On cantonne bien trop souvent Gylve Fenris Nagell aka Fenriz à sa position dans Darkthrone. S'il est incontestable qu'il a joué un rôle majeur dans le développement de la scène Black Metal au début des années 90, il est également bon de rappeler que le sympathique norvégien devenu depuis quelques mois une figure politique dans sa ville de Kolbotn a toujours eu plus d'une corde à son arc. Aussi, on ne compte même plus le nombre de projets dans lesquels il s'est embarqué depuis les débuts de Black Death (pré-Darkthrone) en 1987.
Tirant son patronyme de l'univers du Seigneur Des Anneaux (Isengard est le nom donné à la forteresse de Saroumane où se trouve en son centre la tour d'Orthanc), Fenriz a d'abord pensé ce projet comme un trait d'union entre Black et Death Metal avant de le faire muter vers un Black Metal aux très forts relents Folk. De ce projet est né deux albums dont
Vinterskugge sorti en mars 1994 sur Deaf Records (sous-division du label Peaceville).
La première chose à savoir en ce qui concerne cet album est qu'il revêt davantage les atours d'une compilation en réunissant, du first press aux dernières rééditions, tous les précédents enregistrements d'Isengard en guise de bonus. Celui-ci se compose ainsi de trois parties distinctes intitulées respectivement
Vandreren,
Spectres Over Gorgoroth et
Horizons. La première réunit les sept titres qui devaient initialement composer, seuls, ce premier album. La seconde propose les morceaux de la première démo d'Isengard parue en 1989. Enfin, la troisième comprend quant à elle quatre titres enregistrés aux alentours de 1991 qui n'avaient encore jamais été publiés auparavant. Au total, ce sont seize compositions pour plus d'une heure de Black/Death et de Black/Folk/Instrumental qui nous sont offert ici. Un ensemble pas forcément très cohérent mais qui a néanmoins le mérite d'exister.
Sur
Vandreren, Fenriz joue la carte d'un Black lo-fi lancinant et hypnotique dont on devine qu'il a clairement influencé par la suite un certain duo hollandais (c'est bien d'Urfaust dont je parle). Outre une production particulièrement famélique et bancale qui donne assurément un certain cachet à l'ensemble (le souffle, ces grésillements et la qualité médiocre de la bande), ce sont surtout ces riffs abrasifs et entêtant ainsi que cette voix d'ivrogne complètement hallucinée et lointaine qui vont permettre de tracer ce parallèle on ne peut plus évident. Loin de l'agressivité immédiate d'un Darkthrone (à l'exception d'un "Ut I Vannets Dyp Hvor Mørket Hviler" qui en prend le chemin à l'aide de cette rythmique Punk et ces riffs nerveux), Fenriz nous fait voyager dans un univers intoxiqué et brumeux où s'entremêlent les ténèbres, la mort ainsi qu'un certain folklore norvégien. Il règne ainsi une atmosphère étrange qui semble héritée de traditions païennes ancestrales que viennent très justement souligner quelques titres instrumentaux ("Gjennom Skogen Til Blaafjellene", "In The Halls And Chambers Of Stardust The Crystallic Heavens Open" et "Fanden Lokker Til Stupet (Nytrad)"). Certaines musiques sont capables de vous faire voyager. Et bien en dépit de son caractère des plus rudimentaires, le Black/Folk d'Isengard est clairement de celles-ci.
Après ces sept morceaux viennent ceux de la démo
Spectres Over Gorgoroth sortie en 1989. Changement de registre pour Isengard qui s'adonnait à l'époque à un Black/Death bien plus agressif et bestial (le morceau le plus long ne dépasse pas trois minutes et quatorze secondes) que celui de
Vandreren. Si la production est bien évidement toujours aussi crue et aujourd'hui complètement dépassée, elle demeure le symbole d'une époque où tout était encore à faire. A la manière d'un Grotesque, on sent sur les débuts d'Isengard qu'un sentiment de frénésie habite chaque composition. Titres courts, cadence haletante, batterie survoltée, riffs primitifs ultra nécro, ambiance de mort... Une idée du chaos déjà très bien maîtrisée. Et si certains riffs peuvent sembler aujourd'hui un peu trop "faciles", souvenez-vous quand même que nous ne sommes qu'en 1989 et que Fenriz est ici seul à bord. La ressemblance avec le Darkthrone de
Soulside Journey est assez évidente mais qu'importe.
Vinterskugge se conclue sur une troisième partie composée de titres inédits enregistrés pour la plupart en 1991. Bien qu'on puisse y trouver quelques franches accélérations ("The Fog (early 1991)"), le rythme général est tout de même beaucoup plus en retenu. Mais surtout, Fenriz s'essaie à des choses plutôt surprennantes comme l'excellent "Storm Of Evil", tube Post-Punk/Black'n'Roll improbable à la voix de dandy ou encore "Our Lord Will Come", véritable morceau de Stoner/Doom en hommage à Satan. Entre les deux, un titre instrumental sombre et oppressant ("Bergtrollets Gravferd") composé au synthétiseur qui aurait très bien pu figurer sur
Vandreren.
Grâce à ce premier album présenté sous la forme d'une compilation, il est facile de constater qu'Isengard a toujours été un projet en mouvement, évoluant au gré des envies de son seul et unique maître. Si on lui préférera la version plus aboutie et homogène présentée l'année suivante via
Høstmørke, on ne peut que constater une fois de plus ce talent qui anime Fenriz depuis plus de trente ans. Peut-être pas aussi indispensable que les premiers Darkthrone mais néanmoins fort recommandable.
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène