Un an après la sortie de
Vinterskugge, une compilation présentée sous la forme d’un premier album réunissant en fait plusieurs démos dont deux restées jusque-là inédites (
Vandreren enregistrée en 1993 et
Horizons enregistrée deux ans plus tôt), Fenriz revient avec un nouvel album intitulé
Høstmørke. Un disque qui malheureusement signe déjà la fin de cette épopée mêlant Black Metal d'ivrogne halluciné et folklore norvégien.
Toujours seul maître à bord, Fenriz va choisir de mettre un terme à sa relation avec Deaf Records/Peaceville Records pour aller rejoindre les rangs de Moonfog Productions, petite entité fondée en 1992 par son ami Sigurd Wongraven (aka Satyr) de Satyricon. Un rapprochement somme toute assez naturel quand on connaît le respect qu’on les deux hommes l’un pour l’autre. D’ailleurs, une partie des titres de ce
Høstmørke lui sont même dédiés.
Pour ce nouvel album, Fenriz a troqué sa toge, son bâton de berger et la fôret norvégienne pour aller poser, les bras croisés dans une attitude emplie d’une certaine fierté, devant un chalet perdu dans les montagnes désertées de son beau pays. Si le décor a donc quelque peu changé, l’attachement que porte Fenriz à sa Norvège reste quant à lui identique. Un amour que l’on va retrouver une fois de plus jusque dans les paroles et l’atmosphère de ces sept nouveaux morceaux qui, sans grande surprise, s’inscrivent dans la continuité de ceux proposés sur
Vandreren.
Servi par une production toujours aussi rachitique (guitare famélique et abrasive, voix exagérément mise en avant, beaucoup trop de grain et de souffle...),
Høstmørke continue de mélanger les plaisirs en offrant à l’auditeur une succession d’hymnes Black Metal lo-fi épiques et fédérateurs pour amateur de folklore norvégien auxquels vont venir se greffer quelques brûlots incandescents rappelant les premiers pas de Darkthrone dans ce genre qu’il a lui-même contribué à façonner ("Thornspawn Chalice" et le radical "Total Death"). Bien plus homogène que son prédécesseur grâce à une production qui ne fluctue pas d’un titre à un autre,
Høstmørke fait la part belle aux compositions tantôt entêtantes ("Neslepaks" et "I Kamp Med Kvitekrist" et ces mélodies et autres lignes de chants qui réveilleront le guerrier viking qui sommeille en vous), tantôt lentes et hypnotiques ("Over De Syngende Øde Moer" et ses airs de rituel païen processionnaire) tantôt folkloriques ("Landet Og Havet" et "I Ei Gran Borti Nordre Åsen" qui vous feront voyager à bord d’un drakkar le long du rivage norvégien). Tout comme sur
Vandreren, il se dégage ici une très forte théâtralité que l’on doit uniquement aux vocaux de Fenriz. Un chant d’ivrogne halluciné (c’est "lalalalala" et autres "ohohohoh" scandés dans des élans de fierté patriotique, en tout bien tout honneur bien entendu) qui à l’image d’un Saroumane scandinave ère dans la pénombre des bois en fomentant quelques plans machiavéliques en faisant tout de même attention à ne pas se prendre les pieds dans quelques racines rampantes. Certains titres seront également l’occasion pour Fenriz de faire participer quelques-uns de ses amis et collègues puisque Bjørn Dencker Gjerde (Urarv, The Deathtrip, ex-Dødheimsgard) et Yusaf Parvez (Dødheimsgard, ex-Ved Buens Ende) viendront également pousser la chansonnette sur "Neslepaks" et "Thornspawn Chalice".
Je pourrais essayer de vous en dire davantage au sujet de ce
Høstmørke mais j’aurai le sentiment de broder autour de ce qui a déjà été dit plus haut. Projet solo de Fenriz imaginé seulement quelques années après les débuts de Darkthrone afin de lui permettre d’explorer d’autres horizons, Isengard sera passé durant ses quelques années d’existence par plusieurs étapes toutes relativement différentes les unes des autres bien qu’assez complémentaires. D’abord pensé comme un groupe de Doom lorsque le projet portait encore le nom de Pilgrim Sands, Isengard va alors bifurquer vers un Black/Death particulièrement intense rappelant un certain Grotesque avant de finalement changer une fois de plus d’orientation pour aborder cette fois-ci un Black Metal des plus personnels, tourné vers une certaine idée du folklore norvégien. Une recette qui n’appartiendra qu’à Fenriz et qui, avec le seul et unique album de Storm sur lequel il participera également, constituent deux pépites de Black Metal folklorique. Bien sûr, la formule a depuis été reprise, notamment par les alcooliques hallucinés d’Urfaust dont le lien de parenté n’a jamais été aussi évident que sur ce deuxième album mais Isengard est et restera le groupe ayant initié cette idée d’un Black Metal lancinant et hypnotique, proche de cette nature norvégienne et aux intonations folkloriques évidentes et surtout intelligemment intégrées (on est ici bien loin de l’esprit festif insufflé quelques années plus tard par certains groupes scandinaves qui malheureusement rendront le concept de musique folklorique particulièrement embarrassant dans le milieu). Plus abouti et homogène que son prédécesseur,
Høstmørke est un excellent moyen de se dépayser à moindre frais. Une excursion d’une petite demi-heure en terre norvégienne avec pour guide le plus cool des vice-conseillers d’Oslo et sa région. Pourquoi donc s’en priver ?
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