui rend l’immersion dans l’univers des Bordelais extrêmement aisé.
Semblable à ses prédécesseurs et pourtant différents par bien des aspects,
EOD : A Tale Of Dark Legacy est une fois de plus un album particulièrement réussi. A travers ces trois œuvres, The Great Old Ones a su s’approprier un univers déjà maintes fois abordé par le passé. Il faut dire que les Bordelais sont allés bien plus loin que la plupart des autres groupes dans l’interprétation de l’œuvre de Lovecraft. Avec ce troisième album, le groupe continue ainsi son exploration du mythe lovecraftien sans jamais donner le sentiment de tourner en rond. Au contraire,
EOD : A Tale Of Dark Legacy dévoile un visage plus sombre et plus agressif qui laisse ainsi entrevoir un éventail encore plus large de possibilités. S’il ne cherche pas à surprendre, The Great Old Ones réussi pourtant à créer la surprise en étant là où on ne l’attendait pas forcément. Sachant que l’œuvre de l’écrivain américain est encore loin d’avoir été complètement exploitée par les Bordelais, on peut s’attendre à d’autres albums aussi prenants et immersifs.
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo