J'avais une revanche à prendre. En effet, par deux fois j'ai eu l'occasion de voir en concert Birushanah accompagné de Monarch!, et par deux fois la rencontre s'est soldée par un échec. La première, en raison d'une discussion entre amis trop bonne pour que j'ai envie de l'arrêter afin d'assister à la prestation des Japonais ; la deuxième car, gavé de bonheur par Monarch! ainsi que les quelques bières ingurgitées, je n'étais plus réceptif à écouter musique aussi étrange, « japonaise », les essais de plongées se soldant par un retour sec à la réalité.
J'aurais donc pu rester sur ces frustrations, mais la parution de ce split marquant la fin d'une tournée commune entre les Français (qu'on ne présente plus) et les Japonais (qui gagnent encore à être connus) a changé les choses. Sans éléments extérieurs interférant avec la musique de Birushanah, celle-ci étant en plus présentée en première afin de laisser à Monarch! le soin de porter le coup final, les conditions pour être charmé par son style particulier sont enfin réunies ! Et cette intimité profite clairement à « Ransho » : bourrées de saveurs inédites, mélangeant le cru et le cuit, ses quinze minutes s'apprécient exclusivement le cerveau en éveil, prêt à rebondir avec la même souplesse que le groupe d'Osaka et ses expérimentations. Prenant pour base un metal on-ne-peut-plus old school (à croire que le temps s'est figé dans l'archipel, pour s'arrêter à la fin des années 80), ce titre tord les références canoniques et une ambiance de chevalier pourfendant les impies au gré de ses lubies, allant de la lourdeur presque drone à l'industriel le plus rudimentaire (cette rythmique jouée sur de la tôle présente en continue). Un peu comme si
Sabbat et
Legion of Andromeda avait créé un projet commun, la bande accumule voix heavy, guitares métalliques, batterie frappée comme à l'usine, avec un naturel rendant l'exercice évident. Certes, je me vois mal apprécier tel déballage à l'échelle d'un album, tant je le sens dur à avaler sur la longueur. Mais, durant « Ransho », Birushanah parvient à laisser s'exprimer ses qualités sans lasser. Aussi épique que fou-à-lier en somme, laissant en suspension la question suivante : Monte-t-il sur son destrier pour chasser des dragons ou des moulins ?
Il ne faudra pas attendre de Monarch! une réponse, ce dernier épaississant davantage le mystère. Une chose est cependant sûre : oubliez toute idée d'héroïsme en pénétrant dans la forêt « Konton Daggers ». Aussi inquiétante qu'enchanteresse, elle enveloppe de son aura sans âge, donnant aux mélodies des Français, de plus en plus comparables à un Warning languissant, une lourdeur poussiéreuse évoquant Thergothon et Tyranny. Seule guide dans ce marasme où l'émotion borde les yeux, Émilie chante de sa voix enfantine et ulcérée, terrible sirène de ces lieux, emmenant par la main pour mieux nous emprisonner. Non,
Sabbracadaver n'était décidément pas un coup d'un soir. Oui, Monarch! est décidément un grand parmi les grands, anciens évidemment, où laisser les géomètres s'accroupir en position fœtale et les amateurs de doom se faire croquer de plaisir, tétanisés. Je n'en dirai pas plus, telle musique à la fois féerique et diabolique ne se décrivant pas sans tomber au fur et à mesure dans un parfait ridicule. La suite, paraît-il, arrive bientôt : je n'en peux déjà plus d'attendre !
Si le doom est le genre « metal » littéraire par excellence, alors ces deux titres sont à voir comme deux nouvelles introduisant un roman à venir : jet d'idées ; cohérence d'ensemble qui se devine plus qu'elle se présente frontalement ; esquisse d'un univers plus grand ; sentiment final d'avoir envie de continuer le voyage entraperçu ici. Mais laisser affamé est un défaut qui, généralement, montre aussi la qualité de ce qui nous a été présenté, si délicieux qu'on en redemande ! C'est en tout cas certainement l'effet que font ici Monarch! et Birushanah, ce split étant indispensable pour qui aime le lourd et le lent ainsi qu'un peu d'aventure. En route !
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