Tekeli-Li est déjà le deuxième album de The Great Old Ones. Celui-ci fait suite au surprenant et déjà très mature
Al Azif paru en 2012 et pour lequel mes confrères et moi-même nous étions montrés particulièrement enthousiastes. Comme on ne change pas une équipe qui gagne en si bon chemin, c'est tout naturellement que le groupe bordelais poursuit sa collaboration avec le label français Les Acteurs De l'Ombre pour ce successeur particulièrement attendu au tournant.
Première réussite, le soin apporté une fois de plus à cette nouvelle livraison. Si
Al Azif baignait dans les tons noir/vert bleutés,
Tekeli-Li joue lui la carte de l'art l'abstrait avec ces coups de pinceaux dont on devine les longues traînées. Fait de contrastes entre une couleur blanche rassurante presque apaisante et une couleur noire sinistre et quant à elle inquiétante, l'œuvre de Jeff Grimal (guitariste et chanteur au sein de The Great Old Ones) n'est pas aussi abstraite quelle le laisse penser de prime abord. Toujours librement inspiré par l'univers dérangé du célèbre HP. Lovecraft,
Tekeli-Li trouve sa source dans le livre "Les Montages Hallucinées", une œuvre datant de 1931 et racontant à la première personne l'histoire d'une expédition scientifique en Antarctique ayant mal tourné suite à la découverte d'étranges créatures. Dès lors, il devient facile de tracer un parallèle entre ce contraste de couleurs et cette histoire de monstres anciens et oubliés prenant place dans ce désert blanc implacable.
De fait, si
Al Azif explorait l'univers aquatique et tentaculaire du mythe de Cthulu,
Tekeli-Li à le mérite de s'intéresser à une œuvre peut-être moins (re)connue, changeant ainsi de thématique tout en restant toujours très proche de ce qui a fait la renommée de Lovecraft. Car en effet, il est toujours question ici de ces Grands Anciens, ceux qui ont évidemment inspirés le nom de la formation bordelaise.
Ainsi, le point le plus surprenant et en même temps le plus périlleux de ce nouvel album est d'avoir choisi de raconter une véritable histoire en prenant le parti pris de la narration en Français. Dès l'introduction "Je Ne Suis Pas Fou" l'auditeur est alors attrapé par la voix calme, posée mais troublée de Benjamin Guerry lui-même. Si l’exercice ne semble pas faire l’unanimité je dois pour ma part reconnaître que je trouve cela particulièrement réussi, un peu à la manière d’une lecture comme on peut en trouver à la radio. Ainsi, Benjamin nous amène avec lui et le reste des musiciens de The Great Old Ones dans cette histoire étrange et menaçante sans que nous puissions faire quoi que ce soit. L’immersion est totale d’autant qu’en musiciens soucieux des moindres détails, la musique suit naturellement l’évolution de l’intrigue. Ces cinq passages en Français ("Je Ne Suis Pas Fou", "Awakening" et "Behind The Mountains") viennent prendre place de façon complètement naturelle bien que le reste de l’histoire soit chantée en Anglais. Ces interventions permettent ainsi de conserver un pied dans l’histoire puisque le reste demeure difficilement compréhensible à moins d’avoir les paroles sous les yeux.
Album concept s’il en est,
Tekeli-Li ne néglige pas pour autant l’aspect purement musical, celui qui finalement nous intéresse le plus ici. Evidement, le résultat est peut-être moins surprenant aujourd’hui mais peut-être aussi plus convaincant que sur
Al Azif pourtant déjà très abouti lui-même. Difficile de vous expliquer véritablement le "pourquoi du comment" car la recette développée par The Great Old Ones n’a pas spécialement changée offrant ainsi ce même Black Metal atmosphérique et contemplatif. Sa force réside donc toujours dans l’équilibre et l’extrême qualité de ses différentes séquences, quelles soient mélodiques, agressives ou aériennes (un excellent travail de composition sur les riffs ainsi que les leads). Car malgré la longueur de ces titres qui dépassent allègrement les sept minutes, jamais je ne me suis surpris à trouver le temps trop long. Un atout évident dans un genre qui peine parfois à captiver sur la durée, la faute à des compositions souvent trop longues qui finissent fatalement par s’essouffler.
A thème différents, ambiances différentes. C’est probablement d’ailleurs en cela que je trouve
Tekeli-Li un poil supérieur à son prédécesseur. Alors qu’
Al Azif explorait les profondeurs marines de R’lyeh, fameuse cité engloutie,
Tekeli-Li préfère la froideur et la lumière saisissante des grands espaces blancs. Le travail sur les atmosphères n’est ainsi pas tout à fait le même puisque ce nouvel album se veut beaucoup plus lumineux et glacial. Un travail de tous les instants qui passe par une instrumentation riche et subtile. De ces trémolos du Grand Nord à ces envolées mélodiques et presque lointaines en passant par ces quelques séquences à la guitare sèche ou au violoncelle, The Great Old Ones appuie son histoire, celle inspirée de l’œuvre de HP Lovecraft, par une musique faite d’intrigues, de rebondissements, de moments de doute, d’angoisse, de sérénité, d’acceptation… Bref, une complémentarité évidente qui fait de
Tekeli-Li l’œuvre majeur du groupe français.
Enfin, soucieux du fond comme de la forme, il n'est pas étonnant de retrouver Cyrille Gachet à la production de ce nouvel album. Habitué à travailler avec des groupes de Post-Hardcore (Year Of No Light entre autre), ce dernier donne à The Great Old Ones toute la lisibilité nécessaire pour appuyer son propos que ce soit dans les instants les plus sauvages (une batterie très bien équilibrée avec une caisse claire au son sec et des toms plus ronds) ou dans ceux les plus aériens où les guitares doivent se faire lumineuses, diffuses et envoutantes. Un son finalement beaucoup plus Rock que Metal mais qui sied parfaitement à la musique du groupe.
Attendu au tournant par ceux qui souhaitaient savoir s’il serait capable de faire au moins aussi bien si ce n’est mieux, The Great Old Ones vient de confirmer qu’il n’y avait pas matière à discussion. Le groupe s’impose avec aisance dans un genre que l’on croyait dominé par la scène américaine. A l’heure ou Wolves In The Throne Room s’apprête justement à sortir un album risquant de faire couler beaucoup d’encre, nul doute que The Great Old Ones risque de s’imposer comme l’une des références majeures en la matière.
Plus spécifiquement,
Tekeli-Li est une franche réussite car il est une prise de risque, une certaine forme de remise en question pourtant pas nécessaire si l’on considère que deux ans seulement séparent les deux albums du groupe. Bravo messieurs pour ce résultat peut-être pas inattendu mais au moins au delà de nos espérances.
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