Pyriphlegethon - The Murky Black of Eternal Night
Chronique
Pyriphlegethon The Murky Black of Eternal Night
Si Mories devrait se réincarner, ce serait incontestablement en hydre. Un monstre obscur, viscéral et marécageux avec ses innombrables têtes qui sont autant de projets. Ganw Their Tongues, De Magia Veterum, Seirom ou encore Cloak of Altering, la liste est longue – sans compter les collaborations ainsi que les featuring. Et, parmi ses nombreuses incarnations, se cache le souterrain Pyriphlegethon avec lequel le Néerlandais vient de sortir un second album, The Murky Black of Eternal Night, sur Iron Bonehead Productions – label « Deutsche Qualität ». Cristallisant l'essence black metal de la scène de fin 80/début 1990, ce dernier suit la droite lignée du prometteur EP, Rivers of the Infernal Kingdom, paru en 2014. Une belle montée en puissance après un premier essai en demi-teinte.
Ce fait est dû notamment à une production moins raw et davantage équilibrée, mais gardant ce côté organique, qui apporte une meilleure lisibilité. Les ambiances beaucoup plus présentes et travaillées prennent donc de l'ampleur et vous enveloppent durant votre court, mais intense, voyage en Enfer, le long de ce fleuve flamboyant. Certes, Mories – seul maître à bord que ce soit pour la musique, l'écriture ou encore les illustrations – reste ancré sur ses bases mais fait évoluer son propos sur The Murky Black of Eternal Night, Pyriphlegethon gagnant en personnalité. L'écriture est plus fluide et un fil conducteur se dessine au fil des minutes : introduction instrumentale (« Curse Of The Old Coffin ») vous plongeant d'emblée dans l'univers de cette sombre entité, suivie des notes très éthérées et irréelles de « Monument Of Death » ou encore interlude inquiétante, au titre évocateur, semblant toute droit sortie d'un vieux film d'horreur (« Return To The Tomb »). Les rouages se mettent en place laissant entrevoir davantage d'homogénéité et une envie de fédérer les foules à travers des compositions variées et accrocheuses. En effet, chacune d'entre elles se démarque par des changements de rythme (le contraste entre « The Serpent's Tongue », avec ses riffs très abrasifs limites death, et l'enjôleur « Summoning Ancient Evil », par exemple) ainsi que par les différentes atmosphères instaurées. Touchant au céleste (« Monument Of Death »), embrassant l'horrifique avec un aspect grandiloquent parcourant l’œuvre (les nappes de synthétiseur venant souvent en soutien), l'influence des scènes grecque et norvégienne (Manes sur « Summoning Ancient Evil ») se fait nettement sentir, de même que la patte très perceptible du Néerlandais (cf. le court format de Pyriphlegethon ou bien son autre projet De Magia Veterum).
Seulement, à cette toile de fond vient se greffer des éléments qui apportent un contraste fort, faisant également le sel du projet, par des sonorités bien raw, le chant de goule de Mories, des riffs souvent arrache-gueule ainsi qu'un jeu de batterie des plus primitifs. Un mélange à la fois hétéroclite et vicieux exhalant des miasmes aussi addictifs que mortels notamment en première partie d'album où les ambiances racées tiennent le beau rôle. Car tout paraît être fait pour accrocher l'auditeur tant dans les parties ou titres hypnotiques (« Summoning Ancient Evil » donnant envie de fermer les yeux et de se laisser porter) que ceux plus bruts de décoffrage à l'essence punk – renvoyant à des groupes tels que Bathory (première période) – déjà présente dans les précédentes réalisations. Et, si les notes de synthétiseur relient l'ensemble, The Murky Black of Eternal Night offre deux facettes entrecoupées par l'interlude instrumentale, aux notes désarticulées, « Return To The Tomb ». Un changement en douceur et cohérent où l'aspect cru et bestial prend le pas sur le reste. Le climat se fait effectivement plus lourd et des vapeurs chargés de soufre vous engloutissent rapidement dès le morceau titre très rageur. Cependant, comme dit plus haut, l'efficacité tient la dragée haute et les compositions certes davantage âpres et intestines s'insinuent vicieusement dans vos crânes au fil des écoutes. Les lignes de batterie simplistes et martelées de façon mécanique jouent beaucoup dans cet asservissement des masses, appelant à dresser le poing, secouer mollement la tête (« Cursed Blood ») ou headbanguer violemment. Certains riffs incisifs ainsi qu'effets bien sentis viendront achever cette entreprise de destruction, montant crescendo dans la crasse ambiante avec en particulier la paire « The Coldest Grave »/« Night On The Black Mountain » qui clôture l'album et sonne comme un vibrant hommage au black metal d'une certaine époque.
En cela, The Murky Black of Eternal Night est une franche réussite et rassasiera les amateurs et amatrices de black metal fangeux et atavique prenant racine dans la fin des années 80/début 90. J'avoue avoir une préférence pour la première partie d'album où la personnalité du projet se fait nettement plus sentir. En espérant que Mories creusera davantage ce sillon tout en gardant cette essence singulière.
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